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Social - Accès au logement des sans-abri : comment lever les obstacles locaux ?

Les Assises de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) pour l'accès au logement des sans-abri ont réuni le 15 janvier à Paris quelque 450 acteurs de l'hébergement-logement et personnes accompagnées. Avec un objectif : lever enfin les freins qui empêchent, localement, de mettre fin à la gestion au thermomètre de l'hébergement d'urgence et de concentrer les efforts sur l'accès au logement. Sylvia Pinel, ministre du Logement, s'est dite déterminée "à changer la logique qui a trop longtemps prévalu pour le service public d'hébergement" et à mobiliser les préfets. Un "plan triennal de réduction des nuitées hôtelières" sera prochainement présenté par le président de la République.

"Mettre fin à la gestion au thermomètre de l'hébergement d'urgence et prioriser l'accès au logement." Où en est-on de la mise en œuvre de cette mesure phare du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 ? Cette question était au centre des Assises pour l'accès au logement des sans-abri qui, sous l'égide de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), ont réuni le 15 janvier 2014 des acteurs associatifs et institutionnels du secteur et des personnes accompagnées – et notamment des représentants du 8e collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Avec, derrière des prises de position souvent vives, une réponse assez consensuelle : de la fin de la gestion au thermomètre, on en est encore loin, et les responsabilités sont partagées. "Si la mise en œuvre du droit au logement et à l'hébergement incombe à l'Etat, la réorientation structurelle de cette politique publique repose sur une mobilisation collective. La responsabilité de sa réussite est partagée entre l'Etat, les collectivités locales et leurs habitants, les acteurs du logement et les associations", peut-on lire dans le "pacte pour l'accès au logement des personnes sans abri" présenté ce 15 janvier par la Fnars.
Sur un sujet éminemment complexe, il s'agissait donc de croiser les regards pour mieux "regarder comment nous travaillons, comment nous pouvons être plus efficaces", selon le président de la Fnars Louis Gallois. Et de proposer au gouvernement et à l'ensemble des acteurs un ensemble d'analyses et de propositions destinées à "sortir de l'urgence". Pour Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, ce pacte marque un tournant : "ce n'est pas un pacte comme un autre", celui-là porte "véritablement une réorientation du secteur de l'hébergement", avec le choix désormais clair de concentrer les efforts vers le "logement d'abord".

1,3 milliard d'euros en 2015 pour "l'accès au logement du plus grand nombre" 

Intervenant en clôture de l'événement, la ministre du Logement, Sylvia Pinel, a confirmé les orientations déjà détaillées devant les membres de la Fnars le 19 juin dernier (voir notre article du 23 juin 2014) : "relancer la construction dans notre pays et particulièrement la production de logement social et très social" pour "l'accès au logement du plus grand nombre". Pour cela, la ministre entend s'appuyer sur différents leviers : l'"Agenda 2015-2018" signé avec l'Union sociale pour l'habitat - avec un milliard d'euros pour la construction et la rénovation de logements sociaux -, l'engagement du monde HLM de "consacrer 300 millions d'euros par an sur 3 ans pour proposer des logements à niveau de loyer très faible" via 15.000 "super PLAI" d'ici 2018 dont 5.000 en 2015, auxquels doivent s'ajouter les "2.000 super PLAI sur l'année 2014 et [les] 3.000 par an à compter de cette année" de l'appel à projets. En matière de logement accompagné, l'appel à projets lancé en avril vise à "réaliser 10.000 logements sociaux accompagnés sur trois ans".
Avec aussi le maintien de l'"effort en direction du logement social, dont près de 30% des nouveaux logements construits sont aujourd'hui des PLAI" et d'autres dispositifs amenés à se développer tels que l'intermédiation locative ; le budget "atteint 1,3 milliard d'euros, jamais un gouvernement n'a engagé autant de moyens en faveur de l'hébergement et du logement adapté", a défendu Sylvia Pinal pour qui 2015 sera "une année charnière".

