Décentralisation - Comment les collectivités ont réussi à intégrer 90.000 agents TOS
Considérée avant le transfert par de nombreux agents comme une "sous fonction publique", la fonction publique territoriale a, en fin de compte, attiré en masse les agents techniques des collèges et des lycées, rappelle une étude réalisée à la demande du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Fin 2008, sur 83% des agents ayant exercé leur droit d’option : 61% avaient choisi d’intégrer la FPT, quand 22% avaient préféré être détachés pour une durée illimitée. Les personnels qui n’avaient pas formulé d’option ont été détachés d’office, le 1er janvier 2009. Largement plus favorable que celui de l’Education nationale, le régime indemnitaire proposé par les collectivités n'a pas été étranger à cette volonté d'intégrer la territoriale. Ceux qui ont fait ce choix ne le regrettent pas. Ils ont aussi pu, souvent, bénéficier de promotions et d’avancements de grade qu’ils obtenaient assez difficilement auparavant. Les efforts déployés par les collectivités pour accueillir au mieux ces personnels ont vite rassuré les plus inquiets. Les autres avantages, tels que l’accès à un comité d’œuvres sociales ou l’organisation de cérémonies festives - choses qui n'existaient pas dans l'Education nationale – ont fini de modifier le regard de ces agents sur la FPT. Par ailleurs, la plupart soulignent les facilités qu'offre une gestion de proximité beaucoup plus réactive et à l’écoute que le "gros appareil administratif " qui gérait avant leurs carrières. Grâce à toutes ces améliorations, "les agents ont le sentiment d’une reconnaissance de leur travail et des difficultés qu’ils rencontrent", conclut l’étude.
Des agents parfois "usés"
Pour en arriver là, les élus locaux - y compris ceux qui critiquaient le principe du transfert - se sont fortement engagés. Les services des ressources humaines, aussi, et leur tâche n’a pas été simple. Au départ, ils ont manqué d’informations sur les agents, et parfois ces informations transmises par les rectorats n’étaient "pas fiables". En prenant progressivement en main la gestion des TOS, plusieurs services des collectivités sont allés de surprise en surprise. Ainsi, certains ont découvert des "agents fantômes", qui étaient rémunérés par l’Education nationale, tout en restant chez eux plutôt que de "poser problème" au sein de l’établissement scolaire. Autre type de découverte : la précarité de nombreux agents, dont les contrats de travail de dix mois ont été reconduits, dans certains cas, jusqu’à onze fois. La situation la plus problématique a été souvent la santé des agents, particulièrement celle des agents d’entretien parvenus à l’âge de cinquante ans. Un responsable syndical les décrit comme "usés", "cassés", "abimés" et "en souffrance". Un état de fatigue qui cause des absences répétées. Les collectivités ont pris à bras le corps ces questions, en renforçant les formations et la prévention, en mettant en place des reclassements et des aménagements de postes ainsi que des politiques de résorption de la précarité. "Au total, il a fallu trois ans pour absorber les transferts", en déduit le représentant d’une collectivité.
Blocages
Si les choses sont aujourd’hui stabilisées, tous les problèmes n’ont pas été réglés. Au départ, l’existence d’une double autorité - celle du gestionnaire de l’établissement scolaire et celle du président du conseil général ou régional – a entraîné une certaine confusion. Elle pose encore question, lorsque des conflits internes mettent en cause le gestionnaire. Pour ces raisons, les collectivités et les agents souhaitent souvent le transfert des gestionnaires des établissements. Beaucoup de ces derniers ne seraient d’ailleurs pas hostiles à une telle évolution. En attendant, les gestionnaires témoignent parfois d'une certaine insatisfaction à l’égard des collectivités : ils jugent lourdes les procédures qui leur sont demandées et ne considèrent pas toujours pertinentes les démarches d’évaluation des agents qu’ils sont chargés de conduire. Une autre difficulté est liée au cadre d’emplois spécifique des personnels TOS. Demandé il y a cinq ans par les responsables syndicaux dans le but de protéger les "avantages acquis" des agents, ce cadre d’emplois est aujourd’hui considéré par les mêmes personnes comme "un frein à la mobilité et à la promotion". En effet, la question des perspectives de carrière données aux agents, en particulier aux cuisiniers des services de restauration, se pose. Certaines collectivités ont donc entamé une réflexion sur l’ouverture vers la catégorie B.
Toujours en ce qui concerne le statut, beaucoup d’agents regrettent les règles de la mobilité en vigueur à l’Education nationale, fondées sur l’ancienneté. Aujourd’hui, s’ils veulent changer de poste, ils doivent faire acte de candidature et se présenter devant un jury, ce qui peut leur donner le sentiment de "se vendre".
Mais "la principale difficulté du transfert" reste "financière", rappelle en quelques mots cette étude centrée sur les ressources humaines. Aucun doute sur un point : "Les compensations issues de l’Etat ne couvrent pas les dépenses engagées par les collectivités pour accueillir les nouveaux personnels".
Thomas Beurey / Projets publics