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Urbanisme - Alur : la commission des affaires économiques du Sénat supprime les dispositions sur l'urbanisme commercial

La commission des affaires économiques du Sénat, présidée par Daniel Raoul (PS), a achevé dans la soirée du 9 octobre l'examen du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové en modifiant sensiblement le volet urbanisme du texte. Parmi les principaux changements, elle a modifié l'article 63 concernant le transfert de la compétence PLU des communes vers les intercommunalités (lire notre article ci-contre). L'amendement du rapporteur Claude Bérit-Débat, sénateur PS de Dordogne, prévoit que le transfert interviendra au terme d'un délai de trois ans suivant la publication de la loi, ce qui laissera aux intercommunalités et aux équipes municipales le temps de préparation nécessaire. Un mécanisme de minorité de blocage est créé, le transfert de compétence ayant lieu sauf si un quart des communes représentant au moins 10% de la population s'y oppose. Enfin, une clause de revoyure prévoit que le conseil communautaire est tenu de délibérer de nouveau sur la question du transfert à chaque renouvellement, les communes membres se prononçant alors selon le même mécanisme de minorité de blocage. La commission "rend ainsi la parole aux communes en matière d'urbanisme", a estimé le groupe PS du Sénat dans un communiqué.
La commission a par ailleurs estimé que les conditions dans lesquelles la réforme de l'urbanisme commercial est abordée "ne sont pas satisfaisantes". "Introduite par voie d’amendement, segmentée entre deux textes, la réforme apparaît à la fois peu lisible, peu ambitieuse et juridiquement fragile", a-t-elle souligné dans un communiqué. Elle a donc supprimé les dispositions introduites sur ce sujet par l'Assemblée nationale (alinéas 97 à 104 de l'article 58 et article 58bis) et a demandé que la réforme soit abordée de manière "plus cohérente, plus concertée et plus ambitieuse en tenant compte des travaux réalisés par le Sénat au cours des années passées".
Les sénateurs ont aussi voté plusieurs amendements à l'article 58 concernant le renforcement du schéma de cohérence territoriale (Scot) intégrateur. Ils modifient le délai de mise en comptabilité du PLU avec le Scot en cas d'approbation du Scot postérieure à l'élaboration du PLU : ce délai est d'un an si la mise en compatibilité nécessite une évolution mineure du PLU, de trois ans si une révision est nécessaire. Le rapporteur considère qu'il s'agit d'une " réponse médiane et équilibrée" entre ce que proposait le texte initial et ce qu'avait décidé l'Assemblée nationale. L'alinéa 29, qui impose un plafond pour les surfaces affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce, est réécrit : "le plafond est différent selon qu'il s'agit d'un ensemble commercial de moins ou plus de 5.000 m²" ce qui pourrait "inciter les commerces à privilégier des implantations en 'solo' plutôt qu'au sein d'ensembles commerciaux" et aurait donc un "effet pervers contraire à l'objectif recherché", explique l'exposé des motifs de l'amendement. Ce dernier "institue donc une norme unique et simple : pas plus de 0,75 m² de parking par m² de surface de plancher de bâtiment affecté au commerce".
Toujours à l'article 58, les sénateurs suppriment de la liste des personnes publiques associées à l'élaboration du Scot les communes limitrophes du périmètre du schéma, tout en prévoyant qu'elles puissent être consultées, à leur demande, lors de l'élaboration de ce schéma. La commission a aussi voté un amendement de Jean-François Husson (UMP, Meurthe-et-Moselle) et Raymond Couderc (UMP, Hérault) précisant que les demandes de dérogations susceptibles d'être accordées en matière d'ouverture à l'urbanisation ou d'exploitation commerciale (pour les territoires encore non-couverts par un Scot) peuvent faire l'objet d'un avis de l'établissement public de Scot, lorsque celui-ci a été créé (et dans l'attente de l'approbation du Scot). Un autre amendement du rapporteur "clarifie les conditions dans lesquelles la charte d'un parc naturel régional peut faire office de Scot ". Ainsi, "les dispositions valant Scot figurent dans un chapitre individualisé dont les conditions d'élaboration et d'évolution sont en tout point comparables à celles d'un Scot traditionnel (notamment en ce qui concerne la continuité du territoire couvert)". "Les communes sises dans le parc naturel qui sont déjà couvertes par un Scot ne seraient pas concernées par ce chapitre individualisé." Les sénateurs ont aussi précisé que la dérogation à la règle d'urbanisation limitée pour les communes se retirant d'un Scot du fait des remaniements de la carte intercommunale, introduite par l'Assemblée nationale, n'est valable que pour une durée de six ans.

