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Social / Economie - Prévention du surendettement : le fichier positif ne verra jamais le jour

Lors de l'introduction du fichier positif, par amendement gouvernemental en juin dernier, dans le projet de loi relatif à la consommation, Localtis indiquait que "compte tenu du caractère très sensible de la base de données ainsi constituée, le possible - voire probable - passage devant le Conseil constitutionnel, s'annonce comme un moment délicat" (voir notre article ci-contre du 12 juin 2013). Le pronostic s'est vérifié, puisque la décision du Conseil constitutionnel du 13 mars 2014 sur la loi relative à la consommation sonne le glas du fichier positif. Saisi par l'UMP, le Conseil a en effet censuré les articles 67 à 72 de la loi, qui créaient le registre national des crédits aux particuliers (RNCP), appelé aussi "fichier positif" (parce qu'il recense tous les emprunteurs et pas seulement les emprunteurs défaillants).

Une vocation universelle

Le RNCP devait constituer un puissant moyen de lutte contre le surendettement. Côté "positif", il devait recenser l'ensemble des "crédits à la consommation accordés aux personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels". Côté "négatif", il devait reprendre le rôle du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), géré par la Banque de France et recenser ainsi les "informations relatives aux incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux consommateurs, ainsi que les informations relatives aux situations de surendettement [...]".
Accessible à tous les établissements de crédit (autrement dit à des dizaines de milliers d'employés) - mais aussi aux commissions départementales de surendettement et aux greffes des tribunaux compétents - le RNCP devait permettre de connaître précisément la situation des encours de tout candidat à un emprunt.

Le gigantisme a perdu le RNCP

C'est précisément son gigantisme qui a perdu le RNCP. Dans son arrêt, le Conseil constitutionnel ne conteste pas l'intérêt d'un tel dispositif et reconnaît volontiers qu'en créant ce registre, "le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général de prévention du surendettement". Mais le Conseil considère "qu'eu égard à la nature des données enregistrées, à l'ampleur du traitement, à la fréquence de son utilisation, au grand nombre de personnes susceptibles d'y avoir accès et à l'insuffisance des garanties relatives à l'accès au registre, les dispositions contestées portent au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi". Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel censure l'article 67 créant le registre et, par voie de conséquence, les dispositions des articles 68 à 72 qui en sont inséparables et précisaient les modalités de mise en œuvre du registre.
La décision du Conseil constitutionnel a tout d'un enterrement. Compte tenu des attendus, on voit mal comment imaginer un aménagement du texte qui réponde aux exigences des juges constitutionnels. S'il n'est pas universel et largement ouvert à la consultation des organismes bancaires, le RNCP - ou son éventuel substitut - perd l'essentiel de son intérêt. Malgré tous ses défauts maintes fois dénoncés, le FICP devrait donc rester longtemps encore le seul instrument collectif de prévention du surendettement...

D'autres mesures...

Le gouvernement a déclaré ce 14 mars prendre acte de cette censure, tout en réaffirmant "solennellement sa détermination à lutter contre le surendettement et l'exclusion sociale et à responsabiliser davantage les établissements de crédits au moment de la décision d'octroi du prêt."
Dans un communiqué, Benoît Hamon et Pierre Moscovici tiennent à rappeler que d'"autres mesures de renforcement de l'encadrement de la distribution du crédit à la consommation" sont introduites par cette loi et n'ont, elles, pas été censurées. Ils rappellent aussi que des dispositifs ont par ailleurs été récemment mis en œuvre dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté ainsi que de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires : "observatoire de l'inclusion bancaire, réseau de points conseil budgets, plafonnement des commissions d'intervention bancaires, consolidation du droit au compte, simplification de la procédure de traitement des situations de surendettement".
Mis à part le fichier positif, l'ensemble des autres dispositions du texte porté par Benoît Hamon ont été validées par le Conseil constitutionnel. Un ensemble hétérogène de mesures visant, a-t-il souligné, à "améliorer la vie quotidienne et à libérer du pouvoir d'achat". Elles concernent entre autres les actions de groupe, les contrats d'assurance, les produits d'optique, la vente à distance… avec, au milieu de tout cela, un article concerne directement les collectivités : en jeu, la protection du nom des collectivités, avec la création d'une nouvelle procédure leur permettant d'être mieux informées des dépôts de marque contenant leur nom, grâce à un système d'alerte sur demande formulée auprès de l'Inpi. Et d'autres nouveautés intéresseront les acteurs du développement local, notamment l'article relatif aux indications géographiques, ou encore la création d'un statut pour les magasins de producteurs locaux, la question des stations-service en zone rurale…

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Conseil constitutionnel, décision n°2014-690 DC du 13 mars 2014.

 

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