Transports - Les députés pointent la fragilité financière du Snit
Un schéma en pleine cohérence avec les grands enjeux du Grenelle de l'environnement mais souffrant de la faiblesse de son plan de financement et de l'absence de hiérarchisation des projets : tel est le principal constat dressé par Hervé Mariton, député UMP de la Drôme et rapporteur du budget transports, dans son rapport sur le schéma national des infrastructures de transport (Snit) examiné par la Commission des finances de l'Assemblée nationale le 18 mai.
Le Snit, rappelle-t-il, prévoit un investissement total de 260 milliards d'euros sur 25 ans - hors projet du Grand Paris -, dont 166 milliards d'euros de développement, mais "il ne peut s'agir que d'ordres de grandeur". L'Etat devrait contribuer à hauteur de 86 milliards (32,8%), les collectivités territoriales à 97 milliards, le solde devant provenir de Réseau ferré de France (RFF), de concessionnaires ou d'autres partenaires privés. Mais "la dépense totale qui résulterait de la réalisation intégrale du schéma excède de très loin les moyens de financement actuellement mobilisés au regard de la situation très contrainte des finances publiques et de la dynamique de croissance actuelle", pointe le rapport. Hervé Mariton considère que l'apport de partenaires privés "ne peut révolutionner les choses" même si l'économie des projets peut s'en trouver améliorée par des coûts de réalisation réduits et par une optimisation des recettes. Il constate surtout la "fragilité financière" du Snit et "regrette la part trop grande faite à la création d'infrastructures nouvelles au détriment de la régénération de l'existant".
Trop de nouvelles lignes ferroviaires
Le gouvernement a donné la priorité au ferroviaire dans ce schéma avec 145 milliards d'euros d'investissements (55,6% des dépenses totales prévues dans le Snit), dont 103 milliards consacrés au développement. Mais seule "une part mineure (...) pourra provenir des recettes d'exploitation". Du coup, les fonds publics devront être mobilisés "à concurrence de 45% à 90% des investissements", selon le rapporteur, d'autant que les prévisions de trafic sont généralement "trop optimistes". Hervé Mariton rappelle que même sur des lignes très fréquentées comme la LGV Paca, le taux de couverture des investissements par les recettes n'est que de 10%.
La surestimation du trafic est lourde de conséquences, insiste-t-il : "Elle conduit l'Etat à surestimer la rentabilité socio-économique d'un projet et donc les subventions apparentes ex ante" et "des hypothèses trop élevées amènent RFF à accepter le financement d'un projet qui peut s'avérer porteur de déficit chronique ex poste et donc être contraire au statut de l'établissement public". En effet, l'article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et au statut de RFF souligne que les projets d'investissement inscrits à son programme à la demande de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un organisme public local ou national ne peuvent être acceptés par RFF qu'à la condition que les demandeurs contribuent à leur financement par un concours financier "propre à éviter toute conséquence négative" sur les comptes de l'établissement public.
Avec 40 milliards d'euros prévus sur 20 ans, le rapport juge insuffisants les investissements prévus par le Snit pour l'amélioration du réseau existant alors que le simple prolongement des montants actuels représente une enveloppe de 65 milliards d'euros sur 25 ans. "Ces insuffisances font courir le risque d'un système ferroviaire à deux vitesses, avec d'un côté des lignes à grande vitesse performantes et toujours plus nombreuses et de l'autre côté un réseau de proximité ayant vocation à assurer les transports quotidiens souffrant de nombreux dysfonctionnements", souligne le rapporteur.
La dette de RFF et de la SNCF risque de s'aggraver
Autre crainte affichée : la situation financière du système ferroviaire, déjà bien précaire, pourrait encore se dégrader. Selon le rapport, la dette de la SNCF pourrait tripler en euros constants à 17,5 milliards et celle de RFF passer de 29,9 à 34,6 milliards, voire 43,3 milliards, en 2025. L'inquiétude est d'autant plus grande que le projet de la LGV Sud Europe Atlantique(SEA) "est celui qui a le plus fort taux de couverture des investissements par les recettes de péage" mais il rencontre des difficultés juridiques et financières. Le bouclage de son financement a plusieurs mois de retards et les collectivités sont de plus en plus nombreuses à renâcler. Quant à la contribution financière de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), il ne faut pas en attendre de miracle. Au vu de ses dépenses annuelles actuelles, il lui faudrait... 130 ans pour financer les projets du Snit, a fait remarquer Hervé Mariton. Et le milliard d'euros de recettes attendu de la taxe poids lourds est encore très hypothétique compte tenu des péripéties rencontrées dans sa mise en place.
Le rapporteur se montre moins sévère sur le volet routier du Snit. Il se réjouit que les projets de développement de routes aient été fortement réduits mais estime qu'il ne faut pas transiger sur la maintenance du réseau routier existant, soulignant qu'"en 2008, 16% des chaussées et 12% des ouvrages d'art du réseau routier national non concédé avaient un indice de qualité mauvais". Au regard des crédits actuellement consacrés à l'entretien du réseau routier national non concédé, le Snit évalue à 70 millions d'euros l'effort supplémentaire nécessaire à la remise à niveau des infrastructures les plus dégradées pour les inscrire dans une démarche d'entretien préventif. Mais pendant 7 ans, toutefois, souligne le rapport, l'effort devra être de 120 millions d'euros afin de rattraper le retard accumulé. Quant aux ouvrages d'art, l'effort supplémentaire est estimé à 10 millions d'euros.
La commission des finances de l'Assemblée nationale auditionnera la ministre de l'Ecologie sur le Snit le 14 juin prochain. Mais pour l'heure, le débat parlementaire sur le schéma n'est toujours pas programmé.