Deux amendements identiques ont ajouté un article additionnel après l'article 58, afin de "rectifier des coquilles de l'ordonnance n°2012-11 du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures d'élaboration, de modification et de révision des documents d'urbanisme". Les sénateurs de la commission ont en outre supprimé l'article 58 ter, introduit par les députés contre l'avis du gouvernement et instaurant un "inter-Scot". "Le dispositif proposé dans cet article est non seulement inutile mais très incertain juridiquement puisqu'il crée un formalisme à la fois lourd, qui bouleverse la hiérarchie des normes d'urbanisme et qui est resté malgré tout incomplet sur bien des points (très peu est dit sur la procédure d'adoption, de modification ou de révision)", a justifié le rapporteur.

A L'article 61, concernant la mise à disposition gratuite des services de l'Etat aux petites collectivités en matière d'application du droit des sols, les sénateurs ont décidé que si, à la suite de la création d'un nouvel EPCI, il se produit un dépassement du plafond de population qui détermine la possibilité de recourir aux services déconcentrés de l'État, la mise à disposition ne peut pas prendre fin avant un délai d'un an à compter de la création de cet établissement.

A l'article 64, un amendement du rapporteur renforce les dispositions du code de l'urbanisme visant, selon l'exposé des motifs, à "garantir les communes contre le risque éventuel d'un PLUI qui serait gravement contraire à leur intérêt". Ainsi, " lorsqu'une commune membre de l'EPCI émet un avis défavorable sur les orientations d'aménagement et de programmation ou les dispositions du règlement qui la concernent directement, la commission [de conciliation en matière de document d'urbanisme] entend les parties intéressées et dispose d'un mois pour formuler des propositions. L'organe délibérant compétent de l'EPCI délibère à nouveau et arrête le projet de PLU à la majorité des trois quarts des suffrages exprimés". A l'article 64 également, un 'amendement de Pierre Jarlier (UDI-UC, Cantal) et Jacqueline Gourault (UDI-UC, Loir-et-Cher) "tend à donner aux maires une garantie supplémentaire d'association au processus d'élaboration du PLU", en consacrant en matière d'urbanisme, une pratique déjà existante dans un certain nombre d'intercommunalités : la "conférence des maires". Est donc inscrite dans le code de l'urbanisme "l'obligation pour le président de l'intercommunalité de réunir les maires afin qu'ils puissent discuter du projet de PLU. Réunie après le vote du PADD, la conférence des maires permettrait d'assurer une bonne coordination entre la commune et l'EPCI et de favoriser les consensus avant le vote des communes membres sur les orientations d'aménagement et de programmation et les dispositions qui les concernent". Toujours à l'initiative de Pierre Jarlier, les sénateurs ont aussi précisé que lorsque le PLU tient lieu de PLH, le préfet peut demander les modifications qu'il estime nécessaires d'apporter au plan "pour tenir compte de l'avis émis par le comité régional de l'habitat".

A l'article 65, sur proposition du rapporteur, la commission a réintroduit "l'obligation pour le Scot de procéder à une analyse du potentiel de densification des principaux secteurs à enjeux de son territoire", disposition qui avait été supprimée par l'Assemblée. A ce même article, un amendement vise à clarifier la rédaction de la disposition relative au reclassement en zone agricole ou naturelle des zones à urbaniser créées depuis neuf ans ou plus et qui n'ont toujours pas fait l'objet d'une ouverture à l'urbanisation. "En réalité, la disposition du texte initial ne faisait qu'imposer une procédure de révision aux zones à urbaniser visées", a expliqué le rapporteur dans l'exposé des motifs. Les sénateurs ont aussi modifié la rédaction de l'alinéa 19 de l'article 65, le rapporteur expliquant que "l'obligation de démontrer la nécessité d'une ouverture à l'urbanisation au regard de l'insuffisance des capacités d'urbanisation résiduelles d'urbanisation, comme le prévoit le texte actuel, pose plusieurs problèmes : le mot 'démontrer' n'a pas dans ce contexte un sens très clair et peut donc générer un contentieux important ; une interprétation maximaliste de cette disposition peut conduire à interdire toute ouverture à l'urbanisation aussi longtemps qu'il reste des marges de densification (…)".

