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Congrès de l'ADF - Recentralisation du RSA : la porte est entrouverte

Le 85e Congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF) qui s'est ouvert ce 15 octobre à Troyes dans l'Aube ne pouvait guère échapper au grand sujet du moment : le financement du RSA, qui plonge nombre de départements dans une situation plus que critique. Marylise Lebranchu était attendue là-dessus par les élus. La ministre n'a pour l'heure pu qu'apporter quelques précisions sur le schéma en deux temps retenu par le gouvernement - versement d'une aide d'urgence à certains, puis probable recentralisation de cette allocation en 2016 ou 2017.

L'idée avait été évoquée le 8 octobre dernier lors d'un rendez-vous à Matignon entre le Premier ministre et une délégation de l'Assemblée des départements de France (ADF) : une recentralisation, "totale ou partielle", du RSA, pouvait être étudiée. C'était sans doute la première fois que cette hypothèse était officiellement envisagée au sommet de l'Etat.
Alors, tout juste une semaine plus tard, nombre de présidents de départements comptaient bien profiter de leur 85e Congrès pour "mettre les pieds dans cet entrebâillement jusqu'à ouvrir la porte complètement", selon les mots d'André Viola (Aude), président du groupe de gauche de l'ADF. Avec un même son de cloche, par exemple, du côté de Benoît Huré (Ardennes), président du groupe DCI (droite, centre et indépendants) de l'association : "Une recentralisation du RSA est aujourd'hui la dernière fenêtre d'ouverture". Le sujet, qui a longtemps fait débat, semblait être devenu quasi consensuel ce 15 octobre à Troyes à l'ouverture du Congrès de l'ADF, le premier congrès depuis le renouvellement des exécutifs départementaux et le changement de majorité à l'ADF.
C'est Marylise Lebranchu qui avait été dépêchée par Manuel Valls pour aller porter la bonne parole ce jeudi devant les quelque 80 présidents (et 650 congressistes au total) réunis dans l'Aube. Elle était, ont dit certains en souriant, "attendue comme le messie". Les élus voulaient en savoir plus sur ce qui avait déjà filtré de la rencontre de Matignon – sur le contenu des "mesures d'urgence" consenties pour les départements les plus en difficulté et sur l'état d'avancement de la réflexion sur cette fameuse recentralisation du RSA (voir notre article ci-contre du 9 octobre).
Au final, une partie d'entre eux auront été déçus. En tout cas ceux qui, à l'instar de Dominique Bussereau, le président de l'ADF, s'attendaient à ce que la ministre leur annonce "le montant" des mesures d'urgence. Ceux qui, aussi, voulaient savoir si leur département faisait partie ou non des "dix ou onze" départements identifiés comme devant être aidés en priorité. "Personne ne connaît la liste", a par exemple regretté Pascal Martin, président de Seine-Maritime, en estimant que son département "en extrême difficulté" devrait naturellement y figurer. "Je n'ai rien appris ce matin", tranche Jean-René Lecerf, président LR du Nord, qui s'est largement fait entendre ces dernières semaines sur ses difficultés à boucler son budget du fait principalement de l'augmentation de son reste à charge RSA.

Une prime aux bons élèves ?

Dominique Bussereau évaluait à 700 millions d'euros l'enveloppe dont ont besoin les départements "à court terme, juste pour ce qui s'est passé sur l'année", sachant que le reste à charge total pour les départements en matière de RSA devrait atteindre les 4 milliards d'euros en 2015 (il était de 3,3 milliards l'an dernier).
Marylise Lebranchu, elle, préfère "éviter de donner un chiffre". On saura pour l'heure simplement que des ressources budgétaires seront inscrites dans le projet de loi de finances rectificative, que l'idée est vraiment de concentrer l'aide sur une dizaine de départements ("le travail a commencé pour deux d'entre eux", a-t-elle glissé) et que deux grands critères serviront à "savoir de combien on aide chacun d'entre eux" : les difficultés rencontrées et donc le niveau du reste à charge, mais aussi "les efforts de gestion" réalisés ces dernières années. La ministre a insisté sur ce second critère qui permettra selon elle de ne pas pénaliser ceux qui ont déjà beaucoup œuvré en termes d'économies et donc d'éviter d'éventuelles "tensions" entre gestionnaires d'exécutifs départementaux. "Au moment de la loi de finances rectificative, nous aurons épluché les comptes de chaque département", a-t-elle ajouté.
"Ce critère est légitime, mais il faut voir ce que l'on met derrière", a réagi Philippe Adnot, président de l'Aube, la puissance invitante de ce congrès, se demandant en outre s'il permettra vraiment de "répondre à l'urgence". D'aucuns se demandent aussi, lorsqu'il y a eu alternance politique l'an dernier, s'ils devront "payer" pour les choix de leurs prédécesseurs.
Une autre question n'est visiblement pas encore tout à fait tranchée : l'aide d'urgence devra-t-elle être reconduite en 2016 ? En sachant que dans ce cas - le groupe de travail ADF-gouvernement est d'accord là-dessus - ce ne seront certainement plus dix mais une quarantaine de départements qui devront être secourus. Ceci en attendant "la deuxième étape", autrement dit les "mesures structurelles".

