Environnement - Transition énergétique : les premières recommandations des groupes de travail

Trois groupes de travail sur les sept que compte le Conseil national du débat sur la transition énergétique viennent de remettre leurs premières conclusions. Celui chargé de réfléchir à la manière d'améliorer l'efficacité énergétique a présenté des mesures très concrètes. Dans le domaine du bâtiment, il préconise notamment le retour à un taux de TVA de 5% pour les travaux de rénovation, de réformer en profondeur le dispositif de diagnostic thermique et de mettre en place des dispositifs d'éco-conditionnalité dans la filière construction. Il soutient également l'idée de guichets uniques pour la rénovation et juge nécessaire d'élaborer une feuille de route à long terme pour rénover le parc immobilier. Il propose aussi un programme systématique de rénovation de l'éclairage public. En matière de transport, il propose de supprimer l'exonération de taxe sur l'énergie pour le kérosène sur les vols en Europe, de réduire les vitesses de circulation ou encore de mettre en place une contribution climat énergie. Mais certaines mesures sont loin de faire l'unanimité comme la mise en place d'un moratoire pour tout projet immobilier ou l'extension de l'obligation de rénovation énergétique à l'ensemble des bâtiments existants.

Plus d'ambition pour le solaire

Le groupe de travail énergies renouvelables, coordonné par Christophe Porquier (Association des régions de France), prône plus d'ambition pour le solaire en 2020. Une large majorité de ses membres préconise ainsi une fourchette d'objectifs de 15 à 25 GW d'ici là alors que les objectifs sont fixés aujourd'hui à 5,4 GW. Mais cela doit se faire "sans conflit d'usage des sols et sous réserve d'une étude d'impact socio-économique", a précisé le coordinateur du groupe qui a aussi présenté d'autres mesures par filière. Il propose ainsi de "doubler le fonds chaleur pour permettre d'atteindre les objectifs de chaleur renouvelable", de créer "un fonds de gestion durable de la forêt d'une centaine de millions d'euros par an pour augmenter l'offre de plaquettes issues de la forêt" et de "redynamiser la filière bois pour permettre la production de sous-produits valorisables d'un point de vue énergétique". Le groupe préconise également de "simplifier le Code minier pour les forages géothermiques de profondeur moyenne" (300 mètres) et de "sécuriser le régime juridique de la filière éolienne terrestre et offshore", l'éolien terrestre accusant un retard d'environ 3 GW fin 2012. En revanche, le développement de l'hydroélectricité et des agro-carburants est loin de faire l'unanimité au sein du groupe, les représentants des associations environnementales y étant franchement opposés.
D'autres mesures à caractère transversal ont été présentées. Pour Christophe Porquier, le développement des énergies renouvelables doit s'accompagner de "deux principes forts" : "la stabilité des cadres réglementaires et la lisibilité des mécanismes de soutien dans le temps". Le groupe de travail demande notamment d'harmoniser les objectifs locaux et nationaux, faisant valoir qu'il existe aujourd'hui "un écart important" entre les objectifs des schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) et des programmations pluriannuelles des investissements (PPI) de production d'électricité, de chaleur et de gaz. Enfin, son rapport préconise de "faire de la fiscalité écologique un levier de développement des énergies renouvelables". Deux mesures font l'objet d'un consensus : un taux de TVA à 5% pour le bois-énergie (applications thermiques et micro-génération) et "l'homogénéisation de l'Ifer (impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux) pour les installations d'énergies renouvelables, sur une base claire et objective, éventuellement en euros par MWh plutôt qu'en euros par MW". Autre mesure à recueillir un large assentiment au sein du groupe : l'élargissement et/ou la redéfinition de l'assiette de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).
Le groupe préconise en outre une simplification des démarches administratives. Notamment en méthanisation, il s'agirait de ne demander aux porteurs de projets qu'un seul et unique dossier à déposer auprès des banques et gestionnaires de réseaux. Le député Denis Baupin (EELV, Paris) a proposé que les énergies renouvelables soit un "chantier prioritaire" du "choc de simplification administrative" voulu par le gouvernement.
Pour favoriser le développement et l'adaptation des réseaux électriques à accueillir la production décentralisée des énergies renouvelables, le groupe propose "d'établir une valorisation financière du service rendu par les capacités de stockage, dont les Step (stations de transfert d'énergie par pompage) ou équivalent". Il considère également "important d'assurer une transparence des coûts de réseau liés au développement des énergies renouvelables". Autre proposition notable : promouvoir l'investissement citoyen et la participation des collectivités dans les projets d'énergies renouvelables.