Sur proposition du groupe écologiste, les sénateurs ont décidé d'augmenter, par un article additionnel après l'article 66, le quantum de l'astreinte urbanistique. Celui-ci n'a pas été modifié depuis la loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme "de sorte que l'astreinte ne présente plus un caractère incitatif et dissuasif". Il est donc proposé de l'élever de 75 euros à 500 euros au plus par jour de retard. Il est aussi prévu de liquider les astreintes "au moins une fois chaque année".

Les sénateurs du groupe socialiste ont aussi modifié l'article 68 relatif aux établissements publics fonciers d'État qui peuvent, sous condition, se superposer avec des EPF locaux existants. Ils suppriment la "limitation temporelle" induite par la rédaction issue de l'Assemblée. Ils prévoient également que la superposition des EPF d'État avec des EPF locaux existants doit se faire avec "l'accord de toutes les collectivités concernées".
Un amendement à l'article 70 vise à "inclure explicitement, dans la liste des biens soumis au régime général du droit de préemption, les cessions de parts de SCI" et à "réactualiser des références devenues obsolètes". Un autre amendement à ce même article "prévoit de faciliter la procédure de DIA en autorisant sa dématérialisation". Un troisième amendement à cet article "vise à tenir compte, dans la fin de la suspension du délai d'exercice du droit de préemption, de la possibilité pour le propriétaire d'opposer un refus à la visite du bien par la collectivité". Dans un article additionnel après l'article 70, les sénateurs précisent que "sont également soumis au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux visés au premier alinéa de l'article L. 213-1 lorsqu'ils font l'objet d'une aliénation à titre gratuit, sauf si celle-ci est effectuée entre personnes ayant des liens de parenté jusqu'au sixième degré ou des liens issus d'un mariage ou d'un pacte civil de solidarité". Une série d'amendements suppriment l'article 70 quater, introduit à l'Assemblée et prévoyant le recours à l'acte authentique pour les cessions de parts de SCI.

A l'article 73, un amendement "reprend une disposition introduite […] dans la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial en 2010 pour donner au règlement des plans locaux d'urbanisme la faculté de délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation, un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces". Un autre amendement vise pour sa part à permettre une distinction "entre les commerces proprement dits et les activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle (banques, agences immobilières, etc.)", et ce "pour permettre au PLU de devenir un outil de revitalisation commerciale des centralités urbaines ".

A l'article 75, les sénateurs ont supprimé les dispositions des alinéas 5 à 8, issues de l'amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, relatives aux règles non approuvées d'un cahier des charges d'un lotissement, qui sont inconstitutionnelles. Sur proposition de Pierre Jarlier, les sénateurs ont aussi modifié l'article 78 relatif au projet urbain partenarial, se disant "défavorable[s] à la proposition du projet de loi imposant à l'élu de publier la demande s'il n'est pas fait droit à la demande de débat".

Les sénateurs ont en outre supprimé l'article 80, "qui soumet à un dispositif de mise à disposition du public les projets à permis de construire ne faisant pas l'objet d'étude d'impact". En cohérence, un autre amendement modifie l'article 82 qui introduit la référence à l'article L.120-1-1 du code de l'environnement. Cet article vise spécifiquement les mises à disposition du public qu'il est souhaitable de mentionner afin de respecter l'exigence communautaire d'information du public sur le contenu de l'étude d'impact dans la mesure où l'on supprime parallèlement l'enquête publique. Enfin, dans un article additionnel après l'article 86, les sénateurs ont prolongé à 2016 le délai ouvert aux habitants de la zone des cinquante pas géométriques en outre-mer pour déposer leur dossier de cession.
Le projet de loi sera examiné par le Sénat en séance publique à compter du mardi 22 octobre 2013.

 

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