Aménagement du territoire - Urbanisme commercial : faute d'une réforme d'ampleur, l'ADCF mise sur l'amélioration des dispositions législatives
"En 2008, au moment de la loi de modernisation de l'économie, nous avions un engagement très fort du Premier ministre devant les parlementaires de ne pas laisser l'urbanisme commercial en souffrance. Six ans après, il n'y a toujours pas de véritable démarche concertée, pilotée par le gouvernement." Philippe Schmitt, délégué général adjoint, responsable des questions aménagement du territoire de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), exprime la déception des "intercos" face aux dispositions prises par le gouvernement en matière d'urbanisme commercial. Contrairement aux ambitions affichées auparavant, dont celle, avortée, du député Michel Piron, la grande réforme annoncée de l'urbanisme commercial n'aura pas lieu. Les évolutions envisagées consistent plutôt en quelques mesures éparses, insérées pour certaines (dont les mesures sur les drives) dans le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), qui a été adopté par le Sénat en seconde lecture le 31 janvier 2014, et pour d'autres dans le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui doit être examiné à l'Assemblée nationale à partir du 12 février. Et le tout sans véritable concertation, d'après l'ADCF. "Il s'agit pourtant d'un sujet de première importance pour les territoires, qui touche de près la consommation foncière, les modes de déplacement, la densité des territoires… Nous nous attendions à avoir un avant-projet de loi à partir duquel nous aurions pu discuter, et nous avons là des aménagements à la petite semaine", déplore Philippe Schmit. L'ADCF aurait souhaité que le gouvernement affiche clairement sa volonté de réformer profondément l'urbanisme commercial.
"De notre côté, nous avons un double objectif : rester sur la ligne de l'intégration de l'urbanisme commercial dans le droit de l'urbanisme, et construire de véritables stratégies locales de commerce", détaille le délégué général adjoint de l'ADCF. Une démarche qui suppose "une réflexion collégiale, stratégique et puissante dans un cadre communal", détaille-t-il à Localtis.
La ministre de l'Artisanat avait toutefois prévenu. Sylvia Pinel avait ainsi annoncé dès le mois de juin 2013 que son projet de loi comporterait des mesures sur l'urbanisme commercial dans le cadre d'une mise en cohérence avec le droit de l'urbanisme, et non dans le sens d'une réforme globale…
Des mesures intéressantes
A quelques bémols près, l'ADCF reconnaît toutefois l'aspect positif de plusieurs dispositions engagées à travers les deux projets de loi, Pinel et Alur. Premier point : la fusion de l'autorisation d'exploitation commerciale et du permis de construire. "La voie de progrès de cette mesure réside dans le fait que l'autorisation préalable sera donnée sur la base du permis de construire. Au-delà de la simplification, cela va créer un lien juridique entre le permis de construire et l'avis de la CDAC [commission départementale d'aménagement commercial, ndlr]", détaille le délégué général adjoint de l'ADCF. Ce lien n'existait pas jusqu'à maintenant, ce qui permettait aux promoteurs de monter un dossier pour la CDAC, en répondant à des critères exigeants de développement durable, et de pouvoir mettre de côté ces engagements, au moment du permis de construire… La disposition représente donc une réelle avancée pour l'ADCF. L'assemblée approuve aussi la volonté de mieux représenter les élus locaux dans CDAC et la Commission nationale d'aménagement commercial (Cnac). Elle regrette toutefois le choix des élus qui vont pouvoir s'ajouter à ces instances. "Il est surprenant de voir l'affirmation de l'échelle départementale. On va envoyer des représentants des départements là où on a besoin de construire localement. Où est la cohérence ?", interroge ainsi Philippe Schmit.
L'encadrement des drives, prévu dans le cadre du projet de loi Alur, correspond également à un élément positif pour l'ADCF. "La mesure arrive toutefois trop tard, temporise Philippe Schmit, le modèle étant totalement déployé, cela ne va jouer que sur une cinquantaine de projets." Lors de l'adoption en seconde lecture le 31 janvier, les sénateurs ont toutefois donné des précisions sur cette disposition. Le texte prévoit ainsi que les projets en cours de développement et ceux pour lesquels une demande d'autorisation est déjà en cours d'instruction au moment de l'entrée en vigueur de la loi seront soumis à autorisation d'exploitation commerciale.
Enfin, l'idée d'obliger le propriétaire du site d'implantation, bénéficiant de l'autorisation d'exploitation commerciale, à remettre en état les lieux une fois l'exploitation terminée (mesure figurant dans le texte de Cécile Duflot) représente, d'après l'ADCF, une "disposition intéressante", qui va responsabiliser le propriétaire, comme c'est le cas pour les sols pollués ou les carrières.
Déçue de ne pas avoir eu droit à une concertation de fond, l'ADCF espère bien améliorer les textes en cours d'examen, et particulièrement le projet de loi Pinel, qui est examiné à partir du 12 février. Le temps est compté : le texte est voté dans le cadre d'une procédure d'urgence, avec une seule lecture pour chaque chambre. Le projet de loi Alur doit quant à lui passer en commission mixte paritaire le 11 ou le 12 février.