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Economie - Sociétés publiques locales : unanimité à l'Assemblée

Et de deux! Après le Sénat, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la proposition de loi sur les sociétés publiques locales. Un consensus parlementaire, plutôt rare ces temps-ci, pour un outil juridique qui devrait faciliter la vie des collectivités... à condition de respecter quelques précautions.

A l'instar du Sénat en juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté le 23 mars 2010 à l'unanimité la proposition de loi sur les sociétés publiques locales (SPL). Après ce vote attendu (voir nos articles ci-contre), il reste une seule étape parlementaire avant la mise en application : la confirmation par le Sénat du texte adopté par l'Assemblée. Cette proposition de loi ne nécessitant pas de décret pour devenir opérationnelle, elle sera applicable dès sa publication au Journal officiel. Le texte n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Toute mission d'intérêt général 

A l'occasion de ce vote, rappelons les objectifs de ce texte consensuel. Ces nouvelles sociétés anonymes de droit privé au capital 100% public pourront être créées par les collectivités ou leurs groupements pour gérer toute mission d'intérêt général : elles "seront compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ou toutes autres activités d'intérêt général" (art. 1). Leur champ d'action sera ainsi beaucoup plus large que celui des SPLA (sociétés publiques locales d'aménagement) créées à titre expérimental par la loi Engagement national pour le logement du 13 juillet 2006.
Les SPLA, dont le régime avait été assoupli par l'article 33 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (passage de 7 à 2 du nombre minimal d'actionnaires), sont pérennisées. L'article 2 de la proposition de loi renforce d'ailleurs leurs prérogatives pour acquérir et céder immeubles et fonds de commerce : elles pourront désormais réaliser des études préalables, acquérir ou céder des immeubles, procéder à toute opération de construction ou de réhabilitation immobilière en vue de la réalisation des objectifs énoncés à l'article L.300-1 (par exemple rénovation urbaine, politique locale de l'habitat, extension ou accueil des activités économiques, etc.). Ce même article précise que les SPLA peuvent également, par délégation, exercer des droits de préemption et agir par voie d'expropriation.

Vigilance sur le contrôle analogue 

La proposition de loi vise à adapter le droit français à l'évolution des règles européennes relatives à la concurrence… et permettre aux collectivités de confier à ces SPL des missions sans mise en concurrence. Le droit européen impose deux conditions à respecter pour bénéficier de cette exception dite du "in house" : premièrement, la collectivité doit exercer sur la société un "contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services". Pour bien rentrer dans ce cadre, l'Assemblée nationale a ajouté au texte du Sénat un article qui renforce le contrôle préalable des élus des collectivités sur la délégation et les missions confiées à la SPL.

Attention tout de même : le député Gilles Bourdouleix a souligné au cours des débats parlementaires que le statut de SPL permettra un actionnariat "composé de plusieurs établissements de coopération intercommunale, d'un ou plusieurs départements, d'une région", afin de couvrir les besoins "d'un bassin de vie qui dépasse les frontières géographiques des collectivités". Cette interprétation est exacte mais la sagesse sera quand même de limiter le nombre d'actionnaires : chacune des collectivités concernées devra conserver un "contrôle analogue" sur les services SPL à celui qu'elle exerce sur ses propres services pour rester dans la sphère du "in house". Ce contrôle portera notamment sur le personnel, qui sera de droit privé (ou fonctionnaires en détachement ou disponibilité).

Seconde condition posée par la Cour de justice de l'Union européenne, la société doit réaliser "l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent". Les SPL réaliseront tout à fait cette condition : elles exerceront "leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres" (art. 1).

Un nouveau dispositif juridique dans la boîte à outils des élus locaux  

Jean-Pierre Schosteck, député des Hauts-de-Seine et rapporteur du texte, a souligné qu'"en élargissant la palette des entreprises à disposition des élus, [Assemblée et Sénat] confortent la libre administration des collectivités locales tout en leur permettant de contrôler leurs dépenses et la qualité du service rendu aux usagers". La Fédération des entreprises publiques locales, qui avait largement porté la rédaction de ce texte, affiche la même satisfaction : son président, Martial Passi, se réjouit "de voir s'élargir la gamme des modes de gestion des services publics à la disposition des élus locaux et de leur donner la liberté dont disposent la plupart de leurs homologues européens de choisir entre les modèles public-privé que représentent les Sem, et des solutions purement publiques que sont les SPL et les SPLA".

Côté gouvernement, Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, a indiqué être "favorable" à cette proposition de loi, tout en restant "très attentif à la fiabilité du cadre juridique proposé". Le secrétaire d'Etat a appelé les collectivités à la vigilance dans la mise en application : "J'espère que cette sécurisation suffira à lever les incertitudes, bien qu'on ne puisse totalement exclure tout risque de contentieux ultérieur, notamment compte tenu du très large champ d'application que [les parlementaires ont] voulu donner aux sociétés publiques locales. Il conviendra d'ailleurs d'inviter les collectivités qui auront recours à cet outil à rester particulièrement vigilantes dans l'objet et le fonctionnement des SPL qu'elles mettront en place." Les juristes des collectivités, une fois ce texte définitivement adopté, rappelleront donc à leurs élus cette évidence : un texte de loi ne dispense pas de respecter les obligations européennes.

 

Hélène Lemesle

 

 

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