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Environnement - Electricité renouvelable : des objectifs 2020 difficilement atteignables pour les principales filières

"Pour trois des filières renouvelables les plus importantes du pays (hydraulique, biomasse solide et éolien), la réussite des objectifs nationaux fixés à fin 2020 est incertaine, voire très incertaine", estime l'Observatoire national des énergies renouvelables (Observ'ER) dans l'édition 2012 de son baromètre des énergies renouvelables électriques en France, qui vient d'être publié avec le soutien de l'Ademe. Deuxième source de production électrique du pays et première source d'électricité renouvelable, l'énergie hydraulique a un rôle déterminant à jouer dans la réalisation des objectifs 2020.  La filière, qui totalise 25.400 MW de puissance installée reliée au réseau fin 2011, fait actuellement face à de nombreux changements (modification des contrats d'achat, renouvellement des concessions, classement des cours d'eau) et l'atteinte de l'objectif 2020 (28.300 MW) "dépendra de la réussite de la relance de la filière petite hydraulique", souligne Observ'ER.
L'observatoire note aussi que depuis deux ans, la progression de l'éolien en France marque le pas et le retard sur les objectifs affichés pour la filière s'amplifie. La puissance installée, sur terre uniquement puisque le développement de l'offshore a pris du retard, s'établit à 7.271 MW à fin septembre 2012 pour un objectif de 19.000 MW en 2020, plus 6.000 MW en mer. Dans ce domaine, souligne le rapport d'Observ'ER, "les lauréats de l'appel d'offres de début 2012 commencent à entrer dans l'opérationnalité mais les premiers MWh ne sont pas attendus avant 2018". Pour l'éolien terrestre, "l'empilement des procédures administratives" est considéré comme le principal blocage. Mais d'autres facteurs expliquent le ralentissement du secteur : hausse du nombre des recours contre les parcs et contre les zones de développement de l'éolien (42% des projets touchés en 2011 contre 35% en 2009), augmentation des délais de raccordement du fait du manque de capacité d'accueil des réseaux électriques, difficultés de financement liées à la crise économique). Observ'ER constate que la répartition géographique des nouvelles installations éoliennes sur le territoire national est assez équilibrée. "Les capacités ont augmenté dans treize des vingt-deux régions métropolitaines au cours des trois premiers trimestres 2012, indique l'étude. La répartition territoriale du parc reste très proche de la situation de la fin de l'année 2011 avec cinq régions dotées de plus de 650 MW chacune, qui concentrent à elles seules 56% du parc total installé (Champagne-Ardenne, Picardie, Bretagne, Lorraine et Centre)." Champagne-Ardenne a encore accentué son avance en dépassant pour la première fois le seuil des 1.000 MW et la Bourgogne a vu son parc augmenter de 50%. A l'inverse, les sept régions métropolitaines qui possèdent moins de 50 MW chacune et les quatre DOM totalisent moins de 3% du parc total.
Pour la filière déchets et biomasse solide, Observ'ER juge aussi que la réalisation de l'objectif 2020 (1,2 Mtep) est très incertain. Sur la base des chiffres 2011 des deux filières (3.771 GWh, soit 0,32 Mtep), il faudrait ainsi multiplier par près de quatre la production électrique au cours des neuf prochaines années. "Malgré une double politique associant appels d'offres et contrats d'obligation d'achat, le nombre de centrales électriques à partir de biomasse ne décolle pas, souligne le baromètre 2012. Le potentiel de développement sur réseaux de chaleur est important mais les dispositifs de soutien en place sont peu adaptés à la taille de ces projets". La puissance installée dans ce secteur était de 177,7 MW au 1er juin 2012. Quant à la production d'électricité renouvelable issue du parc français d'incinérateurs de déchets, elle a atteint 2.213 GWh en 2011. "Le parc des sites actuels français d'incinérateurs présente un potentiel intéressant, à condition d'améliorer nettement l'efficacité énergétique des unités", estime Observ'ER.
Du côté de la géothermie, des énergies marines et du solaire à concentration, "l'atteinte des seuils ambitionnés est encore possible mais les enjeux énergétiques ou économiques de ces filières sont davantage à long terme", souligne l'observatoire. Pour le biogaz, l'objectif 2020 peut aussi être atteint. "Le potentiel électrique issu de la méthanisation se concrétise notamment par de nouvelles installations dans le segment du biogaz agricole et de la méthanisation des déchets ménagers, relève le baromètre. Pourtant, l'avenir du secteur n'est pas totalement sécurisé. Les tarifs d'achat sont encore jugés trop faibles, alors que les niveaux d'aides régionales sont à la baisse." Reste le cas atypique du photovoltaïque. "En 2011, le secteur a battu des records de raccordement de puissance au réseau électrique alors que, dans le même temps, son marché national chutait fortement en termes de ventes de nouvelles installations et que des emplois étaient détruits", remarque l'observatoire. Selon lui, son objectif de développement sera atteint sans difficulté, le seuil visé n'étant pas ambitieux comparé au potentiel de la filière.
"Pour les années à venir, le plus inquiétant est de voir la pression financière se durcir au risque de voir définitivement s'opposer compétitivité et environnement, alors que le 'green business' est un des rares secteurs qui puissent contribuer au retournement de la conjoncture économique", conclut Observ'Er, qui voit cependant deux points positifs pour l'avenir. Les 17 schémas régionaux climat-air-énergie détaillés dans le baromètre traduisent selon lui le volontarisme des territoires en matière d'énergies renouvelables. Par ailleurs, le débat actuel sur la transition énergétique devrait déboucher sur des décisions à même de relancer la "dynamique française renouvelable".

