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Economie solidaire - Microcrédit : le piège du crédit à la consommation

"C'est une erreur d'assimiler la microfinance à la consommation." Gérard Cazabet, enseignant-chercheur à l'Ecole des dirigeants et créateurs d'entreprise (EDC), met en garde contre la généralisation du microcrédit, alors que le projet de loi sur le crédit à la consommation est discuté à l'Assemblée nationale depuis le 24 mars 2010. Le texte comporte en effet des mesures visant à développer le microcrédit. Il propose notamment de permettre le financement de l'activité des associations de microcrédit par les particuliers, via des plateformes internet, et impose aux banques d'éditer chaque année une information sur leur activité dans ce domaine pour informer le public. D'autres mesures, en dehors du projet de loi, ont également été annoncées par Christine Lagarde, ministre de l'Economie, le 14 mars dernier : établir un cadre statistique normalisé pour les activités de microcrédit en France et renforcer l'efficacité des dispositifs publics d'appui au microcrédit.

Un microcrédit sans accompagnement serait "irresponsable"

Pour Gérard Gazabet, le microcrédit consiste en deux métiers : le prêt d'argent à des personnes qui n'ont pas accès au crédit bancaire, mais aussi l'accompagnement de ces personnes. "Accorder un financement de 10.000 euros, par exemple, à une personne coupée de son réseau social sans l'accompagner, serait irresponsable", estime le chercheur. Le microcrédit doit correspondre, selon lui, à un financement dans l'urgence destiné à une activité professionnelle, le financement d'un outil de travail comme une camionnette, des matériaux, voire des matières premières. Il ne devrait pas être fait sans "business model"… Or, la généralisation du microcrédit, tel qu'envisagé par le gouvernement, le rapprocherait du crédit à la consommation. "Et là on peut retomber dans le piège du surendettement", alerte Gérard Cazabet. Un surendettement d'autant plus dangereux que dans le cas du microcrédit, on s'adresse à des personnes en situation financière déjà difficile. "Il est aussi important pour être efficace de réintégrer ces personnes dans un réseau social que de leur financer une activité", explique-t-il, citant l'exemple du partenariat entre l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) et BNP Paribas, signé en 2004 et destiné à promouvoir le microcrédit aux chômeurs et RMIstes qui créent leur entreprise. BNP Paribas participe à hauteur de 10% des coûts d'accompagnement de chaque créateur supportés par l'Adie et de 30% à la couverture du risque. Mais "les deux partenaires ne sont pas tombés dans le piège du crédit à la consommation, puisque c'est l'Adie qui gère le microcrédit, explique le chercheur. La banque subventionne quant à elle l'association au delà des taux d'intérêts pratiqués".

Emilie Zapalski

Le crédit revolving mieux encadré ?

Le crédit renouvelable, ou crédit "revolving", ne séduit plus les Français. En 2009, ces crédits ont ainsi connu une chute de 15,2%. Il faut dire que ce type de crédit est souvent source de surendettement pour les ménages en situation financière difficile. Le projet de loi sur le crédit à la consommation, actuellement discuté à l'Assemblée nationale, tente d'en atténuer les défauts. Il prévoit ainsi que chaque échéance d'un crédit de ce type comprenne obligatoirement un remboursement minimum du capital, et non seulement des intérêts, et propose que les relevés mensuels des comptes indiquent la durée restante pour le remboursement du crédit. Les établissements financiers devront aussi proposer un crédit personnel en alternative au crédit renouvelable, au delà d'un certain montant, et ils devront vérifier la solvabilité des emprunteurs ayant souscrit un crédit revolving en consultant tous les ans le FICP (fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers). Enfin, la loi imposera aux banques d'être plus claires sur leur offre. Elles devront mentionner clairement les taux d'intérêts pratiqués, au delà des taux promotionnels, éviter de suggérer qu'un crédit améliore la situation financière de celui qui le souscrit et utiliser une formule unique pour désigner le "crédit renouvelable".
E.Z.