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Projet de loi Économie circulaire : l'Assemblée nationale adopte l'amendement gouvernemental sur la consigne

Malgré son rejet par les associations de collectivités, l'amendement gouvernemental sur la consigne des bouteilles en plastique a été adopté par les députés ce 18 décembre, après plus de deux heures de débats parfois houleux. La création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur (REP) a aussi été votée, à l'unanimité cette fois.

Comme on pouvait s'y attendre, l'ambiance était plutôt électrique à l'Assemblée nationale lors de la reprise des débats sur le projet de loi Economie circulaire ce 18 décembre. Objet de ces tensions : le fameux amendement gouvernemental sur la consigne des bouteilles en plastique, dénoncé la veille par les associations de collectivités (lire notre article) et présenté par Elisabeth Borne et la majorité LREM comme le "fruit d’un compromis" et non d’un "lobbying de Coca-Cola". Le sujet a pris "une importance disproportionnée ces dernières semaines, alors que le projet de loi ne se résume pas à la consigne", a insisté la ministre de la Transition écologique, venue soutenir pour l'occasion sa secrétaire d'Etat Brune Poirson en charge du texte.

"Point d'étape" en 2023

Selon le texte, les collectivités devront prouver qu'elles sont capables d'atteindre les objectifs européens de collecte des bouteilles en plastique, sans en passer par la consigne pour recyclage. Un "point d'étape" sera fait en 2023, pour "décider du déploiement de dispositif de consigne en cas d'écart avec la trajectoire cible", a expliqué Elisabeth Borne. En attendant, des expérimentations sont possibles dans "les territoires volontaires", notamment dans les "Outre-mer" et le texte "laisse la place aux initiatives de consigne pour réemploi".
Plusieurs sous-amendements ont été adoptés. Il a ainsi été précisé que les cahiers des charges des éco-organismes devront "se conformer" aux objectifs de taux de collecte et de recyclage des bouteilles en plastique de 77% en 2025 et de 90% en 2029. L'Ademe aura comme date limite le 30 septembre 2020 pour rendre son rapport sur les taux de performance de la collecte et du recyclage des bouteilles en plastique pour boisson atteints en 2019. Le bilan environnemental des dispositifs de consigne devra être rendu public. La Guadeloupe a aussi été ajoutée aux régions qui pourront mettre en place un dispositif de consigne local.

Système "profondément opaque"

Dans l'hémicycle, les députés de droite comme Valérie Beauvais (LR) ont affirmé que "les collectivités se sentaient flouées", face à une consigne semblant "inéluctable". La députée socialiste Christine Pires Beaune a reproché à la majorité de ne pas respecter l'engagement d'Emmanuel Macron selon lequel "rien ne serait fait sans l'accord" des maires.
Brune Poirson a fustigé de son côté les "manipulations" des "lobbies" des déchets, un système "profondément opaque", alors "qu'a minima, 200 millions de bouteilles en plastique finissent dans la nature" chaque année. "La consigne est soutenue par des groupes comme Coca-Cola et Danone, on peut aussi vous renvoyer la balle", lui a rétorqué le chef de file des députés LR Damien Abad. D'après le gouvernement, ces industriels ne "soutenaient pas du tout la consigne au début" mais ont "changé d'avis", face aux contraintes imposées par l'Union européenne et aux attentes du consommateur en matière de respect de l'environnement.
Pour la députée LREM et ex-EELV Barbara Pompili, l'amendement est "mou parce qu'il n'impose rien. Votons-le et passons à autre chose". Elle redoute que les grands groupes développent entre temps leurs propres consignes avec "des bons d'achat" en grandes surfaces pour "fidéliser les gens".
Après plus de deux heures de débats, l'amendement a finalement été voté à 100 voix contre 59.

Nouvelles filières REP

L'article 8 du texte, qui porte notamment sur la création de nouvelles filières REP ("à responsabilité élargie du producteur"), a, lui, été adopté à l'unanimité mercredi soir. Le principe de ces filières est d'exiger des professionnels de contribuer financièrement à la gestion et au recyclage des déchets liés à leurs produits. La plus importante prévue par le texte est celle sur le bâtiment et les travaux publics, qui généreraient 227 millions de tonnes de déchets par an, selon le ministère de la Transition écologique.
Les professionnels du secteur ont fait part à plusieurs reprises de leur opposition à cette REP, que le projet de loi veut mettre en place à compter de 2022. Mais "à aucun moment, ils n'ont apporté de propositions" alternatives, a regretté la rapporteure du projet de loi Stéphanie Kerbarh (LREM). "La filière essaye de gagner du temps depuis le début mais une filière REP va se mettre en place. A charge pour eux de se mettre autour de la table", a prévenu sa collègue Laurence Maillart-Méhaignerie (LREM), alors que les dépôts sauvages du BTP sont une préoccupation majeure.
Autre filière REP, celle sur le tabac pour financer la récupération des mégots dès 2021, notamment sur les plages. "Les industriels du tabac sont d'accord. En tout cas, ils ont compris qu'ils n'avaient pas le choix", a souligné Brune Poirson. Ou encore celles sur les jouets, les articles de sports et de loisirs, de bricolage et de jardinage en 2022, et pour les lingettes pré-imbibées pour usages corporels et domestiques, à compter de 2024.