Société de l'information - Ville numérique : un projet de gouvernance plus que de technologie
"C'est un peu comme l'auberge espagnole : chacun présente la ville numérique avec ce qu'il y apporte !", a plaisanté Stéphane Lelux. Le président de Tactis (cabinet de conseils en aménagement numérique) a introduit, ce 21 septembre au Cnit, un atelier sur la ville 3.0, animé par la Mission Ecoter dans le cadre du salon Odébit. Pour lui, il n'existe pas vraiment de définition au sens strict de ce concept. Il a donc proposé de relever les éléments communs auxquels se référent les experts, en entrant par les objectifs affichés de la ville du futur. Ceux-ci seraient au nombre de trois : améliorer la qualité de vie, l'accessibilité pour tous en tout lieu et en temps réel ; moderniser le fonctionnement et la gestion des zones urbaines ; permettre l'émergence de la ville durable. "Et je vais peut-être décevoir, mais le premier défi de la ville numérique n'est pas technologique !", a-t-il poursuivi. Il s'agit d'abord de politique, de réflexion globale, de vision transversale notamment avec les outils numériques. Un tel projet nécessite non seulement un portage politique fort mais aussi un décloisonnement des approches métiers des collectivités locales que la direction des systèmes d'information (DSI) ne peut mener à elle seule. C'est aussi un projet complexe parce qu'il doit faire travailler une diversité de partenaires tant publics que privés, coordonner de multiples réseaux et infrastructures (transports, énergie, éclairage, sécurité, environnement et, bien sûr, télécoms), utiliser de nombreux médias et supports : smartphone, mobiliers urbains communicants, véhicules intelligents, etc. En outre, ces villes du futur doivent également faciliter la contribution de leurs citoyens en s'appuyant sur les dynamiques issues des réseaux sociaux et l'ouverture des données qui permettent aux usagers de devenir eux-mêmes acteurs de l'innovation et de produire des applications originales, comme à Rennes. La question clé ne serait donc pas quelles technologies nouvelles pour le futur urbain mais plutôt quelle stratégie et quel pilotage pour la ville numérique ? "Les services, les directions des communes sont des chapelles qui ne communiquent pas suffisamment", a diagnostiqué Stéphane Lelux. Il serait donc nécessaire d'anticiper et de recréer de la transversalité.
Ville 3.0
Illustration avec le témoignage de Pascale Luciani-Boyer, vice-présidente de la commission TIC de l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif). Dans la commune de Saint-Maur-des-Fossés (94), la maire adjointe veut passer de la ville 1.0 (où internet fait circuler l'information plus rapidement), à la ville 2.0 (qui redonne aux habitants l'initiative de la communication vers leurs élus) et surtout à la "ville 3.0 dans laquelle tous parlent à tous pour co-construire dans le domaine des transports, du partage des données pour une ville plus économique et plus durable". L'élue locale a déjà mis en place un outil qui permet aux sourds et malentendants de pouvoir téléphoner à la mairie. Elle rêve désormais d'installer des panneaux solaires sur les toits des maisons et de partager l'énergie ainsi produite entre voisins, comme à Amsterdam. Pour parvenir à "cette ville de demain, il faut des infrastructures, - des "tuyaux" pour le très haut débit et des antennes pour les ondes - mais surtout accompagner et développer les usages sans négliger les enjeux de gouvernance du projet", a-t-elle convenu. Il s'agirait notamment de redéfinir le rôle des directions techniques, de la DSI et des différents services. Suivant l'exemple de l'organisation créée à la direction des services centraux de l'Université de Strasbourg, l'élue locale a donc mis en place, depuis janvier, sa "Dune" : comprendre la direction des usages du numérique. Ce nouveau service transversal est le regroupement d'une douzaine de personnes piochées au sein des directions déjà existantes qui s'occupaient du numérique en étant auparavant réparties dans tous les services de la ville : la voierie pour poser les fourreaux, l'informatique pour gérer le matériel et les logiciels, etc. Forte d'une dimension essentielle de suivi de projet, la nouvelle direction est désormais chargée d'interroger tous les services municipaux sur ce que le numérique pourrait améliorer dans leurs fonctionnements internes mais aussi dans leurs relations avec la population. "Et cela avec un regard budgétaire, une nécessité de mutualisation et dans le sens de la volonté du politique", a conclu Pascale Luciani-Boyer.