Commande publique - Décryptage des CCAG TIC, PI et MI
Didier Adda, conseiller en propriété industrielle et directeur gérant du cabinet de conseil Technologies Partenaires Conseils, nous présente sa lecture des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication (TIC), aux marchés publics de prestations intellectuelles (PI) et aux marchés publics industriels (MI).
Localtis : Quelles sont les principales nouveautés de ces trois CCAG ?
D.A.: Précisons tout d'abord que la refonte des CCAG ne peut s'analyser comme une simple "réformette" mais bien comme une nouvelle approche des CCAG, beaucoup plus juridique et didactique pour les acheteurs publics.
L'adoption du CCAG TIC met fin aux diverses discussions autour de l'utilité ou non d'un CCAG spécifique dédié aux TIC. Ce nouveau CCAG s'ouvre par des dispositions générales qui témoignent de la volonté des pouvoirs publics d'harmoniser l'ensemble des CCAG sur la base du CCAG FCS [Fournitures courantes et Services]. Cette harmonisation apparaît comme une réelle avancée juridique. En effet l'acheteur public va désormais disposer de clauses communes en matière de livraison, de transport, de stockage, de résiliation, etc.
Si une partie des anciennes dispositions sont reprises, on observe des changements importants. Le CCAG TIC stipule ainsi des clauses de vérifications sur lesquelles les acheteurs devront être particulièrement attentifs : pour bien s'adapter au projet, elles pourraient nécessiter des dérogations notamment au niveau des délais et du processus de contrôle. Ce document introduit par ailleurs des dispositions de gestion des droits de propriété des logiciels standards et des résultats en matière de réalisation de logiciels spécifiques, intégrant ainsi des règles du Code de la propriété intellectuelle.
Le CCAG PI innove en faisant entrer les acheteurs publics au cœur du Code de la propriété intellectuelle. Cette version 2009 met notamment en avant la prise en compte de la diversité des droits de propriété intellectuelle. Deux options de propriété sont désormais proposées au lieu des trois de l'ancien CCAG : l'option A, "concession au pouvoir adjudicateur", avec la conservation de la propriété des droits ou titres afférents aux résultats par le titulaire et l'option B, "cession des résultats", qui permet au pouvoir adjudicateur de devenir propriétaire des résultats.
Enfin, le CCAG MI concerne les achats de fournitures spécifiques fabriquées selon les spécifications de l'acheteur, à la différence du CCAG FCS qui ne concerne que les produits courants. Ce CCAG ne comprend plus de clauses relatives à la propriété intellectuelle. Son préambule précise que lorsque le marché industriel comporte une part d'études, l'acheteur doit reproduire dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) les clauses de propriété intellectuelle figurant au chapitre 5 "Utilisation des résultats" du CCAG-PI relatives à l'option choisie. Ce CCAG comprend par ailleurs un chapitre 8, relatif aux réparations et modifications des matériels, qui n'est applicable que si le marché s'y réfère expressément.
Ces CCAG vont-ils devenir des documents de référence ?
Il est important de rappeler que les CCAG s'apparentent à des "conditions administratives générales d'achat" de l'administration. Ils fixent les dispositions applicables à une catégorie de marchés en s'appuyant sur les projets les plus fréquemment rencontrés au sein des administrations. Cette refonte permet aux acheteurs publics – ainsi qu'aux candidats et aux titulaires - de continuer à s'appuyer sur un référentiel contractuel connu mais revu et corrigé.
Ces documents sont donc amenés à devenir à terme un véritable référentiel contractuel même si la Direction des affaires juridiques du ministère de l'Economie précise que les acheteurs publics peuvent encore, concernant les CCAG PI et MI, « choisir de se référer à l'ancienne version du CCAG, en le mentionnant expressément ». De plus, il ne faut pas oublier que le Code 2006 ne rend plus les CCAG obligatoires : ils ne s'appliquent qu'aux marchés qui s'y référent.
Les CCAG favorisent-il la dématérialisation ?
La dématérialisation fait partie du tronc commun des CCAG 2009. Cette approche, prévue à l'article 3.1 de chaque CCAG, devrait simplifier l'achat. Toutefois, il est possible, dans le cadre de la gestion des risques d'un accord-cadre ou d'un marché, de prévoir d'autres règles relatives à la gestion des retards et des dysfonctionnements. Il peut en effet être pertinent de mettre en place des solutions de résorption consensuelles et de ne pas forcément appliquer d'office les pénalités car celles-ci restent toujours un facteur de surcoût et pas nécessairement un levier vis-à-vis du titulaire.
Ces nouveaux CCAG sont-ils suffisants pour les domaines d'achats concernés ?
Les CCAG ont été rédigés en fonction des achats les plus communs des administrations. Si les rédacteurs des CCAG avaient dû prendre en compte tous les domaines spécifiques de ces achats, les CCAG s'en seraient trouvés considérablement complexifiés et donc totalement illisibles.
Ce constat doit amener les acheteurs publics à rédiger leurs marchés en respectant les bonnes pratiques d'achat propres au domaine concerné, tout en tenant compte des spécificités du projet. Il est par conséquent évident que les accords-cadres et les marchés publics vont devoir déroger autant que de besoin aux règles du CCAG auxquels ils se réfèrent. Cette approche nécessite de ne pas négliger les risques économiques, financiers et techniques spécifiques au projet car ceux-ci ne sont pas pris en compte par les CCAG qui, par construction, ne contiennent que des dispositions administratives.
Propos recueillis par l'Apasp
Références : arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ; arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles ; arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels.