Commande publique - La transaction, un moyen de prévenir et règler les litiges
"La transaction facilite un règlement rapide et amiable des différends, elle permet une gestion économe des deniers publics et allège la charge de travail des juridictions." En dépit de l'intérêt de ce dispositif, qualifié de "manifeste" par Bercy, les administrations restent réticentes à l'utiliser.
Afin de développer cet usage, le ministère de l'Economie vient de publier une circulaire, datée du 7 septembre 2009 (Journal officiel du 18 septembre 2009). Ce texte, qui complète une circulaire précédente datée du 6 février 1995 sur le même sujet, présente clairement les règles qui régissent la conclusion et l'exécution des transactions en matière de contrats de la commande publique. Sont distinguées six étapes à respecter pour mener à bien une telle procédure.
Mener une conciliation efficace : évaluer les risques, se faire aider
La transaction est justifiée pour indemniser les parties en l'absence de contrat valide (paiement de prestations fournies par le titulaire du marché hors contrat, réparation des dommages subis par les parties) ou pour résoudre des difficultés nées de l'exécution des contrats.
Une négociation efficace repose sur une analyse de la situation non seulement d'un point de vue juridique mais aussi factuel : "L'administration doit s'interroger sur les risques qu'elle encourt en cas d'action contentieuse ou de poursuite de l'instance, afin de déterminer s'il peut être envisagé de transiger et, dans l'affirmative, afin d'appréhender les conditions de conception de l'accord transactionnel." Pour cela, "les administrations" sont invitées à s'appuyer sur leurs propres services et à se faire aider par les autorités de contrôle financier. En cas de difficultés, elles peuvent solliciter le concours d'un conseil spécialisé, sans réaliser une mise en concurrence, ces marchés étant exclus du Code des marchés publics. Il est également possible de passer par les comités consultatifs de règlement amiable (voir notre article ci-contre) ou de demander au tribunal administratif compétent de prononcer une expertise ou de désigner des conciliateurs.
Les parties peuvent à tout moment trouver un terrain d'entente et conclure une transaction, même si un juge a déjà été saisi. En effet, dans l'arrêt Société Krupp Hazemag du 11 juillet 2008, le Conseil d'Etat a jugé qu'un contrat de transaction pouvait être conclu à tout stade de la procédure contentieuse engagée, y compris pendant l'instruction d'un recours en appel ou en cassation.
Rédiger la transaction : rigueur et précision
Rigueur et précision doivent présider à la rédaction du contrat qui constitue la transaction. L'accord doit mentionner le litige que la transaction vise à prévenir ou régler, la nature et l'étendue des concessions réciproques des parties et enfin les modalités d'évaluation du dommage (notamment la méthode de calcul de l'indemnisation). Le juge administratif pourra être amené à contrôler le contenu des clauses et vérifier qu'elles ne comportent pas d'éléments caractérisant un déséquilibre manifeste en faveur de l'une des parties. En effet, le Conseil d'Etat sanctionne toute libéralité qui serait accordée par la collectivité publique à son cocontractant (arrêt du 11 juillet 2008, précité).
Conclure : attention aux règles de compétence et à l'habilitation du représentant du cocontractant
La transaction doit respecter les règles de compétence propres aux personnes publiques. Collectivités territoriales et établissements publics locaux peuvent transiger librement, après autorisation de leur organe délibérant. Il faut s'assurer que les deux signataires ont bien la capacité de signer : la personne qui signe au nom du cocontractant doit notamment être habilitée à le faire.
En outre, la transaction est un titre exécutoire, c'est-à-dire qu'elle constate une créance et permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur (par exemple par voie d'huissier de justice). Cependant, la transaction « n'efface pas les faits susceptibles d'être sanctionnés par le juge pénal ». En effet, « la transaction permet d'éviter ou de terminer un contentieux indemnitaire mais ne saurait faire obstacle aux poursuites pénales auxquelles s'exposent les personnes ayant méconnu les dispositions du code des marchés publics ou d'autres textes de la commande publique ».
Enfin, les parties peuvent demander au juge d'homologuer la transaction si celle-ci est intervenue postérieurement à sa saisine. La circulaire précise également l'encadrement des demandes d'homologation, ainsi que l'étendue du contrôle du juge et les voies de recours envisageables.
L'Apasp
Références : circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l'exécution des contrats de la commande publique, JORF n°0216 du 18 septembre 2009 ; circulaire du 6 février 1995 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits, JORF n°39 du 15 février 1995 page 2518 ; Conseil d'Etat, Assemblée, 11 juillet 2008, Société Krupp Hazemag, n° 287354.