Archives

Commande publique - Comment bien utiliser le nouveau CCAG-Travaux ?

Le nouveau cahier des clauses administratives générales Travaux (CCAG-Travaux) a été publié au Journal officiel du 1er octobre 2009. Charles Pareydt, avocat à la Cour (Cabinet Gohon), nous fait part de ses observations sur cette réforme.

Ce nouveau CCAG répond-il aux attentes principales des acteurs de la construction publique :  la simplification et la mise en cohérence avec le Code des marchés publics de 2006 ?

Charles Pareydt : En termes de cohérence avec le Code des marchés publics (CMP), il faut noter un réel effort d'uniformisation dans les notions employées. On peut ensuite souligner l'aspect pédagogique du nouveau CCAG : ses rédacteurs ont eu l'intelligence d'intégrer des commentaires à chaque fois qu'une disposition du CMP ou une autre source du droit de la commande publique (Code du travail, Code du commerce, etc.) s'impose aux parties. Ces commentaires sont précieux : ils alertent l'acheteur public sur le caractère obligatoire d'une disposition.
On peut également se féliciter de la création d'un socle commun à tous les CCAG. En effet, la généralisation des notions d'ordre de service, de titulaire, de cotraitance, de sous-traitance, de notification par voie dématérialisée (article 3), de confidentialité (article 5), de protection de la main-d'œuvre (article 6) et de l'environnement (article 7) ou d'assurance (article 9) permet de faire émerger un langage commun propre à l'achat public.
En revanche, en articulant le CCAG-Travaux autour des notions de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'œuvre, force est de constater qu'il existe toujours un décalage entre la notion nationale et la notion communautaire de marchés publics de travaux puisque le droit communautaire est indifférent à de telles notions.

Quelles sont les principales modifications introduites par cet arrêté ?

Sur le fond, il ne s'agit pas d'une réelle révolution. L'arrêté du 1er octobre 2009 s'inscrit plutôt dans la continuité de l'ancien texte. Bien qu'il introduise une nouvelle numérotation, il reprend sur de nombreux points l'ancien CCAG, en y apportant toutefois des ajouts pour pallier ses insuffisances. Cette approche me semble d'ailleurs pertinente dans une période de profonds changements des textes relatifs à la commande publique, la continuité étant certainement un gage de stabilisation pour des acteurs habitués à l'ancien CCAG-Travaux.
Il faut toutefois préciser que certains articles ont été largement modifiés - c'est notamment le cas du chapitre VI sur la résiliation ou du chapitre VII sur le règlement des différends et des litiges - et que des notions novatrices font leur apparition pour répondre à de vraies contraintes opérationnelles. En définitive, ce nouveau CCAG est plus en phase avec la réalité pratique des chantiers puisqu'il propose de nouveaux "outils" tels que le calendrier détaillé d'exécution élaboré par l'OPC (article 28.2.3), une véritable démarche qualité dans l'organisation de l'exécution des travaux (article 28.4), un registre de chantier (article 28.5), des outils de lutte contre le travail dissimulé (article 31.5), une gestion, un contrôle et un suivi des déchets en cours de chantier (article 36.1 et 36.2) et une liste très complète des documents à fournir après exécution (article 40).

Quels sont les points sur lesquels les acheteurs doivent être particulièrement attentifs ?

Un des points les plus complexes est sans nul doute l'émergence de la notion de sous-traitant indirect (article 3.6.2). Le CMP n'aborde pas la question de la sous-traitance "en cascade" et la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 est assez lacunaire sur ce point. Le nouveau CCAG a donc le mérite de chercher à combler un vide juridique. Néanmoins, le mécanisme retenu risque de poser de nombreuses difficultés. Il aurait probablement été possible de proposer une approche plus simple.
Dans un autre registre, les modalités de gestion des déchets (art 36) peuvent également se révéler complexes à mettre en œuvre. Aux termes du nouveau CCAG, c'est le maître de l'ouvrage qui est réputé être le producteur des déchets et qui en est donc responsable. Le titulaire est quant à lui un simple détenteur de déchets mais il reste producteur de ses propres déchets. Cette approche peut se révéler problématique car il risque d'être très difficile de déterminer qui est responsable de tels ou tels déchets ! Les enjeux dans ce domaine ne sont pas neutres puisque la réglementation actuelle est de plus en plus rigoureuse. La gestion des déchets sur les chantiers impose donc une réelle clarification.
Les articles sur le contrôle du travail dissimulé (articles 31.5.2 et 3), qui obligent le pouvoir adjudicateur à contrôler régulièrement l'enregistrement exhaustif, par le titulaire et les sous-traitants, de toutes les personnes qu'il emploie sur le chantier semblent également difficile à mettre en œuvre eu égard aux moyens de contrôle dont dispose le maître d'ouvrage.
Le chapitre consacré à la résiliation a été assez largement remanié et introduit un mécanisme plus restrictif et plus encadré.
Enfin, le mécanisme de l'article 50 relatif au règlement des différends et litiges, très contesté dans l'ancien CCAG, a également été remanié avec notamment la suppression du mémoire en réclamation complémentaire en cas de litige entre l'entreprise et le maître d'œuvre et l'abandon de procédures différentes en cas de litige avec le maître d'œuvre ou de litige avec le maître d'ouvrage [NDLR : Nous reviendrons sur ces points dans nos éditions de la semaine prochaine].

