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Gens du voyage - Rapport Bockel - Le Scouarnec : des perspectives contre le manque d'aires

Fini la menace et la sanction. Le rapport sur les aires d'accueil des gens du voyage, des sénateurs Jean-Marie Bockel et Michel Le Scouarnec, adopté le 2 juillet par les membres de la délégation aux collectivités territoriales, formule sept propositions plutôt "soft" en vue d'apaiser les relations avec les gens du voyage. Par exemple : élaboration d'un schéma régional pour les aires de grand passage, institution d'une convention-type dans chaque département pour les aires permanentes d'accueil, un zonage spécifique dans les PLUi, la location de terrains facilitée auprès de bailleurs sociaux...

Comment améliorer les relations entre gens du voyage et collectivités territoriales. Telle est l'ambition des sept propositions du rapport d'information sur "Les aires d'accueil des gens du voyage" de Jean-Marie Bockel, sénateur (UC) du Haut-Rhin, président de la communauté Mulhouse Alsace Agglomération, et de Michel Le Scouarnec (CRC), sénateur du Morbihan, ex-maire d'Auray, que les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat ont adopté, le 2 juillet.
Le rapport Bockel - Le Scouarnec part du constat que les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage que prescrivait la "loi Besson" de 2000 (loi constituant le fondement des obligations mutuelles entre les collectivités territoriales et les gens du voyage) ne sont pas entièrement appliqués. Le taux de réalisation des aires permanentes d'accueil sont de 52 %, celui des aires de grand passage (AGP) de 29,4 %.

Faire évoluer les pratiques

Plutôt que de contraindre ou sanctionner les collectivités, le rapport prône l'adaptation. "Les contraintes financières, foncières et sécuritaires toujours plus fortes pesant sur les communes, rendent nécessaires une évolution des pratiques aux niveaux local et étatique", soulignait Jean-Marie Bockel lors de l'examen du texte par la délégation sénatoriale.
Les départements rencontrent des difficultés à faire réaliser les aires inscrites dans leur schéma départemental d'accueil ; les communes et des intercommunalités rencontrent de leur côté beaucoup de difficultés à les gérer. "Ces difficultés sont différentes en fonction de la nature des aires", soulignait Michel Le Scouarnec auprès de la délégation.

Aires de grand passage : la bonne échelle serait régionale

Pour les aires de grand passage (AGP), le rapport suggère d'établir un schéma d'accueil des gens du voyage non pas départemental mais régional. Un schéma devant être "en adéquation avec les besoins exprimés par les départements et les intercommunalités".
"Les futures grandes régions disposeront d'un espace beaucoup plus vaste, et donc plus pertinent, pour suivre les grands passages et aménager les terrains d'accueil en conséquence", anticipe Michel Le Scouarnec, en évoquant les bons retours de la "coordination entre les quatre départements de la région Bretagne".
Pour rappel, les aires de grand passage sont conçues pour accueillir de 150 à 200 caravanes, sur une surface d'au moins 4 hectares, avec l'obligation pour l'intercommunalité de garantir l'accès à l'eau (pas à l'électricité) et un dispositif de ramassage des ordures durant l'occupation. Prévues pour un séjour de quelques jours à quelques semaines, les AGP peuvent être situées en périphérie des agglomérations. Depuis la loi de finances pour 2008, l'Etat peut assurer la maîtrise d'ouvrage.

Manque d'aires, stationnements illégaux, hostilité des riverains

Le manque d'aires de grand passage engendre le ressentiment des gens du voyage et "légitime, pour certains d'entre eux, les stationnements illégaux, faute d'autre solution", a expliqué Michel Le Scouarnec à la délégation sénatoriale. La création d'AGP et leur qualité de gestion diffèrent selon les départements, du fait de plusieurs facteurs : le volontarisme plus ou moins grand des services préfectoraux et départementaux ; la disponibilité foncière ; la "tolérance variable" à l'égard des gens du voyage mais aussi les "comportements inappropriés de certains d'entre eux"...
Parmi les difficultés rencontrées, le rapport note par exemple : l'hostilité des populations riveraines des terrains réquisitionnés ; l'inefficacité des systèmes de collecte des redevances dues par les gens du voyage (qui doit permettre le financement des services) ; le non-respect par les gens du voyage du calendrier prévisionnel de leur arrivée ("ils l'expliquent par la saturation des AGP existantes qui les contraint à modifier le trajet et la durée de leurs migrations", rapporte Michel Le Scouarnec) ; le fait que, du point de vue des gens du voyage, les AGP sont souvent sous-dimensionnées...

