Archives

Social / Finances - Difficultés des départements : le Nord passe aux travaux pratiques

Le 10 juin, l'Observatoire national de l'action sociale (Odas) présentait son enquête annuelle sur les dépenses départementales d'action sociale (voir notre article ci-contre du 11 juin 2015). Cette enquête mettait notamment en évidence une situation devenue intenable, notamment autour du RSA. Dès le 15 juin, le plus grand des départements - celui du Nord - est passé aux travaux pratiques lors de sa séance plénière, avec la présentation d'un audit sur les finances de la collectivité et l'adoption du compte administratif 2014.

La mise sous tutelle n'est plus taboue

La réalisation de cet audit - confié au cabinet Klopfer - n'est évidemment pas dénuée d'arrière-pensées. Le Nord a en effet basculé à droite lors des élections départementales de mars dernier. Pourtant l'exercice traditionnel de l'audit de la gestion de son prédécesseur est resté relativement neutre, tant les difficultés soulevées dépassent les clivages politiques.
Jean-René Lecerf, le nouveau président (Les Républicains) du conseil départemental, n'a certes pas manqué de dramatiser le débat, rappelant qu'"il s'agit de prendre acte de l'état des finances départementales et de la gravité extrême de notre situation, à tel point que la question de la mise sous tutelle de l'Etat pourrait se poser dès aujourd'hui".
Un diagnostic qui recoupe largement celui de l'Odas : "Sans évolution du mode de financement de leurs compétences obligatoires, les départements ne pourront plus, dans leur grande majorité, équilibrer leur budget dans un proche avenir." En attendant, le rapport d'audit estime que "le département a totalement épuisé ses marges de manœuvre financières".

L'effet ciseaux par l'exemple

L'impact de ces difficultés se lit dans l'évolution des grandes masses budgétaires, présentées lors de la séance du 15 juin. Celle-ci illustre parfaitement "l'effet ciseaux" à l'œuvre depuis plusieurs années. Entre le compte administratif 2011 et celui de 2014, les dépenses sociales sont ainsi passées de 1,595 milliard d'euros à 1,787 milliard (+12%). Pour y faire face, il a fallu stabiliser ou réduire les dépenses de fonctionnement sur d'autres secteurs - transports et infrastructures, développement territorial... -, tandis que les ressources humaines et l'administration générale progressaient légèrement.
Face à cette forte progression des dépenses sociales, les recettes du département ne suffisent plus à couvrir les besoins. Certes, les recettes fiscales continuent de progresser légèrement (et plus fortement pour la taxe foncière). Mais, dans le même temps, les dotations de l'Etat sont en recul : de 912 millions d'euros en 2011, elles passent à 892 millions en 2014. Le recul peut sembler relativement modeste (-2,2%). Mais la difficulté tient au reste à charge supporté par la collectivité sur les allocations de solidarité (RSA, APA et PCH). Selon Jean-René Lecerf, ce reste à charge s'est accru de 106 millions d'euros entre 2009 et 2014, pour atteindre 370 millions d'euros en 2015. Un écart qui annihile la progression des recettes et la relative stabilisation des autres dépenses.

Les dépenses passées à la paille de fer

Si les chiffres annoncés sont à l'échelle du plus grand département français, la tendance générale et les difficultés avancées ne sont nullement un particularisme. Lors du débat du 15 juin, le président du groupe PS ne l'a d'ailleurs pas contesté, rappelant "que cette situation n'est pas spécifique au Nord, mais à un certain nombre de conseils départementaux, du fait de phénomènes sans lien avec la responsabilité de gestion". Dans une posture à front renversé, l'opposition appelle la nouvelle majorité à engager un bras de fer avec le gouvernement sur la question de la compensation...
Face à cette situation, le nouvel exécutif du Nord s'engage sur des pistes d'économies plutôt radicales : baisse de 8% de la masse salariale en ne remplaçant pas systématiquement les départs en retraite, diminution de moitié du parc des véhicules départementaux, réduction des dépenses de fonctionnement de 5% et "effort particulier sur les dotations aux organismes associés". Ces mesures et d'autres seront regroupées dans un plan de restructuration qui devrait être présenté à la rentrée.
Il reste que le premier vice-président chargé des finances l'a déjà annoncé : dans ces conditions, il "ne voit pas comment notre compte administratif 2015 pourra ne pas être négatif"...

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis