Lutte contre l'exclusion - La réforme du surendettement et son décret d'application entrent en vigueur
L'entrée en vigueur partielle de la loi - d'autres dispositions ne concernant pas exclusivement le surendettement, comme l'encadrement de certains taux de crédits, s'appliqueront en 2011 - et la publication du décret marquent l'aboutissement d'une réforme importante. Les avancées sont en effet bien réelles, même si le nouveau dispositif est loin de reprendre toutes les mesures envisagées lors de la préparation du texte et des débats parlementaires.
Plus de 750.000 ménages surendettés
L'enjeu est important, puisque - selon les chiffres de Bercy et de la Banque de France - 758.452 ménages, soit près de 3% des familles françaises, se trouvaient en situation de surendettement au 30 juin 2010. En termes de flux, 218.082 nouveaux dossiers de surendettement ont été ouverts au cours des douze derniers mois, contre seulement 70.000 par an au début des années 1990. Le montant moyen des dossiers de surendettement s'est, lui aussi, fortement accru et atteint aujourd'hui 44.763 euros, soit une hausse de 7,5% sur un an et de 31% sur deux ans. Jusqu'à présent, les collectivités n'étaient pas directement parties prenantes au dispositif de lutte contre le surendettement. Mais leurs services sociaux - et plus particulièrement ceux des départements et des CCAS - figurent, depuis l'origine, parmi les principaux "pourvoyeurs" de dossiers de surendettement, à travers l'aide à la préparation des demandes apportée aux familles concernées.
Si la crise économique n'est évidemment pas étrangère à la dégradation des chiffres du surendettement, ces résultats montrent aussi les limites du dispositif actuel de prévention et de lutte contre le surendettement, malgré les améliorations successives apportées à la loi Neiertz du 31 décembre 1989. La Cour des comptes ne s'y est d'ailleurs pas trompée. Dans son dernier rapport annuel, elle consacre en effet un chapitre - sévère - à la lutte contre le surendettement des particuliers, qu'elle qualifie de "politique publique incomplète et insuffisamment pilotée". La Cour pointe notamment un "dispositif légal visant davantage à traiter la situation individuelle des surendettés qu'à prévenir le surendettement". Elle estime également que "le défaut de pilotage par les services de l'Etat et de la Banque de France génère des inégalités de traitement et s'accompagne d'un coût insuffisamment justifié".
Des procédures plus rapides
Même si la loi du 1er juillet 2010 ne répond pas directement à ces critiques - le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres près d'un an avant le rapport de la Cour des comptes -, elle s'efforce néanmoins d'améliorer le dispositif.
La première avancée de la loi et du décret est d'accélérer sensiblement les procédures de traitement des dossiers de surendettement, afin d'éviter que les situations se dégradent encore davantage. Ainsi, la commission départementale de surendettement ne disposera plus que de trois mois - au lieu de six - pour se prononcer sur la recevabilité d'un dossier. De même, les commissions de surendettement pourront désormais décider elles-mêmes des mesures de rééchelonnement de dettes et d'effacement d'intérêts, leurs décisions en la matière étant susceptibles d'un recours de droit commun devant le juge. Ceci devrait également contribuer à l'accélération du traitement des dossiers, compte tenu de l'encombrement actuel des tribunaux. Pour accélérer les procédures de redressement personnel (PRP), les commissions pourront également demander directement au juge des mesures précises d'effacement total ou partiel de la dette en cas d'insuffisance d'actifs, ce qui devrait faciliter le travail de la Justice. Ces mesures d'effacement deviendront effectives après leur homologation par le juge. Selon Bercy, "cette mesure devrait permettre de raccourcir la durée moyenne de 95% des PRP, de 1,5 an en moyenne à six mois".
