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Finances locales - Départements, ces colosses aux pieds d'argile ?

Une étude de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de la Banque postale met en lumière la croissance ininterrompue des départements depuis 30 ans. Et ce, même au cours des dernières années, alors que se développaient des discours appelant à leur suppression. La question du financement des allocations de solidarité, non réglée, met en difficulté ces institutions sur la période récente.

Depuis les lois de décentralisation de 1982-1983 qui ont renforcé leurs compétences et les ont rendu plus autonomes vis-à-vis de l'Etat, les départements sont devenus des poids lourds du paysage institutionnel français, réaffirme une étude financière conjointe de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de la Banque postale. En 2014, les départements ont dépensé 74 milliards d'euros - sans compter les dépenses liées au remboursement de la dette – dont 11 milliards d'euros pour l'investissement. Ces dépenses totales sont cinq fois supérieures à ce qu'elles étaient en 1982 (14 milliards d'euros). Sans prendre en compte l'inflation, elles ont été multipliées par 2,3.
Responsables aujourd'hui notamment de l'équipement et de l'entretien des 7.085 collèges et d'un réseau de 377.965 kilomètres de routes, les départements se sont vu confier au fil des ans, en grand nombre, de nouvelles compétences. En particulier au cours de la décennie passée. "Le tiers des dépenses de fonctionnement actuelles des départements (environ 20 milliards d'euros), relève directement d'une compétence transférée dans les années 2000", rappelle l'étude.

La moitié du budget pour l'action sociale

Alors que dans le cadre de l'acte 2 de la décentralisation, le gouvernement Raffarin envisageait de muscler les régions, les départements ont finalement raflé plusieurs compétences, confortant ainsi leur existence (transfert des agents techniques des collèges et des ouvriers des routes, transfert de 18.130 km de voirie nationale, ainsi que de plusieurs dispositifs en matière de solidarité). En parallèle, l'action sociale, renforcée, est devenue véritablement le cœur de métier des départements. La gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) lui a été confiée en 2002, celle du revenu minimum d'insertion (RMI) lui a été transférée en 2004. Celui-ci est devenu alors le revenu minimum d'activité (RMA), avant sa transformation en revenu de solidarité active (RSA), en 2009. En 2006, il a pris en main la prestation de compensation du handicap (PCH).
Avec ces nouvelles responsabilités, les dépenses d'action sociale sont parvenues à représenter 35 milliards d'euros en 2014, soit près de la moitié des dépenses totales des départements et 58% de leurs dépenses de fonctionnement.
Ces différents transferts ont conduit à une augmentation des budgets et de la puissance des départements, en même temps qu'ils ont contribué à leur fragilisation. Car, on le sait, le financement des trois allocations individuelles de solidarité (APA, RSA, PCH) est mal compensé par l'Etat. Dans un contexte économiquement difficile et de vieillissement de la population, le coût des trois prestations a explosé, passant de 11 milliards d'euros en 2007 à 15,6 milliards d'euros en 2012. Mais, selon les caractéristiques de leur population, les 101 départements sont plus ou moins exposés au risque d'une accélération des dépenses sociales. L'existence d'un écart de un à deux s'agissant des dépenses consacrées par les départements dans ce domaine (entre 341 euros et 672 euros par habitant) est révélateur.

Asphyxie financière

Pour faire face à leurs obligations en matière sociale, les départements ont taillé dans leurs investissements. "Entre 2007 et 2014, [ceux-ci] ont reculé en moyenne de 5% en volume chaque année, perdant ainsi 30% de leur masse".
Plusieurs mesures de la loi de finances pour 2014 (relèvement du taux plafond des droits de mutation à titre onéreux, création d'un fonds de solidarité, transfert des frais de gestion de la fiscalité locale) ont récemment redonné de l'air aux départements. Les dispositifs de péréquation entre les départements les plus riches et les autres, aussi. Ils ont permis une redistribution d'un peu moins d'1 milliard d'euros en 2014. Mais la baisse des dotations de l'Etat aux départements, de 3,9 milliards d'euros entre 2014 et 2017 va conduire les départements à l'asphyxie financière.
En retenant des hypothèses d'évolution des dépenses et des recettes "raisonnables", les deux tiers des départements ne parviendront pas, en 2017, à boucler leur budget, révélait en novembre dernier une étude du cabinet Michel Klopfer commandée par le Sénat (voir notre article du 13 novembre 2014).