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Citoyens - Carte d'identité électronique : les députés toujours en désaccord avec le Sénat

Les députés ont examiné, le 13 décembre, la proposition de loi relative à la protection de l'identité, et sont toujours en désaccord avec le Sénat. Le texte oppose les partisans d'une simple "authentification" et ceux qui préconisent des solutions performantes "d'identification". Les mairies doivent se préparer à accueillir le public et à relever le défi de la délivrance de la CNIE. Illustration à Beauvais et à Toul.

Les députés qui examinaient, le 13 décembre, en deuxième lecture, la proposition de loi relative à la protection de l'identité, maintiennent leur désaccord avec le Sénat. Ils ont rétabli le seul article qui restait encore en débat en adoptant le principe d'un lien fort entre les éléments d'état civil et les données biométriques. Déposé par les sénateurs UMP Jean-René Lecerf et Michel Houel, le texte vise à mettre en place une carte d'identité sécurisée à l'image de ce qui a déjà été fait avec le passeport biométrique et à promouvoir un dispositif efficace de lutte contre l'usurpation d'identité. Il s'appuie sur un fichier centralisé et des technologies biométriques pour faciliter la reconnaissance mais oppose toujours les partisans d'une simple "authentification" et ceux qui préconisent au contraire des solutions performantes "d'identification".

Rétablissement du "lien fort" et ajout de quelques garde-fous

"Le lien faible est un leurre. Il n'a encore été mis en œuvre dans aucun pays. Il ne s'agit que d'un concept. Le passage à un produit opérationnel nécessitera du temps et des investissements importants que nous n'avons pas précisément évalués", a tout d'abord lancé le ministre de l'Intérieur pour balayer l'argument de la technologie du lien faible. Mais en réalité, c'est bien la question de la performance du dispositif qui est posée. En effet, dans une base de données à "lien faible", les données biographiques (état civil) et biométriques d'une personne ne peuvent être croisées, sauf au moment de la délivrance du titre. Dans de telles bases, une empreinte correspond non pas à une identité mais à un ensemble d'identités. Il n'est donc pas possible d'établir en temps réel le lien entre l'identité et l'empreinte. Des enquêtes sont nécessaires pour y parvenir. Lorsque le lien est fort, une empreinte est identifiée en quelques secondes, ce qui peut en faire aussi un formidable outil de police judiciaire. C'est précisément ce qui inquiète les partisans du lien faible et qui a conduit les sénateurs à voter unanimement (moins quatre voix) contre cette technologie.
Le gouvernement et les députés de la majorité ont introduit quelques garde-fous afin de répondre notamment à l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) publié fin octobre. Tout recours à la reconnaissance faciale est écarté. Les données biométriques ne pourront faire l'objet d'interconnexions avec d'autres fichiers. Quant à la base, elle ne pourra être consultée qu'au moment de la délivrance et du renouvellement du titre "afin d'en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne". Deux autres cas sont encore envisagés sous le contrôle cette fois d'un magistrat, dans les enquêtes liées à des infractions de fraude à l'identité et pour l'identification de corps de victimes de catastrophes collectives ou naturelles.

Un texte quasi définitif

Le député Jean-Jacques Urvoas (PS) conserve ses doutes sur les risques d'utilisation judiciaire de la base. Il met aussi en garde contre les dérives de finalités, "une constante dans la pratique gouvernementale", en prenant l'exemple du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Destiné initialement à la lutte exclusive contre les auteurs d'infractions sexuelles et il est aujourd'hui utilisé pour les délits comme le vol, l'arrachage d'OGM, la violence conjugale ainsi que dans la prévention contre la délinquance.
Malgré l'opposition, le lien fort a été rétabli par les députés. Le texte va suivre son cours et passer directement en commission mixte paritaire. Une nouvelle navette sera effectuée avant l'adoption par l'Assemblée nationale du texte définitif qui pourrait intervenir en début d'année 2012 dans les termes retenus par les députés. Il ne manquera plus que les décrets d'application pour déployer dans les mairies le dispositif de création/renouvellement de la carte d'identité sécurisée, toujours prévu pour la rentrée de septembre 2012. Déploiement qui reste toutefois lié au résultat des prochaines élections présidentielles et législatives qui auront eu lieu entre temps. 

Philippe Parmantier / EVS

Les mairies préparent l'accueil des usagers
Aujourd'hui, les 36.800 communes délivrent les cartes d'identité. A partir de septembre 2012, date de mise en circulation de la carte électronique, elles ne seront plus que 2.079 communes à exercer cette tâche. D'où une inévitable affluence, qu'il faudra gérer du mieux possible.
Si la délivrance du passeport biométrique est aujourd'hui considérée comme un succès (lire ci-contre notre article du 6 décembre 2011: "La mise en place du passeport biométrique donne satisfaction"), les premiers mois de sa mise en œuvre ont été plutôt difficiles. Les responsables de l'état civil des communes s'en souviennent. Aussi, la perspective du passage à la carte d'identité électronique fait naître chez certains d'entre eux quelques craintes. D'autant que, comme le souligne Fabrice Luginbühl, responsable des services à la population à la mairie de Beauvais, "seule une minorité de Français n'a pas de carte d'identité, contrairement au passeport". Le défi de la délivrance de la carte d'identité électronique paraît donc plus grand que celui de la délivrance du passeport.
Pour y faire face, la mairie de Beauvais va demander à l'Etat l'obtention de deux dispositifs de recueil supplémentaires, qui s'ajouteront aux quatre qu'elle a déjà. Si elle les obtient, elle les installera dans 30 m2 qu'elle récupérera par le déménagement d'un service municipal.
De son côté, la mairie de Toul dispose déjà du local nécessaire à l'installation d'un dispositif de recueil, dont elle fera la demande à l'Etat. S'agissant de l'organisation du flux des demandes, la commune de Meurthe-et-Moselle va probablement poursuivre avec des rendez-vous, comme c'est déjà le cas les mercredi et vendredi après-midi. Ce type d'accueil a fait ses preuves : "Cela nous permet de répartir les usagers sur l'ensemble de la journée. Sinon, en cas de forte affluence, tout le monde s'énerve. Cela fonctionne bien. Le public est aujourd'hui habitué à prendre des rendez-vous, chez le médecin par exemple", indique Alexandre Krawiec, responsable accueil population et état civil. "On n'a pas de solution toute faite", explique pour sa part, Fabrice Luginbühl, à Beauvais: "On bloquera peut-être 20 minutes pour un rendez-vous, mais dans certains cas, il faudra moins de temps et dans d'autres cas, il en faudra plus. Donc, les rendez-vous ne permettent pas toujours une gestion optimale."
Pour Christine Sarrazin-Baudoux, 1re adjointe déléguée à l’administration générale, le nouveau cadre de délivrance des cartes d'identité demeure "flou". L'élue estime qu'il faudra à la mairie un dispositif de recueil supplémentaire, sans se faire beaucoup de soucis pour son installation. En revanche, il faudrait recruter du personnel supplémentaire, mais compte tenu du contexte financier, elle doute que cela soit possible. Sans renfort, le personnel en place devra assumer les tâches supplémentaires.

Thomas Beurey / Projets publics

 

 

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