Quels articles pourraient poser problème dans la pratique ?

Les articles 15, 16 et 17 n'ont été modifiés qu'à la marge et leur application pratique reste délicate. Un effort de simplification doit néanmoins être relevé pour l'article 15.4 relatif au dépassement du montant des travaux. Lorsque les travaux exécutés atteignent leur montant contractuel, le mécanisme est désormais inversé puisqu'en l'absence d'ordre d'arrêter le chantier dans un délai donné, le titulaire pourra poursuivre les travaux dans une limite prédéfinie en pourcentage par l'article 15.3 du CCAG-Travaux.
D'une manière plus générale, des clauses comme celles prévues aux articles 6 et 7 (protection de la main-d'œuvre et de l'environnement), sont des dispositions très ambitieuses et nécessaires puisqu'elles dépassent la sphère de l'achat public. Malheureusement, les moyens concrets mis à disposition des acheteurs publics pour les faire respecter ne me semblent pas en réelle adéquation avec les objectifs visés. Il faut toutefois reconnaître que le ministère de l'Economie a effectué un réel effort de réflexion et proposé des solutions et de nouveaux outils d'aide. Il appartient ensuite aux acheteurs de vérifier si ces outils sont pertinents et de les adapter à leurs besoins.

Les articles 1er et 51 du CCAG-Travaux rappellent le caractère non-obligatoire de ce document. Pensez-vous que cette nouvelle version du CCAG incitera les acheteurs publics à avoir plus fréquemment recours à la contractualisation ?

Le CCAG-Travaux, comme les autres CCAG, doit effectivement être intégré comme un outil d'aide à la rédaction des cahiers des charges et non comme un modèle immuable à retranscrire quel que soit l'objet du marché en question.
La refonte du CCAG-Travaux aura donc le mérite d'imposer une réflexion aux acheteurs sur leurs montages contractuels et plus particulièrement sur leurs CCAP. Les acheteurs doivent pratiquer un achat public "intelligent" en adaptant leurs cahiers des charges à leurs besoins et aux circonstances particulières de l'achat. Toutefois, cette capacité dépend encore et toujours des compétences juridiques et techniques de la collectivité concernée. Une petite collectivité aura tendance à se contenter d'appliquer l'ensemble des dispositions du CCAG faute de temps et de moyens pour engager une véritable réflexion sur le cahier des charges.

Le nouveau CCAG assure-t-il un meilleur équilibre et une simplification des relations entre les parties ? Doit-on craindre de nouveaux contentieux ?

Le nouveau CCAG introduit un certain nombre de mécanismes permettant de pallier de manière efficace la défaillance de certains intervenants à l'acte de construire, notamment en cas de défaillance de la maîtrise d'œuvre dans la réalisation des opérations de constat ou des opérations préalables à la réception (article 12 et 41). L'article 50 me paraît également aller dans le sens d'une simplification et être moins désavantageux pour les entreprises, surtout en cas de litige direct avec le maître d'œuvre. Il semble toutefois difficile d'affirmer que la simplification de l'article 50 aura un réel impact sur le nombre de contentieux. La transaction - spécifiquement encouragée dans le domaine de la commande publique par une circulaire du 7 septembre 2009 (voir notre article du 24 septembre) - est clairement mise en avant par le nouvel article 50 du CCAG. Ainsi, l'obligation pour l'entrepreneur, avant l'introduction de toute action contentieuse, de produire un mémoire en réclamation exposant les motifs de la réclamation, son montant et ses justifications, qui existait déjà dans l'ancien CCAG, a été maintenue. 

L'Apasp

 

Référence : arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux. NOR : ECEM0916617A


 

 
 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis