Convention de l'ADCF - Appelées à une nouvelle étape, les communautés s'interrogent sur leur moteur fiscal
Il y a un an, pour sa 20e convention à Chambéry, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) encourageait le gouvernement et le législateur à aller loin sur le volet intercommunal de la réforme des collectivités. Un an plus tard, les débats parlementaires sont quasiment clos. Reste l'étape de la commission mixte paritaire, fixée au 3 novembre, qui ne devrait pas apporter d'évolution majeure sur l'intercommunalité. A l'occasion de la 21e convention, tenue du 13 au 15 octobre à Dijon, l'heure était donc au bilan.
Daniel Delaveau, président de Rennes métropole et de l'ADCF, s'est voulu positif, soulignant que "l'intercommunalité est la seule institution locale clairement renforcée par la réforme". Celle-ci, a-t-il ajouté, répond "à plusieurs de nos demandes". Mais, globalement, les élus n'ont pas fait preuve d'un enthousiasme débordant pour la réforme. "Notre déception est fondée sur l'absence d'une vision. Celle-ci était présente dans le rapport Balladur, mais on ne la trouve pas dans les textes", a déploré Daniel Delaveau, qui a conclu qu'"on aura besoin de remettre l'ouvrage sur le métier".
Globalement, la réforme concrétise les mesures de l'avant-projet de loi de modernisation et de démocratie locale (Modeloc) mis sur la table, en 2008, par le secrétaire d'Etat aux Collectivités locales, Alain Marleix. On se souvient que celui-ci avait dû garder son texte sur les étagères après la décision du président de la République d'ouvrir un chantier sur l'architecture d'ensemble des collectivités. Depuis, deux ans se sont écoulés. Durant cette période, le débat s'est très largement porté sur la création du conseiller territorial, au détriment de la concrétisation des mesures concernant le développement et le renforcement de l'intercommunalité.
"Des métropoles vidées de leur contenu"
Sur le volet intercommunal de la réforme, justement, le consensus est quasiment atteint. Certes, la possibilité pour le préfet d'imposer ses vues sur les contours des intercommunalités continue à en inquiéter quelques-uns. Mais la mesure du projet de loi qui donne la priorité aux élus locaux, lorsque ceux-ci s'entendent à la majorité des deux tiers, a apaisé les esprits. Sur la question de la composition des conseils communautaires, sensible il y a un an, la possibilité rendue aux communes de passer un accord entre elles satisfait presque tout le monde. Enfin, la date d'achèvement de la carte intercommunale constitue une pierre d'achoppement entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Mais l'écart entre leurs souhaits n'est que de trois mois.
Le législateur n'a-t-il pas en fin de compte réussi globalement à dégager un consensus sur l'intercommunalité en sacrifiant les dispositions les plus discutées de la réforme ? L'ADCF ne cache pas, pour prendre l'exemple des métropoles, que celles-ci ne sont plus, selon elle, que des "coquilles vides". L'association a dû renoncer aux espoirs qu'elle formait sur ce volet de la réforme. On notera que le ministre de l'Aménagement du territoire, présent à la convention de Dijon, a rendu le même avis. Et devant des journalistes, Michel Mercier a pronostiqué que les pôles métropolitains allaient dans les prochaines années prendre une dimension notoire, sans doute à ses yeux plus importante que celle des métropoles, contrairement aux objectifs de départ.
L'élection au suffrage universel direct des représentants intercommunaux sur les listes des candidats aux municipales à partir de 2014 aura, reconnaît-on quand même à l'ADCF, des conséquences majeures en faisant évoluer la nature de l'intercommunalité. Elles va entraîner l'apparition des oppositions politiques dans les assemblées communautaires. En outre, l'élection devrait favoriser l'émergence d'un débat sur le projet intercommunal lors des campagnes municipales, ont estimé plusieurs responsables de l'ADCF.
Elections à la communauté : aller plus loin ?
