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Ressources humaines - Un point d'indice au point mort

Il n'y aura pas, en 2012, d'augmentation du point d'indice servant à calculer le traitement de base des fonctionnaires. Suite à cette annonce, les syndicats ont fait part de leur vif mécontentement. De son côté, le gouvernement parle au contraire de hausse du pouvoir d'achat. Quelques chiffres pour comprendre le débat.

Le gouvernement a confirmé mardi 19 avril le gel du point d'indice des fonctionnaires en 2012. Ceci pour la deuxième année consécutive, la dernière augmentation du point datant du 1er juillet 2010. Le ministre du Budget et de la Fonction publique, François Baroin, a expliqué que le "point d'indice ne constituait qu'un élément parmi d'autres de l'augmentation du pouvoir d'achat" des agents. Il a ajouté que "ce n'est pas parce que le point d'indice est gelé pour 2012 qu'il n'y a pas une évolution supérieure au coût de la vie (des rémunérations) des fonctionnaires".
Cette décision n'est pas vraiment une surprise. A l'automne dernier, la Cour des comptes estimait déjà que le gel du point d'indice "jusqu'à fin 2013" lui semblait "techniquement nécessaire" pour "respecter l'objectif global de maîtrise de dépenses publiques". Et le directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) ajoutait en début de semaine que l'augmentation du point d'indice était coûteuse pour les finances publiques "en ayant un impact individuel négligeable" (voir notre article ci-contre du 12 avril).
Quant aux réactions syndicales, elles étaient prévisibles : les organisations ont unanimement manifesté leur désaccord à cette annonce en quittant la réunion au bout d'une heure et demie. Le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a jugé que le gel du point n'était "pas acceptable". FSU a dénoncé le "travailler plus pour gagner plus" qui devient un "travailler plus pour ne pas gagner moins", la CGC  condamne pour sa part une "baisse historique du pouvoir d'achat public". Plusieurs syndicats - rejoints d'ailleurs sur ce point par la présidente du Medef Laurence Parisot hier matin sur France inter - rapprochent la stabilité du point d'indice et la prime évoquée ces derniers jours pour les salariés des entreprises distribuant des dividendes. Dans un communiqué baptisé "question à 1.000 euros", l'Unsa rappelle ainsi "au bon souvenir du gouvernement la situation de ces 5 millions d'agents".

Pouvoir d'achat en hausse, pouvoir d'achat en baisse ?

L'intérêt de cette journée tient donc surtout dans la diffusion par le gouvernement d'un état statistique d'une soixantaine de pages présentant les derniers chiffres disponibles sur l'évolution des rémunérations dans les trois fonctions publiques. Et comme toujours (voir nos articles ci-contre), le dossier est complexe.
Premier étage de la rémunération, le traitement indiciaire. De 1999 à 2010, la valeur du point d'indice a augmenté de 9.93% (soit 0,86% par an) pour atteindre aujourd'hui environ 55 euros (soit pour un agent à l'indice 400, une rémunération annuelle brute indiciaire de 400*55 = 22.000 euros). L'indice des prix sur la même période a augmenté de 19.2% (soit 1.61% par an). D'où les réactions syndicales qui dénoncent une baisse de pouvoir d'achat des agents publics.
Mais, le gouvernement souligne que l'évolution du point d'indice n'explique qu'un quart de la progression des rémunérations des fonctionnaires. Les trois quart restants proviennent des mesures individuelles (ex : changement d'échelon, changement de grade ou de corps après réussite d'un concours), ou statutaires et indemnitaires (ex : évolution du régime indemnitaire, réforme de la catégorie B). D'où un point de vue différent sur la question : la rémunération moyenne des personnes en place (RMPP) c'est-à-dire le salaire moyen des agents à plein temps présents deux années de suite augmente nettement, de l'ordre de 3.5% par an pour les agents de l'Etat. Dans le dossier de presse, le ministère déduit l'inflation et calcule que pour ces agents, "depuis 2007, la hausse du pouvoir d'achat a été supérieure à 10%". Pour la territoriale cette RMPP a augmenté de 2.2% en euros constants en 2008. Le gouvernement établit à partir de ces chiffres que "le pouvoir d'achat des agents publics a été renforcé".

Qui gagne combien en moyenne?

Au-delà de ce débat et du champ considéré, le document diffusé aux syndicats apporte également des éléments intéressants sur les écarts entre les trois fonctions publiques. D'abord sur le salaire annuel net moyen. Le tableau p.44 concerne les agents titulaires de la fonction publique d'Etat : on y apprend que le salaire annuel moyen d'un adjoint administratif est de l'ordre de 20.000 euros toutes primes et tous âges confondus. Pour un secrétaire administratif (catégorie B), de l'ordre de 26.000 euros. Pour un attaché (catégorie A), autour de 39.000 euros, et pour un administrateur (A+) de 61.000 euros. Tous ces chiffres sont des moyennes nettes, annuelles, toutes primes incluses. Le tableau p.49 concerne la fonction publique territoriale. Si on prend tous les agents présents en 2008, on peut calculer un salaire moyen de 21.000 euros, qui se décompose ainsi : 19.000 euros pour les agents de catégorie C, 25.000 pour les agents de catégorie B et 39.000 pour les agents de catégorie A.
Les rémunérations moyennes par catégorie sont donc à peu près du même ordre entre l'Etat et la territoriale. Mais la composition des populations n'est pas du tout la même : il y a beaucoup plus d'agents de catégorie C dans la fonction publique territoriale. Cela explique que dans la fonction publique d'Etat, 10% des agents gagnent moins de 1.500 euros. Alors que dans la territoriale la moitié des agents gagnent moins que cette somme (p.19). Cette différence de structure explique aussi que les agents de l'Etat partent à la retraite en ayant atteint en moyenne l'indice 612, les territoriaux l'indice 426 (tableau p.50).

Des CET pour les cadres, des heures supplémentaires pour les agents, des enfants pour tous

Outre le traitement indiciaire et le régime indemnitaire, diverses mesures salariales ont été mises en place ces dernières années. La garantie individuelle du pouvoir d'achat – prime visant à compenser l'écart entre l'évolution du traitement indiciaire et l'inflation – a concerné peu d'agents dans la territoriale en 2009 : seulement 5.3% des agents, pour la plupart de catégorie C (70%) ont touché un montant moyen de 427 euros.
La rémunération d'heures supplémentaires (indemnités horaires pour travaux supplémentaires, IHTS) concerne également essentiellement les agents de catégorie C : 563.000 agents, soit un tiers des agents territoriaux, ont bénéficié de ce dispositif après avoir réalisé 26 millions d'heures supplémentaires (soit 46 heures en moyenne par agent).
Au contraire les comptes épargne temps (CET) séduisent surtout les cadres : en 2008, 5.6% de l'ensemble des agents avaient ouvert un CET, mais ce chiffre monte à près de 20% chez les agents de catégorie A. Une fois ce CET ouvert, les agents de catégorie C ont en moyenne 11 jours dessus, les agents de catégorie B 12 jours, les agents de catégorie A 18 jours. Ce sont également les cadres qui rachètent le plus fréquemment des jours.
Enfin, le document comprend un graphique qui montre que... les fonctionnaires adorent faire des enfants (p.39) ! Leurs familles sont plus nombreuses que celles des salariés du privé, ce qui les amènent à toucher fréquemment un supplément familial de traitement. L'histoire ne dit pas si le taux de fécondité est corrélé à l'évolution du point d'indice.
 

 

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