Archives

Habitat - Réforme des aides de l'Anah, les grandes lignes

Le conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) devrait adopter ce mercredi 22 septembre une réforme importante des aides à l'habitat privé. Conformément à la feuille de route dressée par le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, à la fin de l'année dernière (voir notre article ci-contre du 23 octobre 2009), l'objectif est de réorienter les aides au profit des propriétaires occupants et des zones rurales. En ville, la priorité sera donnée à la lutte contre l'habitat indigne et insalubre, au détriment des propriétaires bailleurs souhaitant obtenir des subventions pour de petits travaux. Le tout doit permettre de répondre aux enjeux du parc privé dans lequel vivraient aujourd'hui autour d'un million de locataires et un million de propriétaires aux ressources très faibles. Accessoirement, cette réforme vise aussi à réduire la voilure car, en dépit des 500 millions d'euros du grand emprunt destinés à lutter contre la précarité énergétique, le budget d'intervention de l'agence pourrait baisser sensiblement dans les années à venir.

Propriétaires occupants : priorité à la précarité énergétique et à l'adaptation au vieillissement

En 2009, les aides aux propriétaires occupants représentaient 28% des subventions distribuées par l'Anah. Ces crédits financent des travaux d'amélioration de l'habitat, c'est-à-dire ni des travaux d'entretien ni des travaux lourds, mais des travaux d'adaptation au vieillissement ou au handicap, de remplacement des canalisations en plomb, d'isolation, etc. L'objectif de la réforme est d'augmenter tant le volume global de ces aides (arriver à la moitié du total) que leur niveau moyen (passer de 2.700 euros à 3.500 euros par opération). A partir du 1er janvier 2011, ces subventions, toujours distribuées sous conditions de ressources (moins de 16.000 euros annuel pour un couple en province), seront calculées sur des plafonds d'opérations majorés. Les taux de ces aides ne changent pas - de 20 à 35% suivant les ressources du propriétaire pour une opération standard - mais le montant maximal des travaux sur lequel peuvent s'appliquer ces taux passe de 13.000 à 20.000 euros. Pour les situations d'habitat très dégradé, un plafond maximal de 50.000 euros est même prévu.

Si les travaux visent à lutter contre la précarité énergétique (propriétaire aux ressources modestes effectuant des travaux permettant une économie d'énergie d'au moins 25%, voir nos articles ci-contre), les propriétaires pourront bénéficier d'une bonification : les 500 millions d'euros du grand emprunt sur la période 2011-2017 (soit 60 millions d'euros par an) permettront d'ajouter une aide forfaitaire de 1.100 euros ou 1.600 euros dans le cas où une collectivité participe au financement des travaux. Le programme est ciblé plutôt sur l'habitat individuel (zones rurales ou périurbaines), mais ces bonifications pourront être distribuées sur l'ensemble du territoire à condition que soit conclu un "contrat local d'engagement contre la précarité énergétique" associant au moins une collectivité locale et l'agence. Ces contrats peuvent être signés par tous les niveaux de collectivités mais le niveau départemental semble privilégié : selon la directrice générale de l'Anah, Isabelle Rougier, le département pourrait constituer un "niveau intéressant de contractualisation" en raison de ses missions sociales (gestion du fonds de solidarité pour le logement, politiques de maintien à domicile et politique en faveur du handicap…). Quel que soit l'échelon, reste à savoir cependant si les collectivités auront les moyens de s'engager davantage en ce domaine : si un engagement fort sur des travaux d'amélioration de l'habitat peut éviter à moyen terme des dépenses sociales supplémentaires, à court terme, il faudra bien trouver les enveloppes correspondantes.

Propriétaire bailleurs : ciblage sur les opérations lourdes

Selon le principe des vases communicants, mettre plus sur les propriétaires occupants conduit à diminuer l'enveloppe affectée aux propriétaires bailleurs. La réforme vise à mieux cibler l'action de l'agence sur les situations les plus dégradées (habitat insalubre et indigne). En 2011, l'Anah ne subventionnera donc plus les petits travaux, exigera un diagnostic systématique du bâti avant toute intervention et rendra le conventionnement des logements obligatoire (obligation de limiter le montant des loyers pendant une période de six ans, ce qui n'était pas le cas jusque-là).

De plus, l'agence met en place une prime spécifique pour les propriétaires qui s'engagent à louer à des locataires aux ressources modestes (conventionnement social, moins de 25.000 euros annuels pour un couple en province ; ou très social, moins de 15.000 euros annuels pour un couple en province). Cette prime déclenchée par une aide d'un montant équivalent d'une collectivité territoriale, distribuée uniquement en zones tendues (définies comme celles où existe un écart de plus de 5 euros entre les loyers de marché et les loyers Anah) pourra être d'un montant maximal de 100 euros le m2 (dans une limite de 80 m2). Toutes ces aides seront soumises à l'atteinte d'un niveau de performance énergétique "E". Tous les propriétaires et les logements n'entrant pas dans ce cadre seront orientés vers des aides fiscales.

Et les Opah en cours ? 

Pour les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah) et les conventions de délégation en cours, le premier point à retenir est que la réforme s'applique au 1er janvier prochain. Tous les dossiers déposés avant cette date ne sont donc pas concernés par le nouveau système d'aides. Ensuite, les Opah déjà ciblées sur les propriétaires occupants et l'habitat indigne, insalubre ou très dégradé ne devraient pas être renégociées. En revanche, celles dans lequel un fort volet de "petits" travaux était prévu feront l'objet d'avenants. L'Anah proposera des "crédits d'ingénierie de transition" pour rendre le passage au nouveau régime aussi peu douloureux que possible. Mais il y aura nécessairement des perdants. Rappelant que les conventions d'Opah contiennent des objectifs dont le non-respect n'est pas sanctionné financièrement, Isabelle Rougier souligne cependant que l'agence n'est pas là "pour remettre complètement en cause les politiques locales de l'habitat". Mais, très clairement, il va falloir trouver, comme on dit pudiquement, des "marges de manoeuvre" : alors que l'agence a pu ces deux dernières années compter sur le plan de relance en complément des enveloppes du 1%, la fin du plan de relance associé à une baisse probable des enveloppes d'Action logement devrait rendre les années 2011 et 2012 plus délicates. En 2011, les capacités d'engagement de l'agence passeraient déjà à 471 millions d'euros (contre 538 millions en 2010, soit une baisse de 12%). Pour que ces baisses ne soient pas trop sensibles sur le terrain, il faudra un démarrage rapide du plan de lutte contre la précarité énergétique. Mais, en la matière, la balle est dans le camp des collectivités. Des compléments sur ce sujet dans notre édition de demain.

 

Hélène Lemesle

 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis