Incapables majeurs - Protection juridique : quatorze décrets à la veille de l'entrée en vigueur de la réforme
Les deux textes les plus attendus par les collectivités concernent la mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP), une prestation nouvelle dont la mise en oeuvre incombe aux départements. Le premier de ces deux décrets introduit un nouveau titre dans le livre II du Code de l'action sociale et des familles (CASF), consacré à la MASP et à son pendant judiciaire : la mesure d'accompagnement judiciaire.
A propos de la MASP, il précise que le contrat passé avec le bénéficiaire et définissant le contenu de la mesure est signé par le président du conseil général. Ce contrat autorise le département à percevoir et à gérer, pour le compte de l'intéressé, un certain nombre de prestations, qui doivent toutefois être "entièrement affectées conformément à l'objet pour lequel elles ont été attribuées à leur bénéficiaire". En matière de logement, le décret définit également la procédure d'autorisation de versement directe des prestations sociales au bailleur, prévue par la loi du 5 mars 2007 (article L.271-5 du CASF). Lorsque l'intéressé ne s'est pas acquitté de ses obligations locatives depuis au moins deux mois, le président du conseil général peut en effet s'adresser au juge d'instance du lieu où demeure le bénéficiaire des prestations concernées. Le décret précise le contenu de la requête - datée et signée sous peine de nullité -, qui doit notamment comporter "un exposé sommaire des motifs de la demande".
La procédure en la matière est très allégée puisque, dans la plupart des cas, "l'affaire est instruite et jugée comme en matière gracieuse conformément aux dispositions des articles 25 et suivants du code de procédure civile". Le président du conseil général doit toutefois communiquer à l'intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, les motifs et pièces invoquées à l'appui de sa demande. Il n'est pas tenu de se présenter à l'audience, "s'il justifie que le bénéficiaire des prestations sociales a eu connaissance des motifs et pièces ainsi communiqués". Il est dès lors supposé avoir comparu. De son côté, le bénéficiaire des prestations sociales et entendu ou appelé.
Le juge doit se prononcer sur la demande du président du conseil général dans le mois de l'audience. Sa décision est susceptible d'appel dans les quinze jours. Si les causes ayant justifié la demande cessent, le bénéficiaire des prestations sociales peut saisir le juge d'instance par requête aux fins d'obtenir la mainlevée de la mesure.
Le même décret précise les modalités de mise en oeuvre de la mesure d'accompagnement judiciaire, qui peut être mise en oeuvre en cas de refus de la MASP ou de non respect du contrat passé entre le bénéficiaire et le président du conseil général.
Un second décret, en date du 22 décembre 2008, dresse la liste des 29 prestations sociales qui peuvent faire l'objet de la MASP. Outre les différentes prestations de la branche famille, celle-ci inclut la prestation de compensation du handicap, le RMI et le RSA. Bien que le titre de ce second décret le mentionne, le texte ne comporte pas de disposition fixant le plafond de la contribution qui peut être demandée au bénéficiaire de la MASP.
Des décrets tous azimuts
Outre ces deux décrets relatifs à la MASP, les textes publiés couvrent d'autres aspects de la réforme de la protection juridique des majeurs :
- le décret 2008-1484 du 22 décembre 2008 et ses tableaux annexes fixent la liste des actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, en distinguant notamment les actes d'administration (actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal), les actes de disposition (actes engageant le patrimoine de la personne protégée) et les actes conservatoires ;
- le décret 2008-1485 du 22 décembre 2008 détermine les tarifs applicables aux médecins qui établissent les certificats et les avis médicaux dans le cadre des mesures judiciaires de protection juridique des majeurs ;
- le décret 2008-1500 du 30 décembre 2008 précise la réglementation financière et budgétaire applicable aux établissements et services sociaux et médico-sociaux mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ;
- le décret 2008-1504 du 30 décembre 2008 définit les modalités de prestation de serment des mandataires judiciaires et des délégués aux prestations familiales, ainsi que la procédure d'autorisation et les règles de fonctionnement des services de tutelles ;
- le décret 2008-1505 du 30 décembre 2008 précise les modalités de la déclaration, par un établissement pour personnes âgées ou adultes handicapés, de l'un de ses agents en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ainsi que les modalités d'exercice de ce dernier ;
- le décret 2008-1507 du 30 décembre 2008 détermine les informations et le soutien technique à apporter aux personnes appelées à exercer ou exerçant une mesure de protection juridique des majeurs en application de l'article 449 du code civil (curateur ou tuteur désigné par le juge des tutelles au sein de l'entourage familial proche) ;
- le décret 2008-1508 du 30 décembre 2008 fixe les conditions d'âge, de formation et d'expérience professionnelle à satisfaire par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et par les délégués aux prestations familiales ;
- le décret 2008-1511 du 30 décembre 2008 précise notamment le seuil de capacité autorisant un établissement à désigner un agent en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (au moins 80 places autorisées au titre de l'hébergement permanent) ;
- le décret 2008-1512 du 30 décembre 2008 fixe les modalités d'inscription des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales sur les listes tenues par les préfets de départements (inscription obligatoire pour pouvoir exercer) ;
- le décret 2008-1553 du 31 décembre 2008 fixe le cadre juridique de l'exercice, à titre individuel, des fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de délégué aux prestations familiales (demande et décision d'agrément, cessation de fonction et retrait d'agrément, rémunération et suivi de l'activité) ;
- le décret 2008-1554 du 31 décembre 2008 détermine les modalités de participation des personnes protégées au financement de leur mesure de protection ;
- le décret 2008-1556 du 31 décembre 2008 précise les droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales. Il comporte en annexe un très utile modèle de notice d'information, ainsi que le texte de la charte des droits et libertés de la personne majeure protégée et les modèles de récépissé à remettre par les mandataires judiciaires ou les délégués aux prestations familiales.
Il reste maintenant à tous les acteurs concernés - départements, mais aussi Justice, établissements sociaux, services spécialisés, mandataires judiciaires et délégués aux prestations familiales - à rattraper le temps perdu, afin de permettre une mise en oeuvre rapide de cette réforme très attendue. De nombreux départements s'y sont déjà préparés - sur la base des versions de concertation des décrets -, en organisant leurs services en conséquence ou en lançant des appels d'offres pour sélectionner des prestataires chargés de la mise en oeuvre de la MASP.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : décrets 2008-1484, 2008-1485 et 2008-1498 du 22 décembre 2008 ; décrets 2008-1500, 2008-1504, 2008-1505, 2008-1506, 2008-1507, 2008-1508, 2008-1511 et 2008-1512 du 30 décembre 2008 ; décrets 2008-1553 et 2008-1554 et 2008-1556 du 31 décembre 2008 (Journal officiel du 31 décembre 2008 et du 1er janvier 2009).