Transports - Schéma national des infrastructures de transport : le Cese rend son avis
L’exercice était délicat. En effet, l'avis présenté ce 28 février par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) arrive comme en fin de course, après ceux successivement rendus par les sénateurs (il y a un an), les députés de la commission des finances de l'Assemblée nationale (en mai dernier) et plusieurs organisations dont l'Assemblée des communautés de France (ADCF), la CGT, le Medef ou encore France nature environnement. Tout comme eux, les deux rapporteurs du projet d'avis, Sébastien Genest et Pierre-Jean Roze, reconnaissent que le schéma national des infrastructures de transport (Snit) est en cohérence et réaffirme même les objectifs du Grenelle de l'environnement. Ils apprécient qu’il s’inscrive dans une perspective de long terme, tout en prévoyant des mesures dont la mise en oeuvre est prévue dans des temporalités différentes, "soit dans des délais très courts, soit à l’horizon 2020, voire davantage". Surtout, le Cese plébiscite la méthode qui a prévalu et accompagné son élaboration. Entamé en 2010 et poursuivi en 2011, le processus de concertation qu’il a nécessité fut long et progressif. Ce qui contraste avec les documents de programmation antérieurs, tels que le schéma auparavant défini par les comités interministériels d’aménagement du territoire (Ciadt). Pour le Cese, cela "constitue un progrès considérable de méthode, en ce qu’elle permet aux élus, aux collectivités locales et aux diverses composantes de la société civile de faire connaître leurs besoins et de donner leur appréciation du document en construction, en obtenant dans certains cas des évolutions de celui-ci".
Un schéma non sans défauts
Le Cese pointe aussi les limites du projet de schéma. S’il est ambitieux en termes d’objectifs, notamment environnementaux, la concrétisation de ces derniers n’est pas avérée : "La déclinaison concrète des projets n’apparaît pas à la hauteur des défis posés." Ainsi, le problème du financement, véritable serpent de mer qui plombe la notoriété du Snit, n’a pas échappé aux rapporteurs. Ils notent pour leur part que "les moyens sont renvoyés à une phase ultérieure alors qu’en réalité, ils conditionnent l’effectivité des projets". Et craignent que la réalisation concrète des projets se fasse sur le dos des collectivités, du fait du désengagement de l’Etat et du niveau d’endettement de grands opérateurs comme Réseau ferré de France (RFF). En ce sens, le Cese incite à une certaine prudence lors du choix des projets et à les prioriser en commençant par "les plus utiles", "en étalant leur réalisation dans le temps". Le tout "en fonction de critères bien établis - et non en fonction de la faculté contributive des collectivités" - et en "dégageant des modes de financement nouveaux et en consolidant les moyens affectés".
Car ce schéma s’annonce coûteux : l’investissement total prévu est de 260 milliards d'euros sur 25 ans. Ce chiffrage ne comprend pas les investissements prévus pour le Grand Paris ni ceux à engager dans les transports collectifs dès lors qu'ils relèvent principalement des collectivités. S’ils y étaient intégrés, le Cese estime que le chiffrage atteindrait 317 milliards d'euros, voire plus si l’on tient compte des dépenses à engager dans certains projets ferroviaires (Barreau est-ouest), routiers, aériens et dans les autoroutes de la mer. Ainsi, il considère que "pour rendre effective la réalisation des infrastructures et atténuer les risques de report ou d’abandon au gré des exercices budgétaires de l’Etat, il est indispensable que des ressources pérennes soient préservées, étendues". Hormis le recours aux partenariats public-privé (PPP), dont il pointe les limites, il recommande de mettre en place au niveau national une épargne dédiée et d’utiliser au maximum le levier de la taxe poids lourds pour alimenter les caisses de l’Etat et des collectivités.
Force de proposition
Plus que des critiques, le Cese formule essentiellement des propositions. Pour assurer un réel suivi de la mise en oeuvre de ce projet de schéma, il n’hésite pas à proposer que cette mission lui soit confiée. Dans ce projet, un diagnostic fait selon lui défaut, celui de "la situation actuelle du transport en France, de l’adéquation du réseau à la demande, sur le plan quantitatif et qualitatif". Pour arbitrer entre les priorités, le diagnostic sur l’état des réseaux d’infrastructures "mériterait d’être approfondi". Les scénarios de mobilité sur lesquels se fonde le schéma gagneraient à s’enrichir de l’hypothèse d’une flambée du coût du pétrole et de son impact sur les modes de transport. Il manque aussi à l’appel un chiffrage consolidé de l’ensemble des réductions de CO2 que permet ce projet et une évaluation plus complète de ses impacts sur la biodiversité et l’artificialisation des sols. Pour réduire ces impacts, le Cese préfère que l’accent soit mis sur l’entretien, la modernisation de l’existant. Dans les nouveaux réseaux créés, la haute qualité environnementale (HQE) reste à mettre en avant. En prise sur l’aménagement du territoire, ce projet de schéma a tendance à tourner le dos aux mobilités de proximité. Son articulation avec les schémas régionaux de transport est à renforcer. Tout particulièrement pour dépasser la double approche du schéma - qui raisonne soit à l’échelle nationale soit à l’échelle de chaque projet - sans qu'il soit imaginé un échelon de programmation intermédiaire.