Avec le rapport Libault, le service public territorial de l'autonomie se précise
Le gouvernement avait chargé le conseiller d'État Dominique Libault de proposer une méthode de généralisation d'un "point unique d'entrée pour les personnes en perte d'autonomie", qu'il s'agisse d'âge ou de handicap. Son rapport remis ce 17 mars formule ainsi 21 recommandations tendant à la création d'un service public territorial de l'autonomie. Ce SPTA pourrait selon lui être déployé en deux ans.
Dominique Libault – conseiller d'État, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale et ancien directeur de la sécurité sociale – a remis ce 17 mars à Brigitte Bourguignon et Sophie Cluzel son rapport intitulé "Vers un service public territorial de l'autonomie". Après avoir rappelé différentes avancées comme l'expérimentation des Paerpa (parcours de santé des aînés), puis la concertation Grand Âge (deux démarches pilotées par Dominique Libault), la lettre de mission du 30 décembre dernier, signée des deux ministres et d'Olivier Véran, lui demandait notamment de "tirer, autant que possible, des enseignements de la crise sanitaire, de poursuivre plus avant ces axes majeurs de travail au niveau national et local, pour répondre aux demandes exprimées de simplification des parcours des personnes".
L'importance d'un système d'information commun et efficace
Très détaillée, la lettre de mission du 30 décembre fixait trois priorités : proposer une méthode de généralisation d'un point unique d'entrée pour les personnes en perte d'autonomie, proposer une mission de formalisation de la bonne articulation entre les dispositifs visant à coordonner les professionnels de santé (DAC) et les dispositifs d'accompagnement de la personne âgée et, enfin, réfléchir à la création et à l'animation d'un comité "autonomie et parcours de soins".
Rédigé avec le concours de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), le rapport aborde ces différents points et formule 21 recommandations tendant à la création d'un service public territorial de l'autonomie (SPTA). Une bonne part d'entre elles se retrouvent d'ailleurs dans les engagements de la première COG (convention d'objectifs et de gestion) de la cinquième branche de sécurité sociale consacrée à l'autonomie, qui vient d'être adoptée par la CNSA (voir notre article du 16 mars 2022). Après avoir confirmé le diagnostic du manque de coordination dans la prise en charge actuelle des personnes âgées ou handicapées (malgré diverses initiatives locales et nationales), Dominique Libault propose ainsi, comme un préalable, la finalisation d'un système d'information permettant un "suivi actif du parcours de la personne âgée et/ou en situation de handicap ainsi que de leurs aidants, partagé entre les professionnels des secteurs sanitaire, social et médicosocial et recensant les informations nécessaires à un accompagnement efficient et coordonné de la personne dans son parcours de vie".
Une conférence territoriale de l'autonomie dans chaque département
Dans le même temps, il conviendrait de mettre en place les conditions d'une évaluation partagée prenant en compte la situation d'ensemble de la personne, en s'appuyant notamment sur une révision des outils d'évaluation (grilles Aggir et Pathos) et d'instaurer, au sein du SPTA, les conditions permettant d'assurer la coordination effective entre l'ensemble des professionnels et acteurs des structures sanitaires, sociales et médicosociales. Ce dernier point passera par la participation au SPTA des différentes structures existantes : DAC, CPTS, réseaux de santé, CLIC, communautés 360... De même, devront être intégrés au SPTA les "dispositifs contribuant à l'accueil, l'information, l'orientation, la mise en relation, l'attribution des prestations, l'appui aux solutions concrètes et la prévention de la perte d'autonomie, sans remise en cause de leur existence ni de leurs obligations légales".
La mise en place d'un cahier des charges commun et d'un pilotage national par la CNSA, ainsi que d'un programme de formation continue commun aux agents publics (ARS et départements) et aux professionnels de terrain devrait contribuer à renforcer le travail en commun et la coordination. Au passage, le rapport propose de "légitimer les délégations départementales des ARS dans le pilotage des politiques de l'autonomie et du SPTA, aux côtés du conseil départemental chef de file". Dominique Libault préconise aussi de créer une conférence territoriale de l'autonomie (Cotea) au sein de chaque département (ce qui pourrait toutefois doublonner, au moins pour partie, avec la conférence des financeurs de la prévention de la perte d'autonomique).
Au niveau national – et comme envisagé par la lettre de mission – une instance nationale serait chargée du "pilotage stratégique des politiques de l'autonomie". Par ailleurs, il conviendrait d'adopter une disposition législative autorisant les assemblées locales à fusionner, par délibération, des conférences et des instances entrant dans le champ du SPTA.
En termes pratiques, les travaux préparatoires au déploiement du SPTA devraient être engagés en amont du processus législatif et dès l'année 2022. De même, il conviendrait de définir en amont des indicateurs partagés de pilotage du SPTA, communs aux parties prenantes, ainsi que des modalités d'évaluation. Sur le terrain, le rapport plaide pour la mise en œuvre d'une démarche de projet pour le déploiement du SPTA. Celle-ci serait conduite par une équipe projet, copilotée par l'ARS (délégation départementale) et le conseil départemental, avec l'appui de la CNSA.
Une généralisation du dispositif pour la fin de 2025
Dans ces conditions, Dominique Libault estime possible d'"assurer un déploiement généralisé du SPTA sur le territoire national, de manière progressive, dans les deux ans suivant la publication de la loi". Le rapport propose d'ailleurs un calendrier prévisionnel. Après une phase de concertation entre l'Etat et les départements dès 2022 et un débat parlementaire dans le cadre d'un projet de loi "Grand âge et autonomie" envisagé pour l'hiver 2022-2023, le déploiement du service public territorial de l'autonomie pourrait débuter dans les départements dès l'hiver 2023, avant une généralisation du dispositif pour la fin de 2025. Dans un communiqué commun du 17 mars avec Sophie Cluzel, Brigitte Bourguignon ne se prononce pas sur une date, mais explique que "le rapport de Dominique Libault sera un appui très concret pour trouver, dans le dialogue avec tous, les solutions les plus adaptées localement pour faire vivre, dans les territoires, la grande réforme de l'autonomie que je porte. Nous pourrons ainsi continuer de construire pas à pas un véritable service public de l'autonomie, universel et accessible à tous".