Etablissements médicosociaux - Un décret contourne la date butoir du 3 janvier 2015 pour les évaluations externes
Alors qu'une première mouture avait été présentée au début de l'été (voir notre article ci-contre du 9 juillet 2014), le décret repoussant, de facto, la date limite de réalisation des évaluations externes des quelque 25.000 établissements et service sociaux et médicosociaux (ESSMS) paraît finalement à quelques semaines de l'échéance du 3 janvier 2015. Un décret du 14 novembre 2014 précise en effet - selon la formulation de l'exposé des motifs - la "teneur du dossier pour le renouvellement de l'autorisation d'un ESSMS et [les] délais de communication du rapport d'évaluation externe aux autorités compétentes".
Ne pas casser la dynamique
Afin de ne pas casser la montée en charge de l'évaluation externe qui s'est manifestée ces derniers mois, le décret ne remet pas en cause la date limite du 3 janvier 2015. Mais il supprime les effets du non-respect de cette échéance, la rendant ainsi indicative et non plus coercitive. En principe, le renouvellement de l'autorisation d'un ESSMS est subordonné à la production du résultat de l'évaluation externe de la structure auprès de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation et la renouveler (préfet, président du conseil général ou directeur général de l'Agence régionale de santé). De même, la production de l'évaluation externe est en principe indispensable pour signer ou renouveler la convention tripartite.
Pour contourner cet obstacle, le décret du 14 novembre 2014 ne remet pas en cause le lien entre renouvellement de l'autorisation et évaluation externe. Mais il instaure, toujours de fait, un accord tacite de renouvellement de l'autorisation déconnecté de la production de l'évaluation externe. Pour cela, le décret renvoie, à travers l'insertion d'un nouvel article dans le Code de la famille et de l'aide sociale, sur l'article L.313-5 du CFAS. Celui-ci prévoit que "l'autorisation est réputée renouvelée par tacite reconduction sauf si, au moins un an avant la date du renouvellement, l'autorité compétente, au vu de l'évaluation externe, enjoint à l'établissement ou au service de présenter dans un délai de six mois une demande de renouvellement".
Autrement dit, tout ESSMS qui ne reçoit pas d'injonction de déposer une demande explicite de renouvellement de son autorisation voit celle-ci tacitement renouvelée. Le problème est que l'article L.313-5 du CFAS prévoit que la décision d'adresser une injonction à un ESSMS se prend "au vu de l'évaluation externe". Or, à la date du 3 janvier 2015, celle-ci sera manquante pour plusieurs milliers d'établissements et services...
Nécessité fait... décret
Si la construction juridique pour contourner l'échéance du 3 janvier 2015 semble ainsi quelque peu acrobatique, la décision des pouvoirs publics repose néanmoins sur des considérations de bon sens. Etant donné le retard pris dans la mise en œuvre des évaluations externes - et malgré l'accélération de ces derniers mois -, la date du 3 janvier n'était plus tenable, sauf à suspendre l'autorisation de fonctionner de plusieurs milliers d'ESSMS...
Le dernier pointage effectué par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (Anesm) montre en effet que 66% des ESSMS étaient engagés dans une démarche d'évaluation externe à la date du 30 septembre 2014 (voir notre article ci-contre du 24 octobre 2014). Et seuls 41% avaient effectivement achevé cette évaluation externe à cette même date. Il restait donc trois mois pour qu'environ 14.500 ESSMS fassent effectivement réaliser leur évaluation externe... Aussi la sagesse commandait-elle d'oublier l'échéance du 3 janvier 2015.
On peut toutefois se demander s'il n'aurait pas été plus simple de décaler cette dernière. Mais cela aurait sans doute risqué de reposer les mêmes problèmes lors des prochains renouvellements. La solution retenue permet, malgré ses faiblesses juridiques, de se libérer de ces dates butoirs, tout en permettant - à travers le renvoi sur l'injonction de demande de renouvellement - de traiter la situation des établissements ou services pour lesquels des doutes existent sur le fonctionnement ou la qualité du service rendu.
Prudent, le gouvernement a toutefois introduit, dans le décret du 14 novembre, un article prévoyant que "le rapport d'évaluation externe [...], accompagné le cas échéant des observations de la personne gestionnaire de l'établissement ou du service, est communiqué aux autorités compétentes [...] au plus tard le trentième jour suivant l'échéance des deux ans précédant la date du renouvellement de l'autorisation". Si le délai de deux ans avant la date de renouvellement pour réaliser l'évaluation externe figurait déjà dans le CFAS, il ne sera plus question désormais, pour les ESSMS concernés, de traîner pour le transmettre...
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : décret 2014-1368 du 14 novembre 2014 relatif au renouvellement des autorisations des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Journal officiel du 16 novembre 2014).