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Finances locales - Conséquences de la suppression de la "TP" : les craintes des élus locaux confirmées

Bercy a présenté ce 6 novembre au Comité des finances locales les principales conclusions d'un rapport sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et de la redistribution des impôts des ménages entre les différents niveaux de collectivités. Les élus locaux s'inquiètent pour les territoires industriels, qui sont aujourd'hui largement dépendants des dotations de l'Etat.

Un nouveau rapport sur la réforme de la fiscalité locale mise en oeuvre en 2010, vient conforter les élus locaux dans leur opinion très négative de cette réforme s'agissant des effets qu'elle a eue pour les finances des collectivités. Ce rapport du gouvernement porte officiellement sur "les conséquences de la réforme de la fiscalité directe locale induites par la suppression de la taxe professionnelle". Ce bilan de plus cent pages devait être remis, au mois de juin, au Parlement. C'est finalement dans deux ou trois jours que le gouvernement remettra sa copie.
Premier grand enseignement à tirer de cette étude dont la directrice de la législation fiscale de Bercy a dévoilé les grandes lignes, ce 6 novembre, au Comité des finances locales (CFL) : le renforcement du poids des impôts des ménages dans les ressources fiscales du secteur communal. Alors que les taxes sur le foncier et la taxe d'habitation constituaient en 2009 déjà 59% du produit des impôts locaux, elles représentaient 77%, en 2011. Soit un niveau supérieur à celui auquel s'attendaient les élus locaux, pourtant très alarmistes. Or, ce qui est le résultat du transfert de la part départementale de la taxe d'habitation vers les communes et les communautés, a pour conséquence de réduire la possibilité pour les élus locaux d'augmenter les impôts, dans un contexte où les difficultés économiques pèsent sur le budget des ménages.

Des dotations à la place de la taxe professionnelle


Par ailleurs, cette étude vient confirmer la crainte d'une forte concentration des dotations de garantie de la réforme de la fiscalité directe locale sur un petit nombre de collectivités. Une seule région (l'Ile-de-France) et seulement trois départements (Paris, les Hauts-de-Seine et la Réunion) sont contributeurs au fonds de garantie des ressources (FNGIR). Tous les autres "perçoivent le FNGIR, ou la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), ou bien les deux", souligne André Laignel, président du CFL. Quant aux communes, 120 d'entre elles seulement (toutes appartenant à des territoires industriels) sont bénéficiaires de 50% de la DCRTP. Sachant aussi que la valeur ajoutée est localisée principalement dans certains territoires (l'Ile-de-France pour 33%), André Laignel s'inquiète des "déséquilibres" nés de la réforme. Les territoires percevant du FNGIR ont une base de fiscalité réduite, donc un pouvoir de taux moins élevé qu'auparavant, rappelle-t-il. Les dotations qu'ils perçoivent en contrepartie de la taxe professionnelle, sont quant à elles gelées (sans même une prise en compte de l'inflation). La réforme va "creuser des écarts qui peuvent être à terme considérables", en déduit André Laignel. La question "de l'amplification et de l'amélioration de la péréquation" est donc posée, poursuit-il, en ajoutant que l'enjeu consiste à renforcer les dotations de péréquation de l'Etat.
La troisième conséquence de la réforme est la réduction de l'autonomie fiscale locale, souligne le président du CFL. Il fait les comptes : "Cette autonomie fiscale est aujourd'hui quasiment nulle pour les régions, elle est réduite de moitié pour les départements et elle baisse de 40% pour le secteur communal". Cette partie du bilan, le rapport ne l'effleure même pas. Il met en avant le concept d'autonomie financière, tel qu'il résulte d'une loi de finances organique de 2004, un principe que battent en brèche les élus locaux, puisqu'il conduit à prendre en compte dans les ressources fiscales des collectivités des impositions sur lesquelles elles n'ont pas de marge de manoeuvre.

Les élus réclament de plus grandes marges de manoeuvre fiscales


De son côté, le bilan pour les entreprises confirme que celles-ci - en premier lieu les petites et moyennes entreprises - ont largement bénéficié de la suppression de la taxe professionnelles (pour un total de 7,5 milliards d'euros). L'analyse des secteurs bénéficiaires fait apparaître quelques surprises. Le secteur de l'éducation, de la santé et de l'action sociale a obtenu plus de 80% d'allègements fiscaux, alors que "les emplois de ce secteur ne sont pas délocalisables" relève André Laignel. Nul doute que les cabinets médicaux, qui font partie des premiers gagnants, ont profité à plein de la censure, fin 2009, par le Conseil constitutionnel, de l'imposition des bénéfices non commerciaux, avance le maire d'Issoudun. Ce bilan fait aussi apparaître cependant un gain important pour l'industrie automobile, conformément aux objectifs du gouvernement de l'époque.
Ces informations ont été présentées au moment où, à Matignon, le Premier ministre assurait que le gouvernement ne réviserait pas les mécanismes de la contribution économique territoriale (CET). Une annonce qui n'a pas donné lieu à une quelconque concertation avec les élus locaux. Dès lors, quelles évolutions ceux-ci peuvent-ils espérer pour revenir sur les conséquences négatives de la suppression de la taxe professionnelle ? "J'attends de voir ce qu'il y a derrière les mots [du Premier ministre]", réagit avec prudence, André Laignel.
Ce que réclament les élus locaux est tout le contraire de ce à quoi a conduit la réforme de la fiscalité locale. Il s'agit de rendre aux collectivités une liberté plus grande de fixer les taux des impôts locaux. Et, à rebours des décisions prises au cours des dernières années, de transformer des dotations en fiscalité. Pour les élus locaux, ces mesures seraient des "contreparties" acceptables dans le cadre du "pacte de confiance" voulu par le président de la République, qui exigera des collectivités locales un effort en matière de maîtrise des dépenses. Le groupe de travail du CFL consacré à ces enjeux n'a fait que démarrer ses réflexions, puisqu'il a été installé le 23 octobre.