Finances locales - Réforme de la fiscalité locale : quels sont les gagnants et les perdants ?
Des territoires résidentiels, ayant des recettes fiscales faibles, vont à long terme plutôt bien tirer leur épingle de la réforme de la fiscalité directe locale, peut-on déduire d'une étude réalisée pour l'Assemblée des communautés de France (ADCF) sur la "nouvelle géographie fiscale et financière des ensembles intercommunaux". Ces collectivités situées principalement au nord-est et au sud-ouest disposent d'une base fiscale élargie, après la réforme engagée par la loi de finances pour 2010. L'affectation aux communes et communautés de bases nouvelles en matière de taxe d'habitation, en remplacement de la taxe professionnelle, leur offre globalement de meilleures perspectives fiscales qu'auparavant.
Mais ces territoires ne tireront pas forcément profit de la nouvelle donne dans les mêmes proportions puisque, dans les années à venir, la progression de leurs ressources dépendra de l'évolution des valeurs locatives et du revenu de leurs habitants.
Moins de recettes pour les territoires industriels
Au final, les principaux "gagnants" de la réforme sont les communes et communautés du littoral touristique. Ils bénéficient d'un surcroît de bases d'impôts des ménages, auxquelles sont attachées généralement des valeurs locatives élevées. A l'inverse, les zones très industrialisées ou "à vocation productive" (en Rhône-Alpes, dans la vallée de la Seine ou dans le Nord, ou encore dans les Bouches-du-Rhône ) et, "dans une moindre mesure", quelques grands centres urbains, voient leur base fiscale restreinte par la réforme fiscale. Une partie de leurs bases de taxe professionnelle a été remplacée par des dotations gelées.
"Une nouvelle géographie fiscale et financière est en germe", affirment les auteurs de l'étude, Françoise Navarre et Marie-Paule Rousseau, toutes deux chercheurs à l'université Paris-Créteil. Elle aurait pour "mérite" d'être moins "inégalitaire". "L'abondance qui valait dans les grands territoires productifs traditionnels (Nord, Est, littoral sud...) s'estompe", soulignent-elles.
Mais les rééquilibrages provoqués par la réforme seront très lents à aboutir : même gelées, les dotations de compensation contribuent à "cristalliser les répartitions inégales" des ressources. Aujourd'hui, les produits fiscaux des "ensembles intercommunaux" (un ensemble est constitué de la communauté et de ses communes) varient de 1 à 100 par rapport au produit fiscal moyen. La richesse est concentrée dans la frange alpine et dans certaines zones des Pyrénées (du fait en particulier des stations de tourisme d'hiver), dans certaines zones du littoral touristique, ainsi que dans la vallée de la Seine.
Accroître la solidarité à l'intérieur des communautés
L'idée qu'il faut par conséquent amplifier la redistribution des richesses entre les territoires riches et ceux qui sont défavorisés est partagée par une majorité d'élus locaux. Daniel Delaveau, président de Rennes métropole et de l'ADCF, et Dominique Pottier, président de la communauté de communes du Toulois, mettent en avant le nécessaire renforcement de la "solidarité intracommunautaire". Mais pour le premier, celui-ci passe par la création d'une fiscalité des ménages unique appliquée à l'ensemble des communes, alors que pour le second, une loi pourrait imposer de réduire les écarts de richesses à l'intérieur des communautés. Dans le même ordre d'idées, Eric Kerrouche, président de la communauté de communes Maremne Adour Côte Sud, suggère que les communautés contribuent davantage au partage de la richesse captée par certaines communes, lorsque celles-ci bénéficient de "situations de rente" (comme l'installation d'un péage autoroutier).
De son côté, Valérie Létard, présidente de la communauté d'agglomération de Valenciennes, se demande si pour renforcer le fonds de péréquation du bloc communal, il ne faut pas intégrer à celui-ci les 430 millions d'euros des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) qui sont redistribués par les départements. Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération d'Orléans, plaide quant à lui pour une harmonisation des critères des différents fonds de péréquation du secteur local afin que les uns n'annulent pas les effets des autres.
Thomas Beurey / Projets publics
La réduction des dotations aura un impact différent selon les territoires
La baisse des dotations de l'Etat à partir de 2014 sera ressentie plus durement par certains territoires, montre l'étude réalisée pour l'ADCF. Les "ensembles intercommunaux" du Massif central et de l'Ouest (à l'exception du littoral atlantique) sont particulièrement dépendants des dotations, indique l'étude (qui ne prend en compte que deux d'entre elles, la dotation forfaitaire des communes et la dotation de compensation de la part salaires). A l'opposé, dans la partie alpine, dans le couloir rhodanien et en périphérie francilienne, l'impact des réductions des dotations sera moindre. Une "mesure indifférenciée" de restriction des dotations ne ferait-elle pas alors courir le risque d'une remise en cause de la "cohésion territoriale" ? C'est ce que se demandent les auteurs de l'étude.
Le gouvernement a annoncé fin septembre une baisse des dotations de 2,25 milliards d'euros sur la période 2014-2015. Mais le choc devrait être plus rude, car il est prévu de faire participer les collectivités au financement du crédit d'impôt compétitivité emploi. Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales de la Direction générale des finances publiques, l'a confirmé, sans pouvoir préciser la proportion de l'effort demandé aux collectivités.
T.B.