Hébergement - Sylvia Pinel veut "contenir" le développement des places d'hébergement d'urgence
Intervenant, le 19 juin, devant l'assemblée générale de la Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale), Sylvia Pinel a présenté sa politique en matière d'hébergement d'urgence et d'accès au logement des plus démunis. Si le discours se situe dans la continuité de l'action gouvernementale, la ministre du Logement tient - comme sur l'ensemble de son département ministériel - à se démarquer de son prédécesseur, en appelant à une "politique pragmatique".
Trois priorités
Elle retient, pour cela, trois priorités : l'orientation vers le logement, le développement des actions de prévention des expulsions ("première étape dans la spirale de l'exclusion") et la mise en place d'"une organisation efficiente du secteur de l'hébergement pour répondre aux besoins des personnes tout au long de l'année et atteindre l'objectif de la fin de la gestion saisonnière".
Sur l'orientation vers le logement, les réponses passent par une forte reprise de la construction de logements neufs - une hypothèse qui reste encore très incertaine, même si le logement social s'est redressé de 14% l'an dernier -, mais aussi par le développement de logements adaptés, doublé d'un accompagnement social des bénéficiaires. La ministre a notamment rappelé le second appel à projets (après celui d'octobre 2013) lancé, il y a quelques jours, en vue de créer 2.000 logements sociaux à très faible loyer (PLAI adaptés), dès cette année (voir notre article ci-contre du 10 juin 2014).
Plus de crédits pour moins de places ?
Sylvia Pinel tire la conséquence de la politique d'orientation vers le logement. Alors que les précédents gouvernements affichaient chaque année un nombre supplémentaire de places d'hébergement d'urgence (autour de 105.000 aujourd'hui), la ministre du Logement estime au contraire que "nous devons arriver à contenir le développement régulier du nombre de places d'hébergement, notamment d'urgence".
Il reste que cette affirmation semble quelque peu contradictoire avec la circulaire du 22 avril dernier sur la campagne budgétaire 2014 des structures d'hébergement d'urgence. Celle-ci prévoit en effet une hausse conséquente de 17,1% (par rapport à la LFI 2013) des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence, soit la progression la plus forte au titre du secteur "Accueil, hébergement et insertion" (voir notre article ci-contre du 6 mai 2014).
Alur et Ccapex pour prévenir les expulsions
Sur la seconde priorité - la prévention des expulsions -, Sylvie Pinel entend "mettre en place une politique volontariste d'anticipation des ruptures et de maintien dans le logement", en s'appuyant notamment sur les résultats de l'évaluation interministérielle - en cours - de la politique de prévention des expulsions locatives. Les résultats de ce travail, qui passe en revue tous les dispositifs mis en place depuis la loi Besson de 1990, sont attendus pour la fin du mois de juin.
La ministre s'appuierait aussi sur la loi Alur du 24 mars 2014 (loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové). Celle-ci renforce en effet le rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex). Elle fait également obligation à tous les bailleurs - et non plus seulement aux bailleurs sociaux - de saisir la Ccapex dans les deux mois précédant la délivrance de l'assignation. Sylvia Pinel a indiqué que "les décrets de mise en application de ces mesures seront pris début 2015, après une phase de concertation avec l'ensemble des acteurs". Prudente dans le contexte tendu autour de la loi Alur, la ministre affirme vouloir "rétablir la confiance entre les locataires et les propriétaires en respectant les intérêts de chacun".
Priorité au logement accompagné et à la gestion de la sortie de l'hiver
Enfin, sur l'organisation du secteur - troisième priorité ministérielle -, Sylvia Pinel a réaffirmé qu'elle entend "prioriser l'accès au logement pour tous, tout en apportant une réponse à l'urgence par une offre d'hébergement de proximité". Ceci passe en particulier par le développement du logement accompagné : résidences sociales, pensions de famille (mille places supplémentaires prévues en 2014), intermédiation locative... La ligne dédiée au financement de ces dispositifs progresse d'ailleurs de 30% par rapport à 2013.
Il est également prévu de "mieux organiser le secteur de l'hébergement", en accélérant la sortie de la gestion au thermomètre et en "profitant" de l'hiver pour rechercher des solutions durables. Les actions en la matière s'inspireront des bonnes pratiques de certains départements, autour de "la captation de logements et la diminution du recours à l'hôtel, mais également [...] la mise en place de modalités d'accompagnement social pour les personnes hébergées à l'hôtel". La ministre se fixe en effet un objectif de "réduction sensible voire totale du recours aux nuitées hôtelières".
Diagnostics à 360 degrés et appel à projets "Innovation sociale"
Elle appelle pour cela à "un engagement collectif de l'ensemble des acteurs de l'Etat, des collectivités territoriales et [...] du secteur associatif". Elle entend, pour cela, faire réaliser, dans chaque département, un "diagnostic à 360 degrés" - déjà expérimenté dans treize territoires pilotes -, qui "permettra d'avoir une vision objective, globale et partagée des problématiques des personnes, et de vérifier que chaque territoire dispose de solutions adaptées pour y répondre". Ce diagnostic servira aussi d'appui à une coordination renforcée des acteurs et des actions et facilitera le travail des Siao (services intégrés de l'accueil et de l'orientation).
Enfin, Sylvia Pinel a profité de son intervention devant la Fnars, pour annoncer le lancement d'un second appel à projets "Innovation sociale dans le champ de l'hébergement et de l'accés au logement". Inscrit dans le cadre du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, cet appel à projets s'adresse aux associations et aux bailleurs, pour les inciter à développer des solutions de prise en charge "innovantes" d'accès au logement et de prévention des ruptures en direction de personnes souffrant de troubles de la santé mentale, de personnes réfugiées et sous protection internationale, et de personnes sortant de prison ou sous main de justice.
La date limite de dépôt des dossiers est fixée au 22 août 2014. Les projets selectionnés seront rendus publics fin septembre. Un premier appel à projets, en 2013, avait permis d'accompagner vingt projets "innovants".