Archives

Commande publique - Actualité de l'achat public : Catherine Bergeal fait le point

Textes en préparation, retour au seuil de 4.000 euros, CCAG, révision des directives européennes : la directrice des affaires juridiques de Bercy a proposé, le 25 mars, un tour d'horizon de l'actualité de la commande publique. Elle a aussi répondu à la question suivante : "Les acheteurs publics peuvent-ils manger du chocolat ?" Suspense...

Catherine Bergeal est intervenue jeudi 25 mars en ouverture de la 147e session d'étude organisée par l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp). Sur un ton direct, la directrice des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie a dressé un panorama des textes publiés ces douze derniers mois en matière de commande publique, et présenté ceux à attendre pour les mois à venir. Elle s'est également exprimée sur une éventuelle révision des directives européennes de 2004 et sur le retour au seuil de 4.000 euros.

Retour sur les CCAG et la directive recours

En introduction de son propos, Catherine Bergeal est revenue sur le contexte de rédaction des cahiers des clauses administratives générales (CCAG). Si l'ensemble des parties était d'accord sur la suppression des termes obsolètes, la mise en place de la réception tacite ou la création d'un CCAG particulier pour les technologies de l'information et de la communication (TIC), d'autres points ont demandé des efforts importants de négociation. Il en est ainsi des indemnités de retard, que le Medef voulait plafonner. Sur ce point, la directrice de la DAJ attire l'attention des acheteurs sur la possibilité qui leur est désormais offerte d'accorder des primes pour réalisation accélérée. Autre point de tension, la question de la propriété intellectuelle. Sur ce sujet comme sur la rédaction du CCAG travaux, Catherine Bergeal estime qu'un "équilibre a été trouvé" avec pour objectif de fournir aux acheteurs "la base de travail la meilleure possible".

Deuxième texte majeur de ces derniers mois : le décret de transposition de la directive Recours. La directrice de la DAJ insiste sur deux points. L'allongement du délai de "standstill" à seize jours doit absolument être respecté : dans le cas contraire, les acheteurs s'exposent à une annulation automatique de leur marché, et à des sanctions financières très élevées, pouvant aller jusqu'à 20% du montant HT du marché. Côté référé contractuel, l'absence de possibilité d'appel doit permettre aux "acheteurs de savoir le plus tôt possible si leur marché est annulé ou pas". Elle rappelle également que les acheteurs peuvent échapper au référé contractuel en allant au delà de leurs obligations en matière de publicité.

Autre nouveauté de ces derniers mois : la possibilité pour les collectivités territoriales de demander conseil à la Commission consultative des marchés publics pour les marchés de plus d'un million d'euros (voir notre article du 27 octobre 2009). Bien que seulement consultatif, l'avis de cette commission, dans laquelle siègent des magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat, ne peut que conforter la position d'une collectivité sur des marchés de montants importants.

Au menu des prochains mois…

Le décret sur les concessions de travaux devrait être publié "très prochainement", le texte est dans le circuit des signatures. Avec en bonus la suppression des marchés de définition. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne a, le 10 décembre dernier, condamné cette procédure (voir ci-contre notre article du 11 décembre 2009).

Sont également en préparation les arrêtés modifiant les formulaires de publicité dits "avis en cas de transparence ex-ante volontaire". Catherine Bergeal a souligné que sur ce dossier, Bercy préparait du "réglementaire dur" : l'objectif de la DAJ est de faire le plus simple possible, de limiter au strict minimum les mentions obligatoires, pour limiter le risque contentieux. Une modification des textes régissant les comités de règlement amiable des conflits, qui sont certes connus par les acheteurs mais rarement utilisés, est aussi au programme.

Autre point abordé, la "velléité des différents ministères" (hors Bercy) à intervenir sur l'achat public : ainsi la loi Grenelle II devrait exclure les contrats de performance énergétique de la loi MOP. A propos des sociétés publiques locales (SPL), dont la proposition de loi vient d'être adoptée par l'Assemblée, la DAJ rappelle que l'élargissement de leur champ d'action ne doit faire oublier les règles européennes (voir ci-contre notre article du 24 mars 2010).

Côté Europe justement, trois négociations principales sont en cours avec Bruxelles : sur la directive "délais de paiement", la Commission demande qu'en cas de retard, des pénalités soient ajoutées aux intérêts moratoires. Rien n'est tranché pour le moment. La directive "véhicules propres" ne devrait rien changer pour les acheteurs français : notre droit est déjà conforme à ce qui devrait être adopté. Sur la directive "concession de services", la Commission souhaite modifier la directive de 2004. Sur ce point la France est "plutôt réservée", estimant qu'il n'est pas souhaitable d'entrer en négociation s'il s'agit simplement d'imposer aux concessions de service les mêmes règles qu'aux marchés classiques. Si une "évaluation" peut être tout à fait souhaitable, Catherine Bergeal s'est dite "défavorable" à une modification des directives à court terme. Soupir de soulagement dans la salle…

Y-a-t-une vie après l'arrêt Perez (qui a supprimé le seuil de 20.000 euros) ? 

Last but not least, sur le retour au seuil de 4.000 euros le 1er mai prochain, la directrice de la DAJ a souligné l'écart entre les conclusions du commissaire du gouvernement et l'arrêt du 10 février 2010. Dans celui-ci, le Conseil d'Etat estime que "les principes fondamentaux de la commande publique ne font pas obstacle à ce que des marchés soient passés sans publicité ni concurrence". Mais à une condition :  il faut qu'il apparaisse "que de telles formalités sont impossibles ou manifestement inutiles notamment en raison de l’objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré". En relevant le seuil de 4.000 à 20.000 euros pour tous les marchés (même ceux ne respectant pas cette condition), le gouvernement a "méconnu les principes d’égalité d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ainsi, tout en regrettant la "robuste simplicité des seuils", Catherine Bergeal indique que la solution envisagée actuellement serait de prendre un décret en Conseil d'Etat fixant plus précisément dans quelles circonstances on peut ne pas faire de publicité et de mise en concurrence.

Enfin, à la question "les services achats doivent-ils accepter (et manger) les chocolats que leur offrent les entreprises candidates à leurs marchés ?", Catherine Bergeal a répondu que l'essentiel est de "ne pas laisser les agents seuls faire ce choix". Au-delà de cette question des chocolats, elle a appelé à la rédaction de chartes éthiques ou de déontologie pour fixer autant que possible des règles de conduite concrètes sur ces sujets. En cas de doute, les acheteurs peuvent aussi contacter les douze agents du centre de Lyon qui répondent chaque année à 30.000 appels téléphoniques des collectivités… Douze agents dont la responsable - la DAJ - a salué la qualité et l'efficacité du travail.

 

Hélène Lemesle
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis