Finances locales - CFL : mobilisation contre la baisse des dotations, propositions sur la fiscalité
Le Comité des finances locales (CFL) veut croire que l'objectif d'une économie pour l'Etat de 11 milliards d'euros sur les dotations aux collectivités entre 2015 et 2017 n'est pas définitif. Lors de sa séance plénière du 16 juillet, l'instance de concertation sur les finances locales a ainsi adopté à l'unanimité une délibération dans laquelle elle "demande l'ouverture d'une négociation" avec le gouvernement. Selon les élus locaux, le montant de l'effort demandé aux collectivités doit être "moins important" et il pourrait être "progressif". Quand le gouvernement prévoit trois réductions du même ordre chaque année (3,67 milliards d'euros en 2015 puis en 2016, avant une dernière réduction de 3,66 milliards d'euros en 2017), les édiles défendent un étalement de l'effort. Une partie des économies exigées en 2015 pourrait par exemple être reportée sur les années suivantes, espèrent-ils, soulignant qu'il leur faut du temps pour mettre en œuvre les réformes qui leur permettront de réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités.
Par ailleurs, le CFL souhaite qu'"une partie" des économies faites par l'Etat sur les dotations "soit utilisée pour financer un fonds de soutien à l'investissement local". Cette solution permettrait d'amoindrir la baisse des dotations tout en préservant en partie l'investissement local, qui sinon, pourrait chuter très brutalement.
Le président du CFL, André Laignel, a indiqué, à l'appui de la décision de l'instance, que quelque 2.500 collectivités ont pris une délibération depuis le mois dernier pour réclamer au gouvernement de revenir sur le montant "inacceptable" de 11 milliards d'euros.
Enfin, le CFL "demande que l'impact économique et social d'une baisse de 11 milliards d'euros des dotations sur le triennal soit mesuré". En particulier, "son impact sur l'investissement, les services publics, l'endettement public, ainsi que sur l'emploi".
Répartition de la baisse : un brouillon est prêt pour septembre
Dans ce contexte, la majorité des membres du CFL (certains se sont abstenus) ont préféré renvoyer à début septembre l'éventualité d'une délibération sur la répartition des dotations entre les échelons de collectivités et au sein de ceux-ci, ainsi que sur la péréquation. Cela laisse donc une fenêtre pour une discussion avec le gouvernement. Sur les modalités techniques de la baisse, le CFL a toutefois déjà préparé un brouillon. Un groupe de travail s'est réuni à trois reprises depuis début juillet. Assez peu nombreux selon certains participants, les élus ont convenu de reconduire les modalités de répartition entre les collectivités qui ont été mises en œuvre en 2014 (proportionnellement au poids des recettes de la catégorie de collectivités dans les recettes totales du secteur public local). En ce qui concerne la répartition de l'effort entre les communes, un scénario tenant compte de la richesse de la collectivité et du revenu des habitants tient la corde.
Reporter à la rentrée les discussions entre les élus sur ces différents points pourrait permettre d'améliorer la concertation sur ces questions, dont certaines sont très sensibles (comme la péréquation, ou encore la détermination de l'effort revenant respectivement aux communes et aux intercommunalités).
Conséquence de la décision du CFL, le rendez-vous prévu entre les élus locaux et le Premier ministre dans la semaine du 21 juillet dans le but de signer un nouveau pacte (celui-ci actant la baisse de 11 milliards d'euros des dotations) pourrait être ajourné. A moins que le gouvernement accepte de les recevoir pour examiner leurs desiderata.
Fiscalité : ne pénaliser personne...
Si sur la baisse des dotations et la péréquation, le CFL n'a pas rendu de copie au gouvernement, tel n'est pas le cas sur la fiscalité locale, un dossier sur lequel les élus locaux ont pourtant aussi des motifs d'inquiétude et de mécontentement. Dans cette matière, le comité a adopté ce 16 juillet à l'unanimité un ensemble de 20 propositions (à télécharger ci-contre).
Préparées par un groupe de travail qui s'est réuni en avril et mai derniers, celles-ci répondent à une saisine du précédent Premier ministre. Par lettre, Jean-Marc Ayrault avait demandé le 15 janvier dernier à l'instance de concertation de plancher sur "la modernisation de la fiscalité locale". On se souvient que deux mois plus tôt, il avait lancé l'idée d'une remise à plat de la fiscalité, dans un contexte de fort mécontentement sur le sujet.
