Fonction publique territoriale - La précarité touche aussi les agents territoriaux
La précarité chez les agents des collectivités "n’est pas une fatalité", souligne le CSFPT dans un rapport que les représentants des employeurs et des organisations syndicales ont réalisé ensemble et adopté à l’unanimité, le 16 mars.
En 1987, le Père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, définissait la précarité comme "l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux" . Ce phénomène touche aujourd'hui la fonction publique territoriale, du fait que celle-ci est composée à 75% d’agents de catégorie C dont les revenus sont, par construction, les plus faibles. Mais, certains agents sont davantage concernés que d‘autres en raison de leurs conditions de recrutement. C’est un fait aujourd'hui bien identifié : les agents non-titulaires - qui représentent un agent territorial sur cinq – et les agents à temps non complet (aussi bien titulaires que non-titulaires) sont les plus vulnérables. Ils sont plus souvent présents dans les petites collectivités – celles-ci multipliant les contrats à temps non complet et les contrats aidés) et dans certaines filières (animation, social, petite enfance, culture). Les femmes sont en première ligne, parce qu’elles cumulent les facteurs liés à l’emploi à des facteurs externes, comme l’isolement et la charge des enfants dans le cadre des familles monoparentales.
Mais, de plus en plus ces dernières années, les difficultés financières touchent aussi les agents titulaires. En raison de l’importance des emplois à temps non complet, ou du coût du logement dans certaines régions. Cela se traduit par des cas de plus en plus nombreux de surendettement chez les agents et des difficultés à accéder au logement. Comme à Paris où le maire a découvert il y a quelques années que certains de ses agents dormaient dans leur voiture.
Revenir sur l’image d’un fonctionnaire "protégé"
Autre symptôme de cette précarité : de nombreux agents renoncent aujourd’hui à avoir une complémentaire santé. Ils étaient déjà nombreux à ne pas souscrire de garantie maintien de salaire. Or, pour les titulaires comme les non-titulaires, après trois mois de congé maladie, les agents se retrouvent à demi-traitement. "On ne peut plus s’en tenir à l’image d’un fonctionnaire 'protégé'", conclut le CSFPT.
Pour aider les agents à se loger, le conseil supérieur constate que "les marges de manœuvre" des employeurs sont "limitées". En revanche, ce n’est pas le cas dans le domaine de la gestion des ressources humaines, où un indispensable changement de pratiques est possible. La clé du succès tenant dans la mise en œuvre du statut de la fonction publique et au "volontarisme" des employeurs et des syndicats. Un certain nombre de bonnes pratiques, comme des plans de résorption de l’emploi précaire ont été mis en œuvre ici ou là, constate le CSFPT. Mais ils ont été initiés essentiellement dans les grandes collectivités alors que celles-ci offrent déjà le plus de prestations d’action sociale à leurs personnels. Mais quid des petites collectivités ? Il s’agit de développer ces initiatives, estime le Conseil supérieur, et de mener une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, de l’emploi et des compétences. L’objectif étant de prévenir l’usure physique des agents exerçant des métiers pénibles, lesquels sont exposés, plus que les autres, à la précarité.
Revoir les pratiques de recrutement
Enfin, selon le CSFPT, les pratiques de recrutement sont à revoir. Tout particulièrement celle du recours aux non-titulaires, devenue de loin le premier mode de recrutement : en 2009, 45% des agents recrutés dans la fonction publique territoriale étaient des non-titulaires ! Ces statistiques poussent le CSFPT à demander des mesures législatives et réglementaires, d’abord pour intégrer dans la FPT, sans concours, des agents non-titulaires de catégorie C en CDD. Et, ensuite, pour mettre en place un "dispositif pérenne" de titularisation des agents non-titulaires qui occupent des emplois permanents ou qui ont été recrutés pour des besoins temporaires. Soit un dispositif beaucoup plus large que celui qui est proposé par le gouvernement dans le cadre du protocole d’accord sur les non-titulaires issu des négociations de ce début d‘année et qui doit déboucher sur l’examen parlementaire à l’automne d’un projet de loi. Le CSFPT souhaite aussi une amélioration des conditions d’emploi des agents non-titulaires par la création d’"un cadre collectif qui s’impose aux employeurs territoriaux", de même qu’"un renforcement de leurs droits en matière de rémunération".
S’agissant des fonctionnaires, le CSFPT recommande que le traitement indiciaire "représente la part prépondérante de la rémunération", et qu’en même temps le régime indemnitaire reste "une part accessoire" de celle-ci. Le Conseil supérieur va à présent affiner ses analyses et ses propositions au sein des différentes formations spécialisées, sur la base du rapport.