La difficulté à trouver un gestionnaire "fiable"

Les problématiques ne sont pas les mêmes pour les aires permanentes d'accueil. Plus petites (de 15 à 40 places), accessibles toute l'année, pour un temps long (de 3 à 12 mois), elles doivent être situées dans des zones urbaines et être facilement accessibles aux caravanes. Pour les collectivités, la principale difficulté est moins de trouver un terrain que de choisir un gestionnaire "fiable" et d'installer les services obligatoires (accès à l'eau, à l'électricité et à la gestion des déchets). L'entretien et la gestion des aires d'accueil peuvent être réalisés par la commune, selon trois modalités : en régie (environ 25% des communes auraient choisi cette option, qu'elles exercent le plus souvent en contractant avec une société de gestion) ; en déléguant la gestion à des sociétés spécialisées (Hacienda, Adoma, Vago) ; en délégation de service public (une formule qui, selon certains, "poussent les tarifs à la hausse").

Une convention-type départementale pour les aires permanentes d'accueil

Il en résulte que "les conventions de gestion sont très diverses selon les sociétés, ce qui suscite l'incompréhension des gens du voyage, qui peuvent considérer comme arbitraires des clauses qui leur sont imposées dans certaines communes et pas dans d'autres", rapporte Michel Le Scouarnec. D'où la proposition d'inscrire, dans les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage, les termes d'une convention-type qui poserait les règles de base des conventions de gestion conclues entre les intercommunalités et les sociétés gestionnaires d'aires permanentes d'accueil (proposition 4).
De même, les rapporteurs ont estimé que les tarifs devraient également être définis au niveau départemental et selon les services offerts ("comme c'est le cas dans le Morbihan", ajoute le député breton). D'où l'idée d'inscrire aussi, dans les schémas départementaux, les tarifs pratiqués par les sociétés gestionnaires (proposition 5). Ces tarifs seraient "modulés en fonction des services proposés, dans un but d'harmonisation et d'équité".

Des zones spécifiques dans les PLUi

Le rapport suggère également d'intégrer dans les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) un zonage spécifique consacré aux aires permanentes d'accueil et aux terrains familiaux des gens du voyage.
Autre proposition : faciliter l'accession à la propriété pour les gens du voyage ayant des capacités d'investissement, et la location de terrains auprès de bailleurs sociaux pour ceux qui en sont dépourvus.
Les sénateurs aimeraient également se voir créer un observatoire national des gens du voyage chargé de collecter les données fournies annuellement par les conseils départementaux et les préfectures sur les taux d'occupation des aires permanentes d'accueil et des aires de grand passage. Cet observatoire recenserait également les difficultés rencontrées dans les rapports entre gens du voyage et collectivités territoriales, et proposerait des évolutions "de nature à les aplanir".

Valérie Liquet

La grande diversité des terrains occupés par les gens du voyage : le cas de l'Essonne

Lors de son intervention du 2 juillet devant la délégation sénatoriale auprès des collectivités territoriales, Michel Le Scouarnec a rendu compte d'un déplacement dans l'Essonne réalisé dans le cadre du rapport sur les aires d'accueil des gens du voyage, qu'il a co-signé avec son collègue Jean-Marie Bockel. Le sénateur breton a été impressionné par "la très grande diversité des terrains occupés", en identifiant cinq sortes.
Il y a d'abord des terrains privés possédés en pleine propriété par des gens du voyage qui occupent une maison d'habitation, ont un métier salarié ("certains travaillent à l'aéroport d'Orly", précise le sénateur) ou une entreprise privée de travaux (menuiserie, élagage,…), mais possèdent une caravane dont ils se servent occasionnellement.
Il y a aussi des terrains loués à la commune ou à des bailleurs sociaux, "caractérisés par un aménagement identique".
Il y a encore des terrains occupés sans droit ni titre par une population précarisée résidant dans des abris de fortune ayant formulé des demandes de logement social, mais tolérée par les riverains et les communes du fait de l'ancienneté de leur implantation ("beaucoup s'y sont installés après la Seconde Guerre mondiale"), et de leur mode de vie "généralement paisible".
Il y a bien sûr des aires permanentes d'accueil qui peuvent "être sous-occupées durant une partie de l'année, lorsque s'ouvrent les aires de grand passage, rendant leur équilibre financier très fragile", a commenté Michel Le Scouarnec.
Il y a enfin une aire de grand passage, au taux d'occupation élevé depuis son ouverture au mois d'avril dernier. Elle est caractérisée par un faible taux de rotation, car elle permet à différents groupes de gens du voyage de se retrouver aux beaux jours, alors que la taille réduite des aires d'accueil ne le permet pas. "De ce fait, cette aire ne joue donc pas entièrement son rôle de 'grand passage'", a-t-il conclu.

 

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