La délibération résulte de la recherche d'un consensus entre les élus des différentes catégories de collectivités. "Il est important que le Comité des finances locales ait pu se mettre d'accord sur le corps de doctrine de ce que pourrait être une réforme de la fiscalité locale", a commenté André Laignel à l'issue de la séance. Et celui-ci de souligner que même si elles n'étaient pas mises en œuvre dans un court délai, ces propositions resteront valables dans plusieurs années, que la réforme fiscale est "un procédé évolutif".
Cette délibération est le fruit d'une instance où les représentants des communes et des intercommunalités sont ultra-majoritaires. Dans ces conditions, le CFL n'invite pas à rebattre les cartes entre le bloc communal, les départements et les régions. Il bat plutôt en brèche les recommandations de la Cour des comptes appelant à un transfert de fiscalité entre le secteur communal et les départements. L'ARF est aussi désavouée, puisqu'elle réclamait plus de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en faveur des régions - au détriment des départements et du secteur communal, qui devaient toutefois obtenir une compensation sous forme de taxe sur les carburants. Au contraire, toute ressource nouvelle affectée à un échelon de collectivité ne devra aucunement pénaliser un autre : le CFL en fait une pierre angulaire. C'est en appliquant ce principe qu'il propose trois pistes pour améliorer le financement des dépenses sociales des départements, qui sont aujourd'hui insuffisamment compensées par l'Etat : le transfert aux départements d'une fraction de CSG et du prélèvement sur les jeux de cercle en ligne et sur les paris sportifs (actuellement perçu par l'Etat), ainsi que la suppression de la niche fiscale en faveur des biocarburants. Ces trois propositions avaient été suggérées par l'Assemblée des départements de France.
Taxe sur le numérique
Encore au chapitre des nouveaux impôts, une taxe locale sur le numérique est envisagée. Selon le CFL, cette taxe pourrait être affectée soit au financement des dépenses sociales des départements, soit à celui des nouvelles compétences des régions. Toujours en faveur des régions, est proposée la création d'un versement transport qui serait payé par les entreprises situées en dehors des aires urbaines. Ce nouvel impôt ne devant pas conduire à une réduction du versement transport perçu par les autres collectivités territoriales. On notera qu'une telle disposition vient justement d'être introduite par les sénateurs lors de leur examen du projet de loi de réforme ferroviaire (voir ci-contre notre article du 7 juillet).
De plus, disant son attachement à l'autonomie fiscale, le CFL demande que soit étudiée la possibilité pour les collectivités de "faire varier, dans une fourchette limitée et encadrée", le taux national de CVAE, le principal impôt économique local (près de 15 milliards d'euros en 2014).
Si elles étaient mises en œuvre, ces propositions pourraient conduire à une augmentation de la pression fiscale locale. Mais dans sa lettre de saisine, le Premier ministre n'avait pas fixé la stabilité des impôts locaux parmi ses conditions. On sait toutefois que l'exécutif national s'est aujourd'hui fixé pour objectif de ne plus augmenter les impôts et même de les faire baisser pour certains.
Menace sur les petites taxes
S'agissant des impôts locaux existants, le CFL réclame leur préservation. Toute taxe remise en cause devra être "dûment remplacée par une imposition sur laquelle la collectivité a un pouvoir sur l'assiette, sur le taux ou le tarif", souligne le comité. Les élus locaux ont écrit ces lignes en ayant à l'esprit la crainte d'une suppression de certaines taxes locales (surtaxe sur les eaux minérales, taxe sur les casinos, sur les remontées mécaniques, etc.) au rendement globalement faible mais représentant des montants élevés pour un petit nombre de collectivités. Les élus locaux entendent ainsi poser leurs conditions à une réforme demandée par les entreprises et à laquelle, en début d'année, le ministre chargé du Budget s'est dit favorable. "La proposition de suppression des taxes à faible rendement n'est plus sur la table, à ma connaissance", a toutefois indiqué André Laignel.
Le CFL plaide encore pour le maintien du remboursement "intégral" par l'Etat des dégrèvements de fiscalité locale. Ce voeu n'est pas formulé de manière anodine : selon les élus locaux, Bercy est tenté de revenir sur les remboursements de dégrèvements à l'occasion de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.
Exit la taxe locale sur le revenu
En dépit des garde-fous qu'il pose, le CFL ne prône pas le statu quo complet sur les impôts locaux actuels. En matière de CVAE et de cotisation foncière des entreprises (CFE), il reprend des pistes d'amélioration avancées par les associations nationales de maires et de présidents d'intercommunalité. Le CFL souhaite par ailleurs que les impôts locaux soient plus justes. Cela l'amène à prendre position en faveur de la révision des valeurs locatives. Mais alors qu'il y a quelques mois, une partie de la presse annonçait comme quasi certaine une réforme de la taxe d'habitation faisant reposer cette taxe sur le revenu, le CFL se démarque de cette idée. Bien que favorable à "une meilleure adéquation entre le niveau de prélèvement et les facultés contributives des redevables", il ne souhaite pas que les impositions locales s'appuient davantage sur le revenu. Cette piste "est apparue comme une fausse bonne idée", a indiqué André Laignel. "Son application conduirait à taxer davantage certains foyers aux revenus pourtant modestes", a-t-il déclaré.
