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Finances - Fiscalité locale des entreprises : des allègements mais pas de bouleversements

Les quatre groupes de travail créés dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises ont remis leurs propositions à Bercy. L'un d'eux s'est penché sur la fiscalité locale. Il préconise de limiter les hausses notamment pour la taxe sur les surfaces commerciales et pour la TLPE. Et de réduire le nombre des taxes à faible rendement, dont une sur cinq va dans les caisses des collectivités. Pas question en revanche de remettre en cause la contribution économique territoriale ou la révision des valeurs locatives.

Lancées par le Premier ministre le 29 janvier dernier, les Assises de la fiscalité des entreprises devaient déboucher sur des mesures à produit fiscal constant. Désormais, le gouvernement pourrait être prêt à faire un geste en direction des entreprises. Dans son édition du 20 mars, le quotidien Les Echos évoquait "une réduction de fiscalité nette de 5 milliards d'euros" en faveur des entreprises, sous la forme d'une baisse de l'impôt sur les sociétés ou d'une suppression de la "C3S", une taxe sur le chiffre d'affaires. Une combinaison des deux solutions n'est pas exclue.
Après le CICE et le pacte de responsabilité, le gouvernement pourrait donc une nouvelle fois diminuer la charge fiscale des entreprises. Le but : permettre aux entreprises d'accroître leurs marges et restaurer leur compétitivité. Si l'Etat faisait un très gros effort en renonçant à des recettes de l'impôt sur les sociétés, les collectivités pourraient aussi mettre la main au portefeuille. Dans une mesure toutefois bien moindre. Au terme de ses réflexions, le groupe de travail sur les impôts locaux des entreprises créé dans le cadre des Assises propose "que, globalement, la fiscalité locale sur les entreprises n'évolue pas plus rapidement que le produit intérieur brut".
De plus, il recommande la mise en œuvre de garde-fous pour limiter la progression de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) et la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) qui s'applique aux affiches et panneaux publicitaires. Deux taxes qui sont des recettes d'appoint pour les communes et leurs groupements, mais qui sont loin d'être négligeables : à elle seule, la Tascom pèse plus de 600 millions d'euros. Le groupe de travail donne ainsi satisfaction aux organisations patronales, qui "se sont acharnées sur ces taxes", témoigne le responsable d'une association d'élus locaux, qui a participé aux travaux des Assises.

Les petites taxes dans le collimateur

Les possibilités dont disposent les communes et leurs groupements pour augmenter ces impôts sont déjà encadrées. Les entreprises trouvent ces dispositions insuffisantes. Certaines ont constaté des hausses du montant de la Tascom de 10% en deux ans. Quant aux tarifs de base de la TLPE, ils ne peuvent évoluer de plus de 5 euros par mètre carré d'une année à l'autre. Le groupe de travail préconise de réduire cette marge d'évolution "à 2 ou 3 euros par mètre carré".
S'agissant de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises, que paient les artisans et les PME, il demande une évaluation des mesures prises dans la loi de finances pour 2014 (notamment la création de nouvelles tranches de barème). Si cette mesure s'avérait insuffisante pour limiter les hausses d'imposition, il faudrait qu'un mécanisme soit mis en place dans ce but, recommande le groupe de travail.
Autre préconisation (que l'on trouve aussi dans le relevé de conclusions du groupe de travail qui a examiné les impôts sur la production) : la réduction du nombre des petites taxes à faible rendement. Si elle devait s'appliquer, la mesure aurait des incidences sur les recettes des collectivités locales. Ces dernières perçoivent un cinquième des 179 taxes dont le produit ne dépasse pas 100 millions d'euros. En cas de suppression de ces impôts, les collectivités devront obtenir une compensation, souligne le relevé de conclusions. Une remarque d'autant plus importante que le ministre délégué au Budget a déjà témoigné de son intérêt pour cette piste.
Le groupe de travail sur les impôts locaux propose encore de simplifier les obligations déclaratives des entreprises pour la Tascom et la TLPE.
S'agissant du versement transport dont s'acquittent les entreprises de neuf salariés et plus, il donne une suite favorable à la proposition des représentants des entreprises visant à mieux les associer aux décisions locales relatives à la politique des transports. Ils espèrent ainsi qu'il sera "mieux tenu compte des besoins de transports des salariés". "Cette piste a suffi à détendre l'atmosphère", indique-t-on au sein d'une association d'élus locaux.

La CVAE n'est pas remise en cause

Au final, les Assises de la fiscalité des entreprises ne débouchent pas sur la recommandation de la suppression pure et simple de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qu'avait demandée le président du Medef en janvier. Cet impôt de 16,5 milliards d'euros - dont 12 milliards à la charge des entreprises – est une ressource essentielle pour l'ensemble des collectivités. La progression de 7,5% de cet impôt en 2013 explique notamment la prise de position de l'organisation patronale.
Sur ce sujet, les échanges ont permis une clarification. Le montant record de la CVAE en 2013 était lié à des reports de nature comptable, a-t-il été rappelé. D'ailleurs, il est suivi en 2014 d'une baisse, elle aussi record, de 4,5% du produit de la CVAE. Notamment du fait de cette mise au point, le Medef a rapidement abandonné la piste de la remise en cause de cet impôt. "Une réforme de la CVAE touchant à son barème entraînerait des reports de charges entre les entreprises, c'est-à-dire des grandes entreprises vers les PME. Cette option a été écartée", précise-t-on du côté des élus locaux.
Le groupe de travail relatif aux impôts sur la production émet quand même une recommandation concernant la CVAE. Il s'agit de "la mise en place d'un groupe de travail technique pour dissiper les incertitudes existantes sur le calcul de la valeur ajoutée servant d'assiette à la CVAE et en simplifier la définition".
Les élus locaux peuvent être soulagés. Les Assises ne concluent pas à la nécessité d'une réforme structurelle de la fiscalité économique locale. Selon le groupe de travail consacré à cette thématique, la contribution économique territoriale mise en place en 2010 et 2011 en remplacement de la taxe professionnelle ne doit pas être modifiée dans ses fondements. De son côté, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels doit être poursuivie pour aboutir, comme prévu en 2016, ajoute-t-elle. Sur cette réforme, il est seulement demandé à l'administration d'envisager "un dispositif de simulation des effets (…) pour évaluer l'éventuelle nécessité de prendre des mesures d'adaptation (lissage, coefficients,...)".

Des interrogations sur le calendrier

Le souhait de ne pas bouleverser une nouvelle fois la fiscalité après la réforme majeure qu'a constitué la suppression de la taxe professionnelle a donc primé chez les participants du groupe de travail.
Le Premier ministre avait affirmé en janvier qu'il rendrait ses arbitrages fin avril. Mais ce calendrier pourrait être bouleversé en cas de remaniement. Les résultats des élections municipales pourraient par ailleurs conduire l'exécutif à renoncer à alléger autant que prévu la fiscalité des entreprises pour mettre l'accent plutôt sur la baisse des impôts des ménages. Le gouvernement et la majorité viennent de donner des signes tendant à le faire penser. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a souligné ce 26 mars que "l'objectif à terme est d'aller vers une baisse de la fiscalité des ménages". Bruno Le Roux, chef de file des députés PS, a déclaré de son côté, que des mesures fiscales "à destination des plus modestes" seront annoncées "dans les prochains jours" par le gouvernement.