Finances locales - Le monde rural, grand gagnant de la réforme fiscale ?
La réforme de la fiscalité locale va-t-elle "pénaliser" financièrement le monde urbain ? C'est ce qu'avance Alain Guengant, directeur de recherches au CNRS. Ce spécialiste des finances locales a développé ses analyses à l'occasion d'une rencontre organisée le 3 décembre à la Défense par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et Dexia.
A l'origine des bouleversements annoncés, la nouvelle assiette fiscale des groupements de communes qui, fondée notamment sur la valeur ajoutée et la taxe d'habitation, va profiter aux territoires résidentiels et accueillant des activités de services. Un autre facteur de l'évolution des finances des territoires durant ces prochaines années "dont l'importance a été sous estimée" : le taux unique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui viendra remplacer "la multitude de taux de TP" qui existait jusqu'à présent. Ce phénomène d'"égalisation" va jouer en faveur des communautés les moins intégrées en termes de compétences... donc des communautés de communes. A l'inverse, la réforme de la TP, qui "ignore complètement les différences liées au périmètre des compétences", va "pénaliser de manière durable toutes les communautés qui sont fortement intégrées", souligne Alain Guengant. Selon le chercheur, "70% des communautés de communes vont ainsi se retrouver en excédent de recettes fiscales". Certaines vont même recevoir "jusqu'à huit fois plus de recettes" qu'avant la réforme. A contrario, 65% des communautés d'agglomération et urbaines seront "en déficit de recettes fiscales".
Reversements de fiscalité
Certes, le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) compensera les baisses de recettes fiscales des territoires perdants (en particulier ceux qui accueillent majoritairement des industries). Mais ceux-ci vont connaître assez rapidement un "effet de massue", dans la mesure où ce fonds n'est pas indexé. A l'inverse, les territoires qui alimentent par leurs excédents le FNGIR vont connaître un "effet de levier".
Toutes ces tendances sont renforcées par la situation géographique des collectivités concernées, note Alain Guengant. Les perspectives de développement économique sont en effet évidemment variables d'une région à une autre : celles de l'arc atlantique et de l'arc méditerranéen sont supérieures à la moyenne nationale, tandis que l'arc des régions allant de la Normandie à la Franche-Comté connaît une croissance inférieure, l'Ile-de-France se situant à la moyenne.
Le nouveau contexte va obliger de nombreuses communautés à réviser à la baisse les sommes qu'elles redistribuent à leurs communes. Soit des montants très importants, évalués en 2009 pour les communautés d'agglomération et communautés urbaines à quelque 6,2 milliards d'euros, sur un budget global de 26,5 milliards d'euros.
La communauté d'agglomération de Niort, par exemple, a déjà négocié une baisse de 1,6 million d'euros des reversements aux communes au 1er janvier 2011 (ces reversements s'élèvent au total à 24 millions d'euros). Un chantier très délicat qui nécessite une forte volonté politique et une bonne dose de pédagogie, a témoigné Pierre Julan, directeur général des services de la communauté. Un diagnostic de l'état de santé des 29 communes membres de la communauté, réalisé par un cabinet, a par ailleurs facilité les discussions en les alimentant de données objectives.
Photographie des finances communautaires
L'annuaire financier et fiscal des agglomérations, présenté lors de la rencontre du 3 décembre, détaille les grandes tendances des comptes administratifs 2008 des communautés d'agglomération et des communautés urbaines. Il révèle qu'en intégrant les budgets annexes, les quelque 170 communautés d'agglomération existantes pesaient un budget total de 20,7 milliards d'euros. Si l'on exclut les reversements aux communes (5 milliards), leurs dépenses atteignaient donc 15,7 milliards, tous budgets confondus. Les dépenses d'investissement du budget principal s'élevaient à 4,4 milliards d'euros.
En 2008, la taxe professionnelle a connu une croissance moins forte (+ 3,6 %, contre 3,9 % en 2007). La fiscalité mixte (c'est-à-dire sur les ménages) restait une ressource relativement marginale. 18 communautés l'avaient instituée. Son produit, estimé à 45 millions d'euros, représentait 0,7 % du produit de la fiscalité directe des communautés.
L'annuaire financier et fiscal est le fruit d'une collaboration entre l'ADCF, Dexia et le cabinet Sémaphores.