Protection des données - Le Sénat rejette les liaisons directes entre état civil et empreintes digitales
Il y aura bien un fichier central pour la protection de l'identité unique, mais les sénateurs ne veulent pas que ce fichier puisse être directement utilisé pour retrouver une personne par ses empreintes digitales. Le Sénat qui examinait en seconde lecture, le 3 novembre 2011, la proposition de loi modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité, a finalement rejeté à une très large majorité l'amendement 4 présenté par le gouvernement, autorisant cette disposition.
Dans le débat général le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, n'a pas modifié son argumentation, en rappelant que l'objet de la proposition de loi, qui met également en place une nouvelle carte d'identité électronique, visait bien à simplifier et à lutter contre les usurpations d'identité. "Les honnêtes gens ont besoin d'être protégés", a t-il plaidé pour justitifier l'amendement du gouvernement permettant d'établir un lien direct entre l'état civil d'un demandeur de titre et ses empreintes digitales. "Seule cette relation permet de confronter l'identité d'une personne à toutes celles enregistrées dans la base" devait-il encore souligner.
Rappelons qu'en première lecture, le 1er juin, le Sénat, avait refusé cette possibilité en imposant l'utilisation de fichiers dits à "liens faibles" (lire notre article du 28 octobre). Les empreintes du titulaire de la carte d'identité sont, dans ce cas, stockées dans un fichier informatique séparé, le lien se faisant par un numéro de code. Lors d'une vérification d'identité, la base indique seulement si cette identité correspond à une empreinte du fichier sans la désigner. Ce qui impose alors des recherches en cas de signalement suspect.
Une question de finalité
Au cours de la discussion générale, le rapporteur de la commission des lois, François Pillet, a rappelé que les liens faibles ne permettent pas d'utiliser le fichier central "à des fins de recherche criminelle" mais qu'en revanche "l'usurpateur aura 99,9 chances sur cent de se faire prendre en cas d'alerte", certes en effectuant des recherches mais qui "justifient la proportionnalité entre les buts poursuivis et les dispositifs matériels mis en place". Car c'est bien de finalité dont il a été question tout au long des débats. Contrairement à l'amendement de l'Assemblée nationale "qui laisserait même la porte ouverte aux procédés de reconnaissance faciale" et "permettrait l'utilisation du fichier central par les services antiterroristes hors de toute réquisition", les sénateurs ont donc souhaité que la finalité de police judiciaire reste distincte. "Ce nouvel état du droit ne nous permet pas de modifier notre position initiale", a regretté François Pillet. Une position qui a d'ailleurs été confortée par la note d'observation de la Commission nationale de l'informatlique et des libertés (Cnil) et par la décision du Conseil d'Etat à propos du passeport biométrique (lire notre article du 28 octobre). Pour conclure il a réaffirmé que "seule la rédaction retenue par la commission des lois du Sénat respecte à la fois les principes fondamentaux attachés aux libertés publiques, les normes juridiques supérieures qui s'imposent au législateur et la proportionnalité entre l'objectif de la loi et les moyens mis en oeuvre pour son application". Après mise au vote, le texte de l'amendement du gouvernement à recueilli 4 voix et a été rejeté par 341 voix. En revanche le texte amendé de la proposition de loi, qui doit encore retourner à l'Assemblée nationale, a été adopté par l'ensemble des groupes du Sénat à l'exception du CRC (communiste) qui a voté contre.