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Finances locales - Remise à plat de la fiscalité : les propositions des associations d'élus locaux

Autonomie fiscale, péréquation, révision des valeurs locatives, dégrèvements, fiscalité des entreprises, taxes à faible rendement, spécialisation fiscale... Sur tous ces sujets, les associations d'élus locaux ont des choses à dire. Et ont transmis leurs préconisations au président du Comité des finances locales (CFL) pour nourrir la réflexion du groupe de travail qui doit fournir au gouvernement d'ici cet été une liste de propositions sur la fiscalité locale.

Le groupe de travail sur la fiscalité locale mis en place par le Comité des finances locales (CFL) devait se réunir ce 6 mai pour poursuivre son travail de réflexion. Objectif : fournir au gouvernement, au plus tard au début de l'été, une liste de propositions avalisées par le Comité qui sera renouvelé dans sa composition au mois de juin. Pour cela, le groupe de travail s'appuie sur des propositions que six associations d'élus locaux lui ont fait parvenir à la demande du président du CFL ou à titre volontaire, entre fin février et début avril 2014. Après avoir rendu compte des orientations préconisées par les associations représentant les maires des petites villes et ceux des villes moyennes (nos articles ci-contre), Localtis dévoile les constats et les souhaits des trois principales associations d'élus (Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Association des régions de France). Les propositions de l'Assemblée des communautés de France sont présentées en même temps. Le croisement des diverses recommandations montrent que les sujets de divergences entre les élus locaux sont nombreux. Les désaccords sont surtout visibles sur la question ultrasensible de la répartition des recettes fiscales entre les différents échelons.

Autonomie fiscale
L'idée que les ressources des collectivités doivent d'abord reposer sur la fiscalité - et non sur les dotations - fait l'unanimité parmi les associations d'élus locaux. Dans le contexte de leur réduction, les dotations sont bannies. Défendant toutes deux la situation spécifique des échelons de collectivités qu'elles défendent, l'ADF et l'ARF militent pour que ceux-ci bénéficient de nouvelles ressources fiscales, dynamiques et ayant un rapport avec les compétences qu'ils exercent. Ils ne revendiquent pas un pouvoir de taux sur ces nouveaux impôts, alors que l'AMF souhaite que les communes conservent "la liberté de fixer les taux des impôts".

Révision des valeurs locatives et équité fiscale
L'AMF demande la poursuite de la révision des valeurs locatives, qu'elle qualifie de "source d'équité fiscale". Un objectif que partage totalement l'ADCF, qui la considère comme "la mère des réformes". Pour l'ARF, le chantier participe d'un "dépoussiérage nécessaire" de la fiscalité locale. "Le bloc communal reste attaché à une fiscalité en adéquation avec la capacité contributive des contribuables", écrit l'AMF. L'ADCF se dit "sceptique" sur la possibilité de prendre en compte le revenu pour le calcul des montants des taxes communales. Cela susciterait "de considérables inégalités de richesses entre communes, voire entre intercommunalités", explique-t-elle.

Péréquation
L'AMF affirme la nécessité de "maintenir et de renforcer un dispositif de péréquation permettant de compenser les inégalités de richesses entre les territoires". Plus loin, elle souhaite une révision des dispositifs dans le but de "recentrer les versements et d'éviter les saupoudrages". De son côté, l'ADCF se dit "favorable à une réorganisation globale des dispositifs de péréquation". Le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) lui semble être "le dispositif le plus adapté pour réaliser la convergence des différents outils de péréquation". "La péréquation verticale ne remplit plus son rôle", fait remarquer, quant à elle, l'ADF. L'association plaide pour une définition plus juste du potentiel financier des départements et une distinction entre péréquation verticale et péréquation horizontale. La première serait destinée à corriger prioritairement les inégalités de charges, quand la seconde devrait corriger les inégalités de ressources.

