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Transports - Les élus pointent le manque d'ambition du Snit

Les députés de la commission du développement durable viennent d'auditionner le secrétaire d'Etat Thierry Mariani sur le schéma national des infrastructures de transport. Un échange tonique... tant les élus, au-delà même des enjeux pour leurs propres territoires, peinent à identifier les véritables orientations de cet avant-projet de document pourtant stratégique.

Le schéma national des infrastructures de transport (Snit) n'a pas fini de faire parler de lui. Après les sénateurs à la mi-février (voir article ci-contre), c'était au tour des députés d'interroger ce 1er mars en fin de journée Thierry Mariani, secrétaire d'Etat aux transports, sur cet avant-projet de stratégie à long terme. Réunis par commission du développement durable et de l'aménagement du territoire - efficacement emmenée par Serge Grouard, député du Loiret et maire d'Orléans -, une dizaine de députés ont affûté leurs questions, tant sur l'aspect national voire transfrontalier du document que sur les enjeux typiquement locaux qu'il soulève.
Ainsi Philippe Boënnec, député de Loire-Atlantique, a fait part de son inquiétude de ne pas voir inscrit au schéma les projets d'autoroute des estuaires et de franchissement de la Loire, qu'il juge cruciaux pour son territoire. Réponse du ministre : étant locaux, ces projets n'ont pas vocation à y figurer, ce qui ne signifie pas qu'ils soient négligés ou oubliés, les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) continuant à jouer leur rôle pour les financer. De même, Stéphane Demilly, député de la Somme, a rappelé l'importance du futur canal Seine-Nord Europe et obtenu des précisions sur l'état d'avancement du projet : son montage financier bute sur une dernière étape de négociation - la participation des conseils généraux d'Ile-de-France, à hauteur de 75 millions d'euros - mais "dès le début de semaine prochaine", une réunion interministérielle est prévue pour continuer d'avancer.

Sens des priorités

"En dehors du volet routier, ce qui manque au document, c'est un arbitrage clair et tranché entre les différents modes", a résumé Yanick Paternotte, député du Val-d'Oise et auteur de plusieurs rapports sur le secteur ferroviaire. "Le document reste amendable, c'est tout l'intérêt de le mettre en consultation", a rétorqué Thierry Mariani. Après la consultation du public qui se poursuit jusqu'au 20 mars, ce sera en effet au tour des conseils généraux et régionaux de s'exprimer, comme s'apprêtent à le leur demander les préfets. Certains députés ont demandé à ce que les villes dotées d'une gare puissent être également être saisies mais cela semble mal parti.
Serge Grouard regrette aussi le manque d'ambition de cet avant-projet. Une occasion semble à ses yeux ratée, celle d'"améliorer l'existant au lieu de créer sans cesse des infrastructures et de défigurer encore plus le paysage". Et l'élu de mettre en lumière un manque d'orientations nettement tracées pour l'avenir. Certes, l'accent est mis sur les projets grenello-compatibles et alternatifs à la route, mais l'assemblage est tel qu'il semble au final difficile d'y lire une quelconque rupture stratégique. "Au mieux, on perçoit une inflexion. Or pour dynamiser le rail français, qui a pris tant de retard, il en faut bien plus", a précisé Daniel Paul, député de Seine-Maritime. "Faut-il desservir plus de capitales régionales ? Continuer de développer à tout va les lignes à grande vitesse ? Dégager de nouveaux sillons pour le fret ? Nulle réponse n'est donnée par ce schéma et le flou est complet sur la desserte et le maillage des ports", a renchéri Marcel Bonnot, député du Doubs. On l'aura compris : les députés craignent que cet avant-projet dont ils saluent néanmoins l'existence n'ait pas, faute de poigne, la force d'entraînement escomptée.

Un schéma trop consensuel ?

A cette critique, le gouvernement répond par les mêmes arguments que lorsqu'on lui reprochait le manque d'ambition de la loi Grenelle 1 : c'est un document de stratégie et non de programmation. "Mais est-il réellement stratégique puisqu'il ne pas hiérarchise pas clairement les actions ?", met en doute Marcel Bonnot. "Si 70% des projets sont à terme réalisés, ce sera déjà une réussite. Et c'est l'implication projet par projet des collectivités qui va progressivement conduire à les hiérarchiser", répond Thierry Mariani.
Premiers financeurs des projets annoncés (37,3% sur l'ensemble, contre 32% pour l'Etat), les collectivités auront donc un rôle moteur pour décliner le Snit dans les territoires. Mais il faudra prendre garde à ne pas, sous couvert de concertation,  le diluer encore davantage et à aboutir à un patchwork sans cohérence. Pour maintenir le cap, voire y insuffler à rebours le "piment" qui lui manque, la tâche ne sera certainement pas aisée pour les services du ministère. D'autant plus qu'entre les différentes versions du schéma, même les parlementaires commencent visiblement à s'emmêler les pinceaux...