Dépendance - Protection juridique des majeurs : l'Anas prend les devants
Faute de disposer de l'ensemble des décrets d'application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs (voir notre article ci-contre), nombre de départements s'interrogent sur l'organisation et les modes de fonctionnement à adopter pour mettre en place la mesure d'accompagnement social personnalisée (Masp) au 1er janvier 2009, date d'application de la réforme. Cette nouvelle prestation, créée par la loi de 2007 et confiée aux départements, se situe en amont de la protection juridique proprement dite et consiste à assurer un accompagnement social individualisé de la personne en perte d'autonomie, notamment pour ce qui concerne la gestion des prestations.
En l'absence de textes d'application, l'Association nationale des assistants de service social (Anas) a choisi de prendre les devants, en diffusant des "analyses et préconisations" en termes d'organisations et de pratiques. Le début de cette note - plutôt virulent - dénonce le "resserrement des espaces pour solliciter librement une aide, dans un cadre non contraint et où la personne peut dire en sécurité un problème sans qu'elle se trouve prise dans une spirale administrative qui la soumette à un contrôle et à une attitude de soumission". Une position assez surprenante, dans la mesure où la Masp a précisément pour objet d'éviter de placer immédiatement les personnes concernées dans le champ judiciaire...
La note en vient ensuite à une analyse juridique du dispositif, tel que les grandes lignes en sont posées par la loi du 5 mars 2007. Si les principaux aspects du dispositif sont ainsi restitués, les commentaires de l'Anas traduisent, pour le moins, une grande réserve à l'égard de la Masp. On retrouve ainsi, à propos des personnes fragilisées, l'écho de débats qui ont agité pendant des années le secteur de la protection des majeurs : "Où commence le risque de danger pour la sécurité et la santé en raison d'un problème de gestion ? Un adulte qui se trouve endetté est-il déjà ou pas encore dans une situation de risque ? La situation présente peut peut-être un jour avoir des conséquences pour sa santé et sa sécurité mais qui peut être prédictif dans ce domaine ?" L'Anas s'inquiète également des risques d'instrumentalisation des travailleurs sociaux, qui pourraient être saisis par les bailleurs, voire par les banques, rassurés par la présence d'un tiers aux côtés d'une personne en difficulté. La note s'attarde aussi sur le contenu du contrat qui doit être passé entre le président du conseil général et la personne bénéficiaire de la Masp. Les inquiétudes portent ici sur les conditions de l'élaboration du contrat, qui ne peut intervenir que dans un climat de confiance. Enfin, la note pose la question de la compatibilité entre la notion de gestionnaire des ressources et celle d'accompagnateur social.
La note se termine par une série de recommandations. Non sans quelque contradiction, elle demande que la Masp "s'appuie sur la compétence des professionnels". En effet, "l'accompagnement proposé par la Masp est déjà à l'oeuvre dans le cadre des services sociaux départementaux. Les professionnels savent travailler les questions d'endettement et de santé. Ils savent aussi accompagner les personnes vers une des formes d'accompagnements ponctuels". L'Anas demande également que les départements "différencient l'espace d'aide contrainte et celui d'aide librement choisie", en créant deux services distincts selon la nature de l'intervention. Enfin, l'Anas invite "les professionnels à refuser de proposer une saisine du juge d'instance en cas de refus par l'intéressé du contrat d'accompagnement social personnalisé ou de non-respect de ses clauses". Une position qui - si elle se confirme dans les faits - risque de poser un sérieux problème juridique, dans la mesure où cette saisine est expressément prévue par l'article L.271-5 du Code de l'action sociale et des familles, qui entre lui aussi en vigueur le 1er janvier 2009.
Jean-Noël Escudié / PCA