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Social / Economie - Surendettement : près de 5 millions de crédits renouvelables en moins après la loi Lagarde

Le ministère de l'Economie et des Finances a publié, le 24 septembre, une première évaluation de l'impact de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation (dite loi Lagarde). Ce bilan a été réalisé par la société Athling, pour le compte du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui dépend de la Banque de France.
Le résultat est plutôt flatteur pour un texte qui avait fait l'objet d'un assez large consensus au Parlement au nom de la lutte contre le surendettement, même si certains élus auraient aimé aller plus loin, par exemple sur la création du fameux fichier positif. Il est d'autant plus à souligner que la loi "est toujours en cours de mise en œuvre". Son entrée en vigueur s'est en effet étalée entre le 1er septembre 2010 et le 1er mai 2011, et certaines dispositions sont toujours en instance. Par exemple, le décret sur le regroupement de crédits publié le 30 avril 2012 n'entrera en vigueur que le 1er octobre.

Les offres de crédit renouvelable se resserrent en dessous de 3.000 euros

Le résultat le plus spectaculaire de la loi Lagarde réside dans le recul de la production cumulée de crédits renouvelables, dits aussi crédits "revolving". En l'espace de 18 mois, "le nombre de comptes de crédits renouvelables actifs a diminué de 16,5%, soit une baisse de 3,3 millions d'unités". Sur la même période, 1,5 million de comptes supplémentaires de crédits renouvelables ont été fermés en raison du passage de trois à deux ans du délai maximal au terme duquel l'organisme financier doit proposer à l'emprunteur de fermer son compte si celui-ci n'a enregistré aucun mouvement sur la période.
Autre effet de la loi Lagarde : le nombre de transactions à crédit est en très fort recul. Il est en effet passé de 22% de l'ensemble des transactions en 2007 à 9,4% en 2010 et 6,3% après l'entrée en vigueur de la loi Lagarde. Le rapport relève également que "la conjugaison de la mesure sur la durée de remboursement maximale et de la réforme des taux d'usure fait porter de nouvelles contraintes sur le crédit renouvelable pour les prêteurs, mais au bénéfice (financier) de l'emprunteur. Le coût des agios baisse de manière significative pour une première utilisation ou pour des utilisations successives". Par ailleurs, les contrats ont été entièrement réécrits par les prêteurs, ce qui n'en facilite d'ailleurs pas forcément la compréhension (le "pack contractuel" étant passé de 21 à 33 pages). Enfin, les offres commerciales de crédit renouvelable ont tendance à se resserrer et à se concentrer sur des montants inférieurs ou égaux à 3.000 euros.

Un coût de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, un gain d'autant pour les emprunteurs

La situation est évidemment moins rose du côté des établissements prêteurs et l'impact macro-économique de la loi est loin d'être négligeable. Le rapport précise ainsi que, selon les calculs des établissements de crédits, "l'impact sur leur compte de résultat pour la période 2011-2014 serait de l'ordre d'un milliard et demi d'euros", dont 90% seraient dus à la réforme du taux de l'usure et à la mise en place de durées de remboursement maximales pour le crédit renouvelable. Cet impact financier sera modeste pour les banques, mais "particulièrement lourd" pour les établissements de crédit spécialisés. A l'inverse, "le consommateur-emprunteur devrait bénéficier de ces 'sommes' au travers de la baisse du coût des agios".
Reste une question plus sociale, à laquelle l'étude n'apporte pas de réponse : le fort recul du crédit renouvelable, les restrictions d'accès posées par la loi et ses textes d'application et la chute des transactions à crédit bénéficient-ils aux ménages les plus fragiles en leur évitant les pièges du surendettement ou en limitant les effets ou - au contraire - les écartent-ils encore un peu plus de l'accès à la consommation de biens courants ? La réponse se situe sans doute quelque part entre ces deux hypothèses.

Jean-Noël Escudié / PCA