Renforcer les compétences des territoires

Le groupe de travail sur la gouvernance a pour sa part formulé un certain nombre de propositions concernant directement les compétences des collectivités. Il souhaite ainsi étendre à l'énergie "le droit à l'expérimentation" permis par la loi "en veillant toutefois à tenir compte des risques de désoptimisation du système énergétique français". Il souhaite aussi "décentraliser la mise en œuvre de la transition énergétique en renforçant les compétences des territoires" autour de "trois grands outils" : le SRCAE, le plan climat énergie territorial (PCET) et le plan climat énergie patrimoine et service (PCEPS). Le premier doit être "co-construit avec l'ensemble des acteurs, sous la responsabilité du président du conseil régional, en associant les services de l'Etat, dans le cadre d'une conférence régionale de la transition énergétique", affirme le rapport du groupe. Il préconise une couverture totale du territoire national par les PCET, "sans superpositions" et recommande la "mise en cohérence" avec les "autres documents structurants du bloc communal (PDU, PLU, PLH…)" – respectivement plan de déplacements urbains, plan local d'urbanisme, plan local de l'habitat. SRCAE et PCET devront comporter des "volets économiques" portant sur "le développement local, les coûts (engendrés et évités), la place des entreprises de tailles et natures différentes, le monde agricole, la formation, la recherche…". Des "pactes industriels" avec le monde économique pourraient être inscrits dans les PCET "afin de donner de la visibilité, des garanties" à long terme aux engagements de l'Etat et des collectivités. Quant au PCEPS, il devrait être mis en place par "toute collectivité quelle que soit sa taille", "pour les services et bâtiments directement sous sa responsabilité".
Le groupe de travail propose également de "rendre possible la définition de critères d'efficacité énergétique dans les documents d'urbanisme pour permettre aux collectivités territoriales de s'assurer de la bonne application des normes techniques applicables aux bâtiments". Autre proposition : "organiser la détection et l'action dans la lutte" contre la précarité énergétique "par des dispositifs de repérage des ménages potentiellement concernés, suivis d'actions d'information sur les économies d'énergie et d'accompagnement vers les programmes d'amélioration thermique des logements". Ces derniers devraient être organisés autour des départements. Le groupe de travail propose aussi la "création d'une obligation de service public de gestion de données de consommation" dans le cadre des concessions d'électricité et de gaz afin de faciliter le ciblage et la "priorisation" des actions des collectivités territoriales en matière d'énergie. La future loi sur l'énergie "doit préciser les modalités de fourniture des données énergétiques des opérateurs, notamment les pétroliers, aux collectivités" pour la conduite de leur politique de transition énergétique, insiste-t-il.
Le groupe de travail a par ailleurs fait des propositions en termes de participation et d'information du public. Il faudrait ainsi selon ses participants "renforcer les CCSPL [commissions consultatives des services publics locaux] en généralisant leur mise en œuvre à toute forme de service public local (…) en abaissant, voire en suppriment les seuils démographiques actuellement prévus pour déclencher leur création". Il juge aussi nécessaire d'accorder "un statut légal aux EIE [espaces info énergie] afin d'assurer une bonne couverture du territoire et de pérenniser leur financement".

Anne Lenormand avec AEF Développement durable

Les "cahiers d'acteurs" en ligne
Un document daté d'avril 2013 mis en ligne sur le site du ministère de l'Ecologie rassemble les contributions des différents acteurs du débat national sur la transition énergétique. On y trouve notamment les propositions des grandes associations d'élus. Outre celles de l'Association des maires de France (voir ci-contre notre article du 5 avril 2013), y figurent celles de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), de l'Assemblée des départements de France (ADF), de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf) et de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), de l'Association des régions de France et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
 

 

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