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Ressources humaines - Prime de fonction et de résultats : des effets à long terme ?

Constituée de deux parts, dont une liée aux résultats de l'agent, la prime de fonction et de résultats va progressivement se substituer aux régimes indemnitaires existants. Quelles conséquences aura ce nouveau système de rémunération ? Les employeurs territoriaux utiliseront-ils le dispositif pour sanctionner les agents dont ils sont mécontents ? Premiers éléments de réponse.

La prime de fonction et de résultats (PFR) a été créée en décembre 2008 pour simplifier le régime indemnitaire et permettre la modulation de la rémunération. Avec pour idée fondatrice de récompenser les agents en fonction de leur mérite (voir, pour une présentation technique, le guide du ministère ci-contre). Ce nouveau système indemnitaire, qui va s'appliquer très progressivement dans la fonction publique territoriale, va-t-il conduire à sanctionner les agents jugés peu motivés ou inefficaces ? Les administrateurs et les attachés territoriaux et certains ingénieurs en chef territoriaux peuvent déjà se poser la question : le dispositif leur est applicable dès la prochaine révision du régime indemnitaire de leur collectivité. Mais tous les agents seront, tôt ou tard, concernés. A terme, l’ensemble de la fonction publique territoriale sera soumise à la PFR.  La perspective de ce nouveau régime soulève de nombreuses questions :  la variation de la part liée à la fonction ne va-t-elle pas constituer un frein à la mobilité si, à des postes de même niveau hiérarchique, ne sont pas attribués les mêmes coefficients ? L’appréciation des résultats fournis par les agents ne sera-t-elle pas arbitraire ? Les employeurs ne vont-ils pas en profiter pour réduire globalement la rémunération des agents, avec quelques exceptions qui permettront de justifier le dispositif, ainsi que le redoute le Syndicat national des cadres territoriaux (SNCT) ?
"La PFR ? C’est un sujet à fantasmes", sourit Valérie Chatel, présidente de l’Association nationale des DRH des grandes collectivités. Cependant, la PFR "ne va pas constituer un changement radical pour les collectivités", juge-t-elle. D’abord parce qu’avant l’entrée en vigueur de la PFR, celles-ci pouvaient déjà moduler les rémunérations en fonction du service rendu. Mais surtout parce que "la première préoccupation des DRH n’est pas la variabilité des régimes indemnitaires, mais plutôt leur lisibilité et leur caractère équitable en particulier entre les filières".

Un besoin de transparence

Ce sont précisément des objectifs d‘équité et de transparence qui guident la refonte en cours du régime indemnitaire des agents de la mairie de Pantin (Seine-Saint-Denis). "D'une manière générale, les agents qui seront au même niveau hiérarchique vont se voir affecter le même taux de prime", explique Annelsa Mydlarz, directrice des ressources humaines de la ville. De plus, les fiches de paye mentionneront l’intitulé de la ou des primes attribuées, son ou leur montant, ainsi que le niveau de responsabilité. Cette plus grande transparence répond à une préoccupation des agents. "Manquant d’informations sur le régime indemnitaire, les agents ont l’impression d’un manque d’équité et d’une certaine opacité concernant les modalités d’attribution du régime indemnitaire", témoigne Annelsa Mydlarz.
S’agissant de la mise en oeuvre, Valérie Chatel se veut rassurante : ce nouveau système ne va pas entraîner une baisse des régimes indemnitaires. "C’est inimaginable, même s’il est vrai que le contexte financier des collectivités n’est pas très favorable." De plus, la modulation liée aux résultats devrait rester faible, comme le montre l’exemple de Bordeaux. La ville a cherché à valoriser les fonctions d’encadrement en donnant aux directeurs généraux la faculté de faire varier le régime indemnitaire attribué aux directeurs. Le dispositif mis en place concerne environ 70 cadres et génère des variations du régime indemnitaire de 50 euros par mois tout au plus.

Des plafonds revalorisés

Pour le secrétaire national de l'Interco-CFDT, Jean-Claude Lenay, la mauvaise nouvelle est que, comme toutes les primes, la PFR n’entrera pas en compte pour le calcul de la retraite.  Elle "ne contribuera qu’à la retraite additionnelle de la fonction publique". C'est notamment pour cette raison que les syndicats auraient préféré une revalorisation des traitements indiciaires. Un autre motif de déception vient du fait que la PFR n’est pas une prime supplémentaire : elle se substitue aux primes existantes. Dans ces conditions, la collectivité n’augmentera pas forcément le régime indemnitaire de ses agents, estime Robert Limmois, responsable de la commission statut de l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF). "On aurait préféré une nouvelle prime liée aux résultats, à côté du régime indemnitaire. Cela aurait été plus motivant."
Tout espoir d’amélioration de la rémunération par le biais de la PFR est-il pour autant perdu ? Geoffroy Adamczyk, chargé de mission ressources humaines à l’Association des maires de France, ne le croit pas, puisque les plafonds de la PFR sont supérieurs aux plafonds actuels. "Mais tout dépendra des négociations sociales" dans chaque collectivité. Ces négociations pourraient se révéler difficiles dans certaines collectivités. "Avec la PFR, le climat ne sera pas bon, prédit Jean-Claude Lenay. Cela va attiser les revendications. L’incendie pourrait bien être rallumé." Les collectivités devront donc soigner leurs relations avec les organisations syndicales.
Les responsables des collectivités ne doivent toutefois pas trop s’inquiéter.  En effet, il n'y a pas forcément urgence : ils ne devront mettre en oeuvre la PFR que le jour où ils décideront de modifier le régime indemnitaire. Et les collectivités qui n’en ont pas n’ont aucune obligation d’appliquer la PFR. Cela laisse le temps de voir venir. En tout état de cause, "les collectivités vont attendre que la procédure d‘entretien d’évaluation professionnelle soit rendue obligatoire", déclare Geoffroy Adamczyk.

Comment évaluer les agents ?

Mais il pourrait être judicieux d'anticiper... "Dans les grandes collectivités, où les cadres sont nombreux, il faut avant tout un système lisible et transparent. Avec peu de niveaux pour que ça ne bloque pas la mobilité. Trois niveaux de cotation pour chaque part, c’est suffisant. On évite ainsi de créer des freins à la mobilité", explique Valérie Chatel. "Il ne suffit pas de remplir des montants, souligne Geoffroy Adamczyk. C’est un travail beaucoup plus lourd, qui nécessite de mettre en place des prérequis managériaux. Ce qui est beaucoup plus compliqué."
Organigrammes, fiches de poste, répertoire des métiers, entretiens d’évaluation, tous ces outils doivent être en ordre de marche pour mettre en oeuvre la PFR. S’agissant de l’entretien d’évaluation, certaines collectivités envisagent de dissocier l’entretien destiné à l’attribution de la part résultats de la PFR et l’entretien annuel d’évaluation. En effet, "l’introduction d’enjeux liés à la rémunération risque de 'polluer' l’entretien annuel d’évaluation", explique Valérie Chatel.
Mais le plus compliqué est clairement le choix de critères d'évaluation les plus objectifs possibles. Ainsi,  les responsables de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise ont été bien embarrassés pour attribuer à la direction des ressources humaines une prime d‘intéressement collectif : seule la moitié des personnels ont contribué à l’objectif d’améliorer l’accueil des nouveaux arrivants. Quels critères, quels indicateurs, quels objectifs choisir ? Chacun devra s'atteler à trouver les moins mauvaises réponses possibles à ces questions.