Les personnes surendettées mieux protégées
D'autres avancées significatives concernent la protection des personnes endettées. Ainsi, les voies d'exécution (saisies notamment) seront suspendues automatiquement dès le prononcé de la recevabilité du dossier par la commission, voire même dès le dépôt du dossier si la commission considère que la situation présente une urgence particulière. Outre la plus grande protection de la personne surendettée, cette mesure devrait également contribuer à l'accélération des procédures. Selon Christine Lagarde - dans une interview au quotidien Le Parisien du 1er novembre -, environ 200.000 personnes devraient bénéficier de cette disposition dès cette année.
La durée d'inscription au FICP (fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) est pour sa part ramenée de huit à cinq ans pour les personnes engagées dans un PPR et de dix à cinq ans pour celles engagées dans un plan de remboursement élaboré par une commission de surendettement (et respectant les engagements du plan). En cas d'incident de remboursement pendant la durée du plan, l'inscription au FICP sera prolongée, mais sans que la durée totale d'inscription puisse dépasser huit ans. Toujours selon la ministre de l'Economie, environ 120.000 personnes devraient ainsi être immédiatement radiées du FICP. Les personnes inscrites dans ce fichier auront par ailleurs un accès à distance aux informations les concernant, par le biais de la Banque de France. A travers cette réduction des durées d'inscription, le gouvernement entend "faciliter le rebond des personnes qui ont connu des difficultés d'endettement".
Des banques mieux encadrées et le logement mieux pris en compte
Enfin, les banques concernées ne seront dorénavant informées du dépôt d'un dossier de surendettement devant la commission qu'au moment où cette dernière se prononcera sur sa recevabilité. Elles ne pourront plus prélever de frais pour des opérations initiées par un créancier (dès lors que sa créance est incluse dans la procédure) et auront l'obligation d'assurer la continuité du compte de la personne surendettée et de lui proposer des services bancaires adaptés à sa situation (en particulier des moyens de paiement).
Les deux dernières innovations concernent l'endettement lié au logement. La première prévoit que les commissions de surendettement ne pourront plus refuser d'examiner un dossier au motif que le demandeur surendetté est propriétaire de son logement. Jusqu'à présent, en effet, certaines commissions exigeaient que le propriétaire concerné vende son logement avant d'examiner la situation. La seconde mesure permet à la commission - et, en cas d'urgence, au demandeur lui-même - de saisir le juge pour qu'il prononce la suspension des procédures d'expulsion du logement.
Les travailleurs sociaux désormais membres à part entière
Enfin, le décret du 29 octobre prévoit que les départements continueront d'apporter leur contribution au fonctionnement des commissions de surendettement. Outre la poursuite de la participation active des travailleurs sociaux à l'instruction des dossiers, l'article 40 de la loi du 1er juillet 2010 (article L.331-1 du Code de la consommation) a en effet introduit dans la composition des commissions de surendettement "deux personnes, désignées par le représentant de l'Etat dans le département, justifiant pour l'une d'une expérience dans le domaine de l'économie sociale et familiale, pour l'autre d'un diplôme et d'une expérience dans le domaine juridique". Jusqu'à présent, ces deux personnes se contentaient d'être "associées à l'instruction du dossier" et d'assister aux réunions de la commission avec une simple voix consultative. Le nouvel article R.331-5 du Code de la consommation (article 2 du décret du 29 octobre) prévoit que "le préfet nomme par arrêté, pour une durée de deux ans renouvelable, la personne justifiant d'une expérience dans le domaine de l'économie sociale et familiale et son suppléant parmi les personnes justifiant d'une expérience d'au moins trois ans. Ils peuvent être choisis notamment parmi les agents du département, de la caisse d'allocations familiales ou de la caisse de mutualité sociale agricole". A compter du 1er novembre, les travailleurs sociaux et les experts juridiques deviennent donc des membres à part entière des commissions de surendettement, au même titre que les représentants des établissements de crédits ou des associations familiales ou de consommateurs.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : loi 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation (Journal officiel du 2 juillet 2010) ; décret 2010-1304 du 29 octobre 2010 relatif aux procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers (Journal officiel du 31 octobre 2010).