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Emploi - Projet de loi formation : les régions n'y trouvent pas leur compte

L'avant-projet de loi sur la formation professionnelle reprend l'idée d'un fonds de sécurisation qui permettra de financer les formations des salariés en chômage partiel. L'Ile-de-France pourrait être la première région à en bénéficier.

Le gouvernement met la dernière main à la réforme de la formation professionnelle. L'avant-projet de loi (en téléchargement ci-contre) reprend les principaux points de l'accord interprofessionnel du 7 janvier dernier. Après des mois de négociations, l'Etat et les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord intégrant plusieurs dispositions, dont la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, la transférabilité du droit individuel à la formation (DIF) et la mise en place d'un droit à l'information et à l'orientation. L'avant-projet précise en introduction les acteurs impliqués. "Les orientations des politiques de formation professionnelle sont arrêtées annuellement entre l'Etat, les régions et les partenaires sociaux", indique ainsi l'avant-projet, avant de détailler les différentes mesures. Premier point : le DIF. Les sommes cumulées au titre du DIF pourront être mobilisées par les salariés et "en priorité pendant la première moitié d'indemnisation du chômage" pour financer des actions de formation, bilans de compétences ou autres mesures d'accompagnement. Il pourra aussi être utilisé "en accord avec leur nouvel employeur, pendant les deux années suivant leur embauche" pour abonder le financement d'actions de formation organisées dans le cadre de la formation continue du salarié. La transférabilité du DIF est donc assurée. Le document détaille aussi les conditions de son financement. Pour les actions mises en oeuvre pendant le chômage, c'est l'OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) dont relève l'entreprise dans laquelle le salarié a acquis ses droits qui prendra en charge les coûts. En revanche, quand les actions sont mises en oeuvre dans la nouvelle entreprise, le financement est assuré par l'OPCA dont relève cette entreprise.
L'avant-projet de loi donne également des précisions sur le nouveau fonds de sécurisation des parcours professionnels. Son organisation sera "déterminée par accord entre les organisations interprofessionnelles représentatives d'employeurs et de salariés au niveau national, et des représentants de secteurs professionnels ne relevant pas desdites organisations nationales interprofessionnelles représentatives". La liste des représentants et la composition du conseil d'administration seront déterminées par décret.

 

Un fonds national de sécurisation des parcours professionnels

Objectifs de ce fonds : financer des actions de maintien ou d'accès à l'emploi, de développement des compétences, de formation professionnelle, à destination des salariés les plus fragilisés par la crise (peu ou pas qualifiés, en chômage partiel, licenciés pour motif économique, en emploi à temps partiel, ou encore demandeurs d'emploi ayant besoin d'une formation pour accéder à nouveau à un emploi). Le fonds permettra ainsi à des salariés en chômage partiel de suivre une formation (voir encadré ci-dessous). Il devra aussi "harmoniser les conditions d'accès au financement du congé individuel de formation sur l'ensemble du territoire". Si l'idée de ce fonds, destiné à former chaque année 500.000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200.000 demandeurs d'emploi de plus qu'aujourd'hui, avait en effet été partagée par les partenaires sociaux et les régions, ces derniers ne l'envisageaient pas de cette manière. "Il y a, à travers ce fonds national, une véritable entreprise de captation par l'Etat des budgets issus des entreprises et des salariés, assure ainsi Jean-Pierre Dufour, vice-président du conseil régional d'Aquitaine en charge de la formation professionnelle. Tout le monde craint la confiscation des budgets par l'Etat qui prend clairement la main." L'idée d'un fonds régional de sécurisation des parcours professionnels avait été un temps avancée par le groupe multipartite de Pierre Ferracci, avant d'être abandonnée pour s'orienter finalement vers un fonds paritaire. Cette fois-ci, avec un fonds national, régions comme partenaires sociaux semblent y perdre au change... Concrètement, une convention-cadre, signée entre le fonds national et l'Etat fixera ses conditions d'intervention. Elle déterminera également les conditions dans lesquelles les conventions pourront être conclues entre le conseil d'administration du fonds et les branches professionnelles et les conseils régionaux. Côté financement, le fonds va gérer "une partie des contributions des employeurs et les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes collecteurs au titre du congé individuel à la formation, de la professionnalisation, et du plan de formation".

 

Les OPCA voient leurs missions évoluer

Concernant les OPCA, le document reste encore flou, alors que partenaires sociaux, régions et Etat étaient arrivés à un accord, notamment sur la diminution de leur nombre. Le relèvement du seuil de collecte minimum à 100 millions d'euros, souhaité par le président de la République lors d'un déplacement dans la Drôme au début du mois, n'apparaît pas. "Pour une région, il y a trop d'interlocuteurs et il faut que les OPCA aient une taille raisonnable pour pouvoir travailler avec eux, sinon, cela freine l'action, explique Jean-Pierre Dufour. Il y avait un accord sur le sujet, mais sur ce point, on a aucune visibilité dans l'avant-projet." Seules des informations sur l'évolution des missions des OPCA sont données. Ils devront se charger non seulement de formation professionnelle, mais aussi de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le document précise en revanche que les agréments qui ont été jusqu'ici délivrés vont expirer au plus tard deux ans après la publication de la loi, le temps pour eux de se réorganiser. Un nouvel agrément sera ensuite réalisé. Il sera "accordé à des organismes au regard de leur capacité financière, de leur gestion paritaire, de leur organisation professionnelle ou interprofessionnelle et de leur aptitude à remplir leurs missions et à assurer des services de proximité, notamment auprès des petites et moyennes entreprises, au niveau de chaque région".
Autres points abordés par l'avant-projet de loi : les dispositions relatives au contrat de professionnalisation, avec des forfaits horaires spécifiques pour les contrats signés avec les jeunes, et la création d'un passeport formation qui recensera tout ou partie des informations recueillies à l'occasion d'un bilan d'étape professionnel, les actions de formation prescrites et mises en œuvre par l'employeur ou par le salarié lui-même, et les qualifications obtenues. Enfin, le projet de loi s'intéresse à l'évaluation. Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie est ainsi chargé d'évaluer les politiques d'apprentissage et de formation professionnelle aux niveaux national, régional, sectoriel et interprofessionnel. Il reste bien peu de temps aux partenaires sociaux et aux régions pour peser sur le contenu du texte. Le projet de loi doit être déposé au Parlement mi-avril.

 

Emilie Zapalski

 

L'Ile-de-France : première bénéficiaire du fonds de sécurisation ?

L'Etat, les partenaires sociaux et la région Ile-de-France vont signer une convention tripartite mettant en commun leurs moyens pour sécuriser les parcours professionnels. Ce serait la première mise en oeuvre de l'accord national interprofessionnel du 7 janvier prévoyant la création d'un fonds national de sécurisation des parcours doté de 900 millions d'euros. Création qui sera définitivement actée avec l'adoption du projet de loi sur la réforme de la formation professionnelle. Les trois partenaires veulent ainsi que pendant les périodes de chômage partiel et dans la perspective d'une reprise de tout ou partie de l'activité antérieure de l'entreprise, les salariés puissent bénéficier de formations adaptées améliorant leurs compétences. Si la mobilisation de ce fonds constitue une première, le principe de former les salariés en chômage partiel n'en est pas une. C'est en effet une solution déjà adoptée par l'Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté. Mais dans ces deux dernières régions, d'autres fonds vont être mobilisés : le Fonds national de l'emploi (FNE) et le Fonds social européen (FSE), alors qu'en Alsace, ce sont des fonds uniquement régionaux.

M.T. avec AFP

 

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