Bientôt "un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières" détaillé par le président de la République

Concernant les efforts visant à mettre fin à la gestion saisonnière de l'hébergement, la ministre du Logement a rappelé qu'un "groupe de travail piloté par la Dihal (Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement) travaillait sur le sujet et avait déjà produit "un cahier des charges et des recommandations". Une expérimentation visant à "élaborer des solutions alternatives", à l'hôtel notamment, "et adaptées aux différents territoires (…) démarrera dans les tout prochains jours" dans quatre départements : le Doubs, le Calvados, le Rhône et le Val-de-Marne. Alors que les "40.000 nuitées hôtelières à la fin de l'année 2014" représentent "plus d'un tiers du parc d'hébergement généraliste", "un plan triennal de réduction des nuitées hôtelières [sera] détaillé dans quelques semaines par le président de la République" afin de "réorienter en profondeur cette politique de l'hébergement", a annoncé Sylvia Pinel. "Mon ambition est simple mais ferme : en 2017, le recours à l'hôtel pour toute nouvelle demande d'hébergement doit être exceptionnel et de courte durée", a poursuivi la ministre.
"Je souhaite réellement que les services territoriaux de l'Etat mesurent la détermination du gouvernement à changer la logique qui a trop longtemps prévalu pour le service public d'hébergement." En détaillant au préalable les efforts supplémentaires de l'Etat visant à assurer la qualité des places d'hébergement et la fin de la gestion au thermomètre dans le cadre du dispositif hivernal, Sylvia Pinel a témoigné d'une même fermeté, faisant état de "clarifications" apportées auprès de certains préfets. La ministre du Logement a dit avoir demandé en décembre aux préfets de ne pas refermer les places "avant la fin de la période hivernale, même en cas de remontée des températures", et de préparer l'après 31 mars en tenant des réunions de concertation "avec l'ensemble des acteurs institutionnels et associatifs, pour voir les places qui pourraient être pérennisées et les solutions durables qui peuvent être apportées aux personnes hébergées en fonction de la diversité des profils et des besoins."

Les préfets, "chefs d'orchestre de la transition"

Tout au long de ces Assises, plusieurs intervenants associatifs avaient en effet dénoncé le manque de continuité de l'action publique, avec une mise en œuvre des directives gouvernementales très contrastées d'un territoire à l'autre. Catherine Abeloos, présidente de la Fnars Aquitaine, a ainsi fait le récit d'une véritable "bataille" avec les autorités préfectorales pour que s'instaure le dialogue "prenant en compte l'ensemble des acteurs" destinés à mettre en œuvre le dispositif hivernal et à anticiper sur sa fin. A Grenoble, le nombre de places ouvertes jusqu'au 31 mars est "issu d'un tête à tête entre le préfet et le maire", rapporte également Alain Denoyelle, adjoint au maire de Grenoble en charge de l'action sociale.
Dans son "Pacte", la Fnars dénonce plus globalement "certaines pratiques contraires au changement de modèle que nous demandons (évacuations sauvages de campements, expulsions de ménages prioritaires Dalo, ouverture anarchique et tardive de capacités d'hébergement de mauvaise qualité, etc.)" et considère qu'il est indispensable de "mobiliser les préfets sur les objectifs du pacte, chefs d'orchestre de la transition, associant tous les partenaires pour trouver des solutions de façon concertée".
Pour assurer la transition vers l'accès au logement durable, les associations demandent aussi aux préfets de mobiliser leurs "moyens de coercition": "application du quintuplement des pénalités SRU pour les communes qui ne répondent pas aux objectifs de construction de logements sociaux, exercice du droit de préemption pour accorder les permis de construire à la place des maires en cas de carence sur le logement (25%) ou l'hébergement (1 place pour 1.000 habitants)." Même si la Fnars appelle aussi directement les collectivités "à s'impliquer davantage, en associant les habitants".

Inscrire le "droit à l'accompagnement social" dans le Code de l'action sociale

Si 2015 devrait être l'année, selon la ministre, de la "généralisation des diagnostics territoriaux 'à 360°'" – ce que les acteurs associatifs appellent de leurs vœux – et de "la fusion des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et des services du 115", la Fnars porte plus globalement une double ambition : le vote d'une "loi de programmation d'hébergements et de logements très sociaux" et l'inscription dans le Code de l'action sociale et des familles d'un "droit à l'accompagnement social".
En la matière, la journée du 15 janvier 2015 a été l'occasion de valoriser des façons de faire différentes. Le collectif des SDF de Lille – qui bénéficie d'une aide de la fondation Abbé-Pierre – est parvenu à reloger 152 personnes, exclusivement dans le parc privé, en proposant un accompagnement de trois à neuf mois. Agissant aussi en prévention, le collectif fait de la médiation familiale entre des jeunes de moins de 25 ans et leurs familles et intervient auprès de personnes incarcérées, avant leur remise en liberté. Ce sont "des combats tous les jours", témoigne Gilbert Pinteau, ancien SDF à l'origine du collectif. Ce dernier, faute de moyens, pourrait être contraint d'arrêter son action en 2015.  

 

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