Mais le président du mouvement a considéré que le scrutin retenu pour 2014 n'était qu'une étape. Etant donné les nombreuses compétences exercées aujourd'hui par les communautés et le volume des impôts qu'elles vont lever sur les ménages, il faudra selon lui, à terme, que les représentants intercommunaux soient élus séparément des conseillers municipaux, au sein d'une circonscription intercommunale. Sinon, "l'intérêt communautaire ne sera jamais plus que l'addition des intérêts communaux", a complété Gérard Gouzes, président de la communauté de communes du Val-de-Garonne. La salle a applaudi. 42% des 300 présidents de communautés interrogés par sondage, le 13 octobre lors de l'assemblée générale de l'ADCF, soutiennent cette idée. Parmi ceux-ci, 27% souhaitent que les conseils communautaires soient composés pour partie de représentants des communes élus lors des élections municipales et pour une autre partie de représentants élus directement à l'échelle intercommunale - une proposition plusieurs fois citée lors des débats. En outre, 19% prônent l'élection directe du président de la communauté. Mais, pour 53% des présidents de communautés, il ne faut pas aller si loin, sinon on signera l'acte de décès de la commune.
La réforme fiscale passe difficilement
Avec l'entrée en vigueur du suffrage universel en 2014, ce sont également très largement les nouvelles ressources fiscales assises dès 2011 sur la taxe d'habitation qui vont changer la nature des relations entre les communautés et les citoyens. Avec des conséquences pas toujours évidentes, puisque les communautés devront assumer "l'impopularité" des hausses d'impôt, ont souligné certains élus.
En matière de fiscalité, les témoignages ont révélé, par ailleurs, l'ampleur des problèmes techniques soulevés par la loi de finances pour 2010, qui exigent aujourd'hui des ajustements législatifs ou réglementaires. En outre, les élus des territoires industriels ont rappelé que la proportion de leurs ressources fiscales dans leur budget a fondu. Ils se sont réellement interrogés sur l'intérêt qui existe aujourd'hui à accueillir de nouvelles industries, tant la fiscalité est, selon eux, peu incitative. D'une manière générale, les élus ont du mal à accepter la suppression de la taxe professionnelle, qui, a rappelé Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF), "a été, pendant trente ans, le carburant de la décentralisation". Les édiles opposés à la politique du gouvernement ont carrément décrié la réforme. Charles-Eric Lemaignen, président de la communauté d'agglomération d'Orléans, a tenté de la défendre, la jugeant "globalement très bonne", mais ce fut sous les sifflets d'une partie de l'assistance. La confirmation par Michel Mercier que le gouvernement déposera très prochainement un amendement au projet de loi de finances pour 2011 afin d'apporter des solutions à la question des abattements communautaires de taxe d'habitation (voir notre article du 14 octobre ci-contre) n'aura visiblement pas suffi à calmer les esprits.
Thomas Beurey / Projets publics, à Dijon
Les communautés urbaines aussi...
Les seize communautés urbaines souffrent particulièrement du gel des dotations aux collectivités et de la réforme de la taxe professionnelle, selon leurs représentants eux aussi réunis jeudi et vendredi, mais à Toulouse. Les 38e journées nationales de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf), présidée par le maire de Lyon, Gérard Collomb, et dominée par des villes de gauche, ont évidemment été l'occasion de contester ces mesures.
"La réforme de la taxe professionnelle nous a déjà privés de 800 millions d'euros de recettes [...], le gel des dotations représente une perte à population constante pour nos communautés dont la population croît", a notamment déclaré le délégué général Olivier Landel, dans son rapport introductif. "Quand on voudra 100 euros de financement nouveau, il faudra demander 80 aux habitants et 20 aux entreprises alors qu'auparavant, avec la taxe professionnelle, c'était 50-50. Il va falloir revoir nos ambitions à la baisse", a expliqué le président délégué de la communauté urbaine de Toulouse, Claude Raynal, en marge de la séance.
"A paysage fiscal inchangé, on va dans le mur", a pour sa part lancé le président de la communauté urbaine de Dunkerque, Michel Delebarre, relayé par Pierre Cohen, président de la communauté urbaine de Toulouse, proposant de "réagir ensemble à l'attaque frontale" contre les collectivités.
"Je suis pour qu'on réfléchisse ensemble", a prudemment répondu Jacques Pélissard, président de l'AMF, invité des journées de l'Acuf, tandis que son homologue de l'Association des départements de France, Claudy Lebreton, se prononçait pour des "états généraux de la décentralisation et de la fiscalité". "Nous pourrons ensuite négocier avec le gouvernement, quel qu'il soit", a-t-il ajouté en soulignant la nécessité d'"un lieu où toutes les collectivités puissent parler ensemble".
D'après AFP