Dégrèvements d'impôts locaux
Les collectivités n'ont pas à prendre en charge les quelque 10 milliards d'euros de dégrèvements de fiscalité locale décidés unilatéralement par les gouvernements et les législateurs successifs, estiment de concert l'AMF, l'ADCF et l'ADF. Les deux premières associations exigent une compensation fiscale intégrale en cas de réforme.

Aménagements de la contribution économique territoriale
Concernant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les associations d'élus locaux souhaitent des mesures permettant d'empêcher des pratiques d'optimisation fiscale. Elles demandent aussi un accès plus facile aux données fiscales, pour améliorer leur prospective fiscale. Elles s'accordent aussi sur la nécessité d'une meilleure "territorialisation" de l'affectation de la CVAE. L'ADCF est la seule à demander une refonte de la CVAE, qui consisterait en une remise en cause des dégrèvements dont profitent aujourd'hui les petites entreprises. Concernant la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE), elle appelle à remplacer le chiffre d'affaires par la valeur ajoutée, pour le calcul des montants dus par les entreprises.
Pour l'AMF, "le poids de l'impôt doit être partagé à part égale entre les ménages et les entreprises". En conséquence, elle appelle à un rééquilibrage. Aujourd'hui 63% des recettes de fiscalité directe locale émanent des ménages (contre 57% avant la suppression de la taxe professionnelle), constate-t-elle.

Taxes à faibles rendement payées par les entreprises
L'AMF réclame que ces taxes, aujourd'hui dans le collimateur du gouvernement, soient compensées par des recettes "évolutives". L'ADF conteste les solutions de remplacement proposées par l'Inspection générale des finances dans un récent rapport. L'ARF quant à elle ne s'oppose pas à la suppression des taxes en question, qu'elle qualifie d'"inefficaces". Elle voit même là une piste de financement pour la création d'un versement transport régional, pour laquelle elle milite.

Spécialisation fiscale
Pour l'AMF, "chaque échelon de collectivité devrait être financé par deux types d'impôts : un impôt ménage et un impôt économique". Tout comme l'ADCF, elle dit l'attachement du bloc communal à la fiscalité économique. De son côté, l'ARF plaide pour une mise en cohérence des ressources et des compétences. Elle promeut le triptyque suivant : "une collectivité - une compétence phare = un impôt phare", qui lui semble pouvoir améliorer la lisibilité du système fiscal.

Répartition des ressources fiscales entre les échelons de collectivités
Pour l'ADCF, la réussite du chantier de révision des valeurs locatives exige qu'aucun transfert de fiscalité n'ait lieu entre les échelons de collectivités. L'ADF réclame quant à elle de nouvelles ressources dynamiques en faveur des départements, via le transfert d'une part de contribution sociale généralisée (CSG) ou la création d'une taxe sur le numérique. Elle envisage aussi l'affectation aux départements de recettes aujourd'hui perçues par l'Etat, à savoir une partie de la taxation sur les jeux de hasard et une part supplémentaire des droits de mutation à titre gratuit payés par les bénéficiaires des successions et des donations. Ces transferts pourraient être compensés pour l'Etat par la suppression de certaines niches fiscales, comme le taux réduit de TVA dans la restauration ou l'avantage fiscal dont bénéficient les biocarburants.
Quant à l'ARF, elle lorgne du côté des recettes fiscales des autres échelons de collectivités, s'attirant au passage les foudres des élus qui les représentent. Elle demande ainsi à échanger des dotations et des ressources de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers contre de nouvelles recettes de CVAE aujourd'hui perçues par les communes, les intercommunalités et les départements. Les régions toucheraient ainsi 70% des recettes de CVAE (soit 10,5 milliards d'euros) contre 26,5 % aujourd'hui (4 milliards). L'Etat compenserait les autres collectivités "selon des modalités qu'il lui advient de définir". Si cette solution est "trop complexe" à mettre en oeuvre, l'ARF demande l'attribution aux régions d'au moins 50% de la CVAE et d'une part de la cotisation foncière des entreprises (CFE) perçue par les communes et leurs groupements à fiscalité propre. L'ARF demande par ailleurs la création d'un versement transport régional.