Commande publique - Achat public : l'actualité du printemps 2010
L'Union des groupements d'achats publics (Ugap) organisait le 8 avril un colloque sur l'actualité de la commande publique. Y sont intervenus : Xavier Patier, responsable de la Direction de l'information légale et administrative (Dila, qui rassemble désormais les Journaux officiels et la Documentation française), Jérôme Grand d'Esnon, ancien directeur des affaires juridiques de Bercy désormais avocat associé au cabinet Carbonnier, Raphaël Apelbaum du cabinet Yvez-René Guillou, et Jean Bouverot, responsable des achats du ministère de la Défense. Une tribune de haute volée donc pour répondre aux questions de plus de 200 acheteurs, deux semaines après l'intervention de Catherine Bergeal lors d'une session d'étude de l'Apasp (voir ci-contre notre article du 26 mars 2010).
Publicité, un seul mot d'ordre : publiez vos avis d'attribution !
En ouverture, Xavier Patier a présenté l'édition 2010 du Code des marchés publics, que ses services viennent de publier. Cette nouvelle version intègre les décrets de fin 2008 et comprend le "Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics" de décembre 2009. Sans surprise, le directeur de la Dila s'est ensuite livré à un éloge du Boamp, la "meilleure garantie anti-contentieux" qui permet de toucher "y compris les plus petits fournisseurs". Sur les tarifs, l'évolution de 2010 devrait être "modérée" mais la Dila réfléchit actuellement à une évolution de son offre pour 2011-2012 : pack (lots de tant d'annonces), liens directs vers des profils d'acheteurs labellisés, etc.
Côté publicité, après la transposition de la directive Recours, "la publication des avis d'attribution doit devenir un réflexe permanent", ont insisté l'ensemble des intervenants. Attention, a ajouté, Raphaël Apelbaum, tant qu'on ne dispose pas de jurisprudence précisant l'articulation entre les référés Tropic et le recours contractuel, le plus sage est d'inclure dans son avis d'attribution une phrase indiquant que "le marché est consultable à tel endroit de telle heure à telle heure". Ceci pour déclencher le délai de deux mois du référé Tropic. Et les Mapa, ils y ont droit aussi, à la directive Recours ? Pour l'instant, sur ce point, c'est le grand silence... et on ne dispose pas encore de jurisprudence. Le plus sage, selon Jérôme Grand d'Esnon, est de proportionner le délai de 10 jours à l'enjeu du marché, mais surtout d'utiliser le même mode de publicité pour l'avis d'attribution que pour la mise en concurrence (mail, journaux d'annonce légale...).
Pour les Mapa, la vraie question d'actualité, est celle de la rédaction des critères dans l'avis d'appel à concurrence. L'annonce des critères et leur pondération sont désormais indispensables (voir nos article du 26 février). Mais il est inutile d'informer les candidats de la méthode de notation utilisée, a indiqué le Conseil d'Etat dans un arrêt du 31 mars dernier (voir notre article du 7 avril). Sur les sous-critères, "vous n'êtes pas obligés d'en introduire, mais lorsque vous connaissez bien votre besoin, autant préciser le plus possible", estime Jérôme Grand d'Esnon. Mais, ajoute Raphaël Apelbaum, "il n'y a pas de réponse absolue, le plus important est de faire attention à ce qu'ils ne puissent pas être requalifiés en critères".
Développement durable : et concrètement?
On le sait, l'article 5 du Code des marchés oblige les acheteurs à "prendre en compte des objectifs de développement durable". Oui, mais comment ? Les objectifs de développement durable peuvent être intégrés dans la définition du besoin, dans la sélection des candidatures (exclure une entreprise peu éco-responsable, une option présentée comme "très risquée et donc vivement déconseillée" par les experts présents), dans les critères de sélection, puis enfin dans les conditions d'exécution. L'important est surtout de se poser systématiquement la question... et par écrit, autant que possible. Ainsi, un mail au service utilisateur demandant dans quelle mesure on pourrait intégrer des objectifs de développement durable dans le marché prévu, constitue une précaution bienvenue.
Côté critères de sélection, attention à bien définir l'objectif poursuivi. Naturellement, si le critère est simplement libellé "développement durable", le candidat ne sait pas précisément ce qui est attendu... et l'acheteur sera en grande difficulté pour comparer une offre qui met en avant une politique d'insertion, une autre l'utilisation de papier recyclé. Accessoirement, il risque un contentieux pour critère imprécis. Sur cette alternative insertion vs écologie, soit il faut choisir, soit mettre deux critères. Raphaël Apelbaum propose de demander aux candidats une "note méthodologique de deux ou trois pages", puis comme d'habitude, de noter en fonction d'un "faisceau d'indices". Pas de solution magique donc. Quant au poids qu'on peut donner à ces critères, il n'y a pas de limite maximale clairement fixée, mais en pratique, il est généralement compris entre 5 et 15%.
Côté exécution, pour les marchés de nettoyage par exemple, on peut certes demander que soient utilisés des produits éco-responsables, mais aussi aller plus loin : l'acheteur peut imposer des horaires et un rythme de travail raisonnable ou demander l'exécution d'un plan de formation. Et que faire, a demandé une acheteuse dans la salle, lorsque l'entreprise vous fournit de faux certificats de formation ? Après coup, pas grand-chose. Mais il est possible, "plutôt que de demander un certificat, d'obliger le titulaire à vous écrire une semaine avant les formations pour vous y inviter", a répondu Raphaël Apelbaum. Bref, comme toujours, essayer d'avoir les outils les plus efficaces possibles pour contrôler l'exécution.
Utiliser le développement durable pour privilégier des entreprises locales est possible à condition d'être prudent. On ne dispose pas de jurisprudence claire, mais deux réponses à des questions parlementaires publiées récemment donnent des pistes. Si on ne peut imposer aux entreprises d'être déjà sur place avant le marché, on peut leur imposer une implantation géographique pendant l'exécution, si l'objet du marché le justifie (voir notre article du 15 mars). Il est également possible d'introduire en condition d'exécution la limitation des émissions de gaz à effet de serre, ce qui, explique joliment Bercy, "n'implique pas nécessairement une exigence de proximité de l'entreprise mais plutôt une démarche environnementale dans l'exécution du marché en termes d'implantation du chantier ou de moyens de transport utilisés" (voir notre article du 26 janvier). Bref, demander des bilans CO2 reste une bonne idée, en attendant une intervention du juge administratif sur ces sujets...
Hélène Lemesle