Le CFL pose neuf grands principes, indispensables selon lui à la modernisation de la fiscalité locale, parmi lesquels le respect de l'autonomie fiscale, la transparence des impôts à l'égard des contribuables, la nécessité de la péréquation et l'accès des collectivités aux informations fiscales les concernant. Il s'oppose à l'idée de spécialiser les impôts locaux par niveaux de collectivité, affirmant au contraire que chaque échelon doit disposer d'un "panier de ressources fiscales équilibré" (impôts sur les ménages et sur les entreprises).
Jean-Marc Ayrault envisageait une première étape de réforme de la fiscalité locale dans le projet de loi de finances pour 2015. Son successeur à Matignon ne semble pas vouloir de grand soir de la fiscalité, privilégie apparemment de simples adaptations afin de la rendre plus juste pour les ménages et moins lourde pour les entreprises. La délibération du CFL sera transmise au Premier ministre dans les jours prochains.
Observatoire des finances locales
Au cours de la séance, dont l'ordre du jour était donc très chargé, le CFL s'est penché sur le rapport de l'Observatoire des finances locales. Un rapport qui met en évidence la poursuite en 2013 de l'effet de ciseau pour toutes les collectivités territoriales : leurs dépenses de fonctionnement demeurent plus élevées que leurs recettes de fonctionnement. A quelques mois des élections, les communes et les intercommunalités ont accentué leurs dépenses en matière d'investissement (+8,6% l'année dernière), servant ainsi de locomotive à l'investissement public local. Mais cet effort a été fait au prix notamment d'une réduction de l'autofinancement. Celui des collectivités territoriales a diminué l'année dernière de 8% - après une baisse de 10,9 % en 2012. Localtis reviendra dans les prochains jours sur ce rapport qui sera bientôt mis en ligne sur le site du gouvernement consacré aux collectivités locales.
Les élus locaux ont par ailleurs approuvé le bilan de la répartition en 2014 de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette année, la principale dotation de l'Etat aux collectivités s'élève à 40,1 milliards d'euros. Son montant est en baisse de 3,33 % du fait de sa réduction de 1,5 milliard d'euros par rapport à 2013. Mais, "le total de l'enveloppe normée" (qui est plus large que la DGF) est "en baisse cette année de 6,41 %", a précisé André Laignel.
Thomas Beurey / Projets publics
Finances des métropoles : deux projets d'ordonnances
Le CFL a émis ce 16 juillet un avis favorables deux projets d'ordonnances relatifs aux métropoles créées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) – l'un sur les métropoles de droit commun, l'autre spécifique à la métropole de Lyon. Deux textes importants auxquels les élus locaux n'ont eu que quelques minutes à consacrer.
La loi Maptam (article 73) habilite le gouvernement à prendre par ordonnance toutes les mesures législatives permettant de "compléter et préciser les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables aux métropoles". Le premier projet d'ordonnance vient donc fixer ces règles "en matière d'élaboration, de présentation, d'adoption et de publicité du budget et des comptes". Ce cadre budgétaire et comptable "doit notamment permettre de retracer l'ensemble des compétences exercées par les métropoles, qu'il s'agisse des compétences transférées par les communes membres ou de celles déléguées par le département ou la région", explique le gouvernement. Ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2016 afin de permettre aux métropoles d'"adapter leur organisation et leurs outils informatiques", mais ceux qui le souhaitent pourront prendre une délibération pour les appliquer dès le 1er janvier 2015.
Le deuxième projet d'ordonnance doit quant à lui, également sur le fondement de la loi Maptam (articles 26 et 28), permettre de "prendre les mesures nécessaires pour rendre applicables à la métropole de Lyon, collectivité à statut particulier, les législations fiscales et financières, budgétaires et comptables". "Les cadres budgétaires et comptables existants ne sont, en effet, pas adaptés à la métropole de Lyon qui, outre les compétences déjà exercées par la communauté urbaine de Lyon, va exercer sur son territoire les compétences du département du Rhône. Il convient donc d'élaborer pour cette collectivité un cadre budgétaire et comptable qui tienne compte de l'étendue de son champ de compétence. Par ailleurs, en matière fiscale, un certain nombre de règles doivent être précisées", explique ainsi l'étude d'impact jointe au projet.
C.M.