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Développement local - Réforme de la taxe professionnelle : un risque de décrochage des territoires en difficulté

"Les bénéficiaires de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont les territoires résidentiels ; il y a un risque de double peine pour les territoires déjà fragilisés." A l'image de Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération d'Orléans Val-de-Loire et président délégué de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), les communes se sont montrées très inquiètes des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur leur activité économique, à l'occasion d'un colloque organisé le 28 juin à Paris. La réforme prévoit la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par une contribution économique territoriale (CET) composée de cette CVAE et de la contribution foncière des entreprises (CFE). La première cotisation, CVAE, remplace la cotisation minimale de taxe professionnelle et s'applique à la valeur ajoutée produite par l'entreprise, tandis que la deuxième, la CFE, est calculée sur la valeur locative des biens immobiliers, passibles de taxe foncière, utilisés par l'entreprise pour les besoins de son activité. "Il y a un risque de décrochage des territoires les plus en difficulté et les moins apporteurs de valeur ajoutée, voire un risque de désertification d'une partie de notre pays, surtout s'il n'y a pas un niveau minimum de compensation", a ainsi souligné Luc Drevet, directeur général de la chambre régionale de commerce et d'industrie de Franche-Comté et de la chambre de commerce et d'industrie du Jura. Dans ce domaine, l'observatoire mis en place par l'AdCF et la Caisse des Dépôts, destiné à mesurer les degrés d'exposition des économies locales à la crise, met en évidence un phénomène net : ce sont les territoires les plus productifs qui ont davantage subi la crise économique et financière de 2008 et 2009. "Ils ont connu des performances inférieures à celles des territoires résidentiels et sociaux et sont beaucoup plus sensibles à la conjoncture économique", a ainsi précisé Laurent Davezies, professeur à l'université Paris-XII, estimant que ces conclusions allaient à l'encontre des idées reçues selon lesquelles ""il faut être productif". Des zones d'emploi, considérées comme "les grandes perdantes", qui représentent 2,8 millions d'emploi en 2007, soit 17% de l'emploi français. La nouvelle contribution étant basée sur la valeur ajoutée risque en effet de pénaliser à nouveau ces territoires qui ont déjà du mal à se remettre de la crise… Autre risque identifié par les communes : les maires et les intercommunalités vont être tentés de privilégier le bâti résidentiel au détriment de l'activité économique. "Aucune commune ne veut accueillir les activités d'enfouissement des déchets de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) sans retour de taxe professionnelle", a ainsi fait remarquer Geneviève Fioraso, députée de l'Isère et vice-présidente de Grenoble-Alpes Métropole chargée du développement économique. Et d'ajouter : "Je crains que ça n'accentue encore le rejet d'activités pas très attractives mais indispensables à la régulation industrielle. Il y a un rééquilibrage à opérer." Un rééquilibrage qui est normalement prévu dans le cadre de la clause de revoyure, qui permet de vérifier, commune par commune, le respect de compensation intégrale de la taxe professionnelle par l'Etat. "Avec la réforme, les communes ont deux solutions, soit elles bloquent les investissements, mais ce n'est pas vraiment souhaitable, soit elles réduisent les moyens consacrés aux politiques publiques comme le transport, la petite enfance, etc., explique à Localtis Loïc Cauret, président de la communauté de communes Lamballe communauté et vice-président de l'AdCF. La vraie solution consiste à mettre en route la péréquation, dans le cadre des clauses de revoyure." Mais sur ce sujet, de fortes inquiétudes persistent. "Je suis relativement pessimiste sur la clause de revoyure", a ainsi signalé Charles-Eric Lemaignen, tandis que Loïc Cauret se désespère du retard pris pour cette clause, qu'il considère comme "un mauvais signe". Le gouvernement devait en effet remettre avant le 1er juin 2010 un rapport sur l'impact de la suppression de la taxe professionnelle, qui n'a été remis que le 17 juin aux deux assemblées et qui sera complété par de nouvelles simulations actualisées à partir des bases fiscales 2010 à la rentrée seulement… Sur ce sujet, dans le cadre des débats sur la CET au Sénat ce 28 juin, Christine Lagarde, ministre de l'Economie, a proposé un débat à l'automne et "que les éventuelles modifications législatives soient intégrées à la loi de finances". "On aura alors des chiffrages plus précis, notamment à propos de la valeur ajoutée des entreprises", a-t-elle précisé.

Emilie Zapalski 

 

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