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Commande publique - Marchés de définition : la France condamnée par la CJUE

Dans un arrêt rendu jeudi 10 décembre 2009, la Cour de justice de l'Union européenne – qui remplace la Cour de justice des Communautés européennes depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne – a jugé que la procédure française des marchés de définition était contraire au droit européen des marchés publics (directive 2004/18/CE). Pour la Cour, la France, en inscrivant cette procédure dans le Code des marchés publics de 2006 qui devait transposer la directive en droit national, a notamment méconnu les principes fondamentaux d'égalité et de transparence.

 

Une réponse catégorique à l'issue d'une procédure longue de cinq ans

Estimant que les marchés de définition français contrevenaient à la réglementation européenne, la Commission avait adressé à la France deux mises en demeure (en 2004 et 2006) puis un avis motivé (en 2007) pour qu'elle modifie son droit. Les réponses apportées par la France ne l'ayant pas satisfaite, la Commission a introduit un recours auprès de la Cour. Ce recours était fondé sur deux moyens principaux : premièrement, la France contrevient à l'article 28 de la directive 2004/18/CE, elle ne respecte pas les règles communautaires de passation des marchés. Deuxièmement, elle contrevient à l'article 2 de la directive, qui prévoit que "les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d'égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence". Sur ces deux moyens, la Cour a donné raison à la Commission et constaté que la France contrevenait à la directive 2004/18/CE.

 

La France méconnaît les principes d'égalité et de transparence

La Commission a reproché à la France de permettre l'attribution de marchés de gré à gré, ou avec une concurrence limitée, dans les cas qui n'étaient pas prévus par la directive 2004/18/CE et notamment par son article 28. La France a cherché à démontrer que la liste des procédures de l'article 28 de la directive n'était pas exhaustive, mais elle n'a pas été suivie par la Cour.
Ensuite, en permettant l'attribution des marchés d'exécution sans nouvelle mise en concurrence ou à tout le moins avec une mise en concurrence limitée aux seuls titulaires des marchés de définition, la France méconnaît les principes d'égalité et de transparence a estimé la Commission. Sur ce point également, la Cour lui a donné raison. L'avocat général avait expliqué que "le marché de définition et le marché d'exécution sont deux types de marchés publics totalement distincts. Chacun d'entre eux a un objet et des critères d'attribution propres, c'est pourquoi ils doivent tous deux respecter les dispositions de la directive et ne peuvent pas être attribués par une procédure unique. Et donc le marché d'exécution doit être soumis à la concurrence et pas simplement réservé aux titulaires des marchés de définition initiaux".
De plus, "alors que la directive toute entière vise à assurer la mise en concurrence des opérateurs els marchés de définition ne s'adressent qu'à un certain type d'opérateurs économiques, à savoir ceux et seulement ceux qui peuvent se charger à la fois de la conception et de la construction". L'avocat général avait ainsi conclu : "[le droit français] permet d'attribuer des marchés avec une mise en concurrence limitée dans des cas qui ne sont pas prévus par la directive et qu'aucune des exceptions prévues par celle-ci ne peut justifier."

Ainsi s'achève un feuilleton long de près de cinq ans. En attendant une nouvelle rédaction du droit français, les acheteurs doivent passer deux marchés, et mettre en œuvre pour chacun d'eux des mesures de publicité et de concurrence.

 

Hélène Lemesle
 

Références : Cour de justice de l'Union européenne, affaire c-299/08, arrêt du 10 décembre 2009 ;  conclusions de l'avocat général Jan Mazak présentées le 22 septembre 2009.