Anne Lenormand

Biomasse : une nouvelle donne énergétique pour Metz

Construite en 1961, la centrale de Metz-Chambière vient de s'offrir une importante cure de jouvence en mettant en service le 1er janvier 2013 une chaudière à biomasse qui la classe d'emblée au tout premier rang en France dans sa catégorie. Il s'agit en effet d'une installation de cogénération pure (production simultanée d'électricité et de chaleur) fonctionnant désormais à plus de 60% à partir d'énergies renouvelables. La centrale, exploitée depuis l'origine par UEM, première entreprise locale de distribution indépendante en France dans le domaine de l'électricité*, utilisait auparavant du gaz, du charbon et, depuis les années 70, la vapeur provenant de l'usine d'incinération de déchets ménagers située à proximité. La chaudière à biomasse lui permet de franchir un cap décisif vers une nouvelle donne énergétique. La centrale se compose désormais d'une chaudière d'une puissance thermique de 45 MW, produisant de la vapeur à partir de plaquettes de bois, et d'une turbine à contre pression d'une puissance de 9,5 mégawatts électriques (MWe). Sa production d'électricité peut ainsi atteindre 44 millions de kWh par an, soit la consommation de 10.000 ménages. La vapeur résiduelle est recédée au réseau de chauffage urbain qui alimente l'équivalent de près de 20.000 logements par an et dessert de nombreux bâtiments industriels et tertiaires (Centre Pompidou de Metz, palais des sports, stade Saint-Symphorien, Orchestre national de Lorraine, etc.). Le système de cogénération permet un rendement énergétique de la centrale de 80% contre un maximum de 40% pour une grande centrale de production fonctionnant au combustible nucléaire, au fioul ou au charbon.  Pour le consommateur final, l'installation de la nouvelle chaudière à biomasse a aussi entraîné une baisse du  prix moyen du chauffage urbain de 2 à 3%.
Outre le fait de présenter un bilan carbone neutre pour l'environnement, elle permet aussi de privilégier les ressources naturelles locales en mobilisant la filière du bois régionale. Les 100.000 tonnes de plaquettes nécessaires au fonctionnement de la centrale proviennent à 68% de copeaux de bois issus de l'exploitation forestière et collectés dans un rayon de 100 km autour de Metz. Les centres de tri de déchets fournissent aussi du bois de récupération (20% de l'approvisionnement) et les scieries des écorces et autres résidus (12% de la biomasse). La construction de la nouvelle chaudière a nécessité deux ans de travaux et 50 millions d'euros d'investissement. Selon UEM, la récupération de la biomasse est aussi bénéfique pour l'emploi local. Une cinquantaine d'emplois (débardeurs, transporteurs…) dépendent ainsi de la filière d'approvisionnement.

A. L.

*Ancienne régie municipale, UEM a été transformée le 1er janvier 2008 en société d'économie mixte détenue à 85% par la ville de Metz et à 15% par la Caisse des Dépôts.

 

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