Recentraliser le RSA… et des ressources

S'agissant de cette deuxième étape, Marylise Lebranchu a esquissé un programme de travail qui doit démarrer immédiatement avec l'ADF. Elle semble personnellement favorable à une recentralisation du RSA, rappelant volontiers avoir considéré en 2004 que le choix de Jean-Pierre Raffarin de décentraliser le versement du RMI était "aberrant". "On savait tous qu'il y avait un danger", dit-elle aujourd'hui, rappelant aussi que c'est dès 2005 que Michel Dinet, président de Meurthe-et-Moselle jusqu'à son décès en 2014, avait posé la question d'un retour de cette allocation dans le giron de l'Etat.
Selon la ministre, si le gouvernement a choisi de ne pas prendre de décision tout de suite et de se laisser jusqu'en mars prochain, c'est bien pour que l'on "aille au bout de la réflexion", que l'on ait "le courage de tout mettre sur la table" face à ce qui constitue "un débat de société" sur la solidarité. Elle a d'ailleurs redit que Manuel Valls allait confier dans les prochains jours à un parlementaire une mission sur "la mise à plat de tous les minimas sociaux", mission qui donnera lieu à "un grand nombre d'auditions".
Elle n'exclut donc pas que la problématique d'une recentralisation soit élargie aux autres allocations individuelles de solidarité (AIS), notamment à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Et que d'anciennes questions soient remises au goût du jour, comme celle du recours sur succession pour l'APA. Elle est sur ce point rejointe par plusieurs élus. "Il faudra trouver des réponses à toute une série de questions récurrentes visant à contraindre la dépense sociale", a par exemple jugé Alberic de Montgolfier, président d'Eure-et-Loir et rapporteur général de la commission des finances du Sénat.
Une chose est toutefois certaine de part et d'autre : seule la recentralisation de l'allocation RSA sera à l'étude. Aucune renationalisation des politiques d'insertion n'est pas à l'ordre du jour, celles-ci devant continuer d'être "exercées en proximité".
Marylise Lebranchu a également mis l'accent sur "un prérequis lourd pour les départements" : une recentralisation s'accompagnera évidemment d'un transfert de ressources en direction de l'Etat. "De quelles ressources s'agira-t-il ? Vous devez voir cela entre vous", a-t-elle ajouté. Pour Dominique Bussereau, il n'est pas question de toucher aux ressources fiscales plus ou moins dynamiques des départements (foncier bâti, DMTO, CVAE). Il faudra alors regarder du côté des dotations. Sauf que Marylise Lebranchu évoque de son côté "des ressources suffisamment dynamiques pour garantir notre trajectoire budgétaire"...
"Mon analyse, celle du Premier ministre, la vôtre, est bien celle-là : les départements ne peuvent plus assumer seuls", a déclaré la ministre, tout en concevant parfaitement que le ministère des Affaires sociales soit pour sa part beaucoup plus inquiet à l'idée de récupérer le financement du RSA. Et en rappelant qu'il faudra aussi convaincre le Parlement.

Quelle part de CVAE ?

A en croire les élus participant, quelques heures plus tard ce même 15 octobre, à une table ronde sur "les contraintes financières et le risque d'insolvabilité", le projet en deux temps du gouvernement arrive trop tard. Et ce, même si le gouvernement assure avoir tenu compte, dans son calendrier, du fait que les assemblées départementales devront avoir voté leurs budgets avant fin mars. Pour ceux qui voteraient dès décembre 2015, une décision modificative sera à prévoir.
Du président du Morbihan parlant de départements "littéralement condamnés" à celui du Val d'Oise qui ne voit plus quelles dépenses supprimer sachant qu'il ne peut en réalité agir que sur 15% de son budget… Le tableau a parfois été sombre. Dominique Bussereau avait d'emblée parlé de triple peine : "asphyxie" liée aux AIS, mais aussi baisse des dotations et "disparition progressive de la CVAE".
Ce dernier point a d'ailleurs suscité beaucoup de commentaires. Le projet de loi de finances prévoit, certes seulement à partir de 2017, un transfert aux régions de 50% de la CVAE actuellement perçue par les départements afin d'accompagner les transferts de compétences liés à la loi Notr (voir ci-contre notre article du 30 septembre 2015). A l'ADF, on s'interroge. André Viola a en tout cas insisté pour qu'une "analyse soit faite département par département afin que la part de CVAE corresponde précisément aux compétences transférées pour chacun". Marylise Lebranchu a assuré que tel sera bien le cas.

 

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