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Commande publique - Rapport d'étude erroné : un dernier recours même après le paiement

Lorsqu'une entreprise remet un rapport erroné, le pouvoir adjudicateur peut demander réparation du préjudice que lui a causé cette étude de mauvaise qualité. Et ce, même après la réception et le paiement de l'étude a estimé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 9 avril 2010. Une décision importante puisque normalement, les relations contractuelles entre le pouvoir adjudicateur et l'entreprise cessent avec le paiement du bien ou du service.

La commune de Levallois-Perret avait confié à une société la mission de vérifier la solidité d'un bâtiment en vue de sa rénovation. Celle-ci avait conclu au bon état de la charpente et recommandait seulement un traitement insecticide. Or, de graves dommages ont été ultérieurement constatés. La commune a dû commander une nouvelle étude et entreprendre des travaux de consolidation engendrant des coûts supplémentaires. Alors que les juges de première et seconde instances avaient rejeté la demande de la commune tendant à condamner la société, les Sages du Palais Royal estiment que la responsabilité de l'entreprise "reste engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des carences ou des erreurs résultant d'un manquement aux diligences normales dues par un professionnel pour la mission qui lui était confiée".

 

Une réparation du préjudice, à condition de tout mettre en oeuvre lors de la réception

La responsabilité du soumissionnaire peut donc être engagée mais "sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l'administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises". En effet, cet arrêt ne réduit en rien l'importance de la réception : ce n'est que lorsque les insuffisances ne sont pas évidentes à déceler lors de la réception que l'acheteur peut éventuellement demander ensuite réparation.

D'autre part, le Conseil d'Etat ordonne que le préjudice causé à la commune soit réparé. Mais seuls les frais engagés pour réaliser une nouvelle étude ainsi que les frais de justice sont mis à la charge de la société coupable. Les juges suprêmes justifient le rejet de la demande d'indemnisation formulée par la commune au titre des surcoûts dus à l'allongement de la durée de l'opération en se fondant principalement sur l'absence de chiffrage précis transmis et accessoirement, sur le fait qu'"il n'est pas établi que la commune aurait renoncé à réhabiliter le bâtiment […] si elle avait eu connaissance au préalable du coût de restauration de la charpente". Lors d'une demande d'indemnisation, chaque poste de réclamation doit donc être rigoureusement chiffré.

Malgré cette décision, la vigilance lors de la réception est évidemment toujours de mise. En tant que maître d'ouvrage, la collectivité est responsable de la réception de l'étude. Par exemple, le Conseil d'Etat reconnaît la responsabilité contractuelle de l'architecte qui a commis une faute dans sa mission de conseil mais précise qu'"une part de responsabilité doit être laissée à la charge du maître de l'ouvrage compte tenu de l'insuffisante attention apportée par ses représentants aux opérations de réception" (CE 7 mars 2005 n° 204454). Ainsi, le juge procède régulièrement au partage de responsabilité entre entreprise et acheteur, en soulignant qu'il y a eu imprudence du maître d'ouvrage qui a signé le procès-verbal de réception sans émettre de réserve.

 

L'Apasp

 

Références : CE 9 avril 2010, n° 309662 Commune de Levallois-Perret ; CE 7 mars 2005 n° 204454.

La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Il constitue le point de départ des durées de la responsabilité décennale et de la garantie de bon fonctionnement (art. 1792-6 de la loi du 4 janvier 1978 dite "loi Spinetta").
La responsabilité contractuelle de droit commun sanctionne le non-respect des obligations nées d'un contrat, en l'occurrence avec le maître d'ouvrage (par exemple, le défaut d'exécution de la mission de conseil ou le manquement aux diligences dues par un professionnel).
Le chiffrage du préjudice doit englober l'évaluation de la perte subie et du gain manqué. Le chiffrage doit être précisément établi par la partie requérante. En l'absence d'un tel calcul, le juge peut, comme en l'espèce, refuser l'indemnisation demandée.