Insertion - Le microcrédit personnel amorce enfin son décollage
Lancé en 2005 à la faveur du plan de cohésion sociale, le microcrédit "personnel" est enfin en train de décoller. Près de 6.000 prêts ont été accordés avec la garantie du Fonds de cohésion sociale (FCS) géré par la Caisse des Dépôts, pour un montant de 13,7 millions d'euros, selon les chiffres du premier rapport de l'Observatoire de la microfinance, avec une accélération nette l'an dernier. Entre 2005 et 2007, moins de 2.500 prêts seulement avaient été accordés, contre 3.563 pour la seule année 2008.
Si les microcrédits professionnels (14.592 en 2008) lancés en 1988 pour financer la création ou le rachat de petites entreprises artisanales ou commerciales, sont maintenant bien connus, leurs petits frères ont encore du chemin à parcourir pour véritablement s'imposer. Emprunts légers, de l'ordre de 2.000 euros, assortis d'un échéancier assez court et d'un taux d'intérêt faible voire nul, les microcrédits personnels s'adressent à des personnes exclues du crédit bancaire mais dans une optique d'insertion : achat d'un véhicule d'occasion, formation, frais dentaires ou lunettes, par exemple. Le FCS permet de garantir pour moitié le montant du prêt.
Le retard au démarrage s'explique par les réticences des banques autant que des travailleurs sociaux, très frileux sur tout ce qui peut s'apparenter à du surendettement. C'est pourtant bien l'inverse qui est recherché : la responsabilisation des bénéficiaires. On parle d'ailleurs d'un "modèle" du microcrédit à la française : à côté du financement, qui n'est pas un don, il y a un accompagnement social. La banque et les acteurs sociaux (bénévoles ou associatifs) sont amenés à travailler de paire. Ce suivi joue un rôle primordial : le taux de sinistralité n'atteint pas les 1,5%.
Aujourd"hui, le virage semble amorcé. Et le public potentiel est très large. La Banque de France estime entre 20 et 30% la part de la population qui n'a pas accès à un crédit classique, faute de ressources suffisantes. Jusqu'ici, ces ménages se tournaient vers la souscription de crédits renouvelables aux taux souvent très élevés. La période actuelle de crise, l'élargissement de l'offre, le Grenelle de l'insertion, qui a permis de mieux le faire connaître, tout ceci a sans doute favorisé le changement d'échelle du microcrédit personnel. Le nombre de dossiers du FCS a crû de 80% en un an ! Parmi les établissements de crédits, les mutualistes se montrent aujourd'hui les plus entreprenants : les Caisses d'épargne qui totalisent 2.244 prêts, le Crédit Mutuel, le Crédit Coopératif, le Crédit Agricole ou encore la Banque postale. Les crédits municipaux commencent eux aussi à s'impliquer, notamment ceux de Nantes, Bordeaux et Lyon. Les caisses d'allocations familiales elles-mêmes font du microcrédit personnel sans le savoir, constate l'observatoire, à travers leurs aides financières individuelles (AFI) qui se sont élevées à 371 millions d'euros l'an dernier. Du côté des grands réseaux d'accompagnants figurent l'Uncass (Union nationale des centres communaux d'action sociale) et des associations comme la Croix-Rouge ou la fédération des Familles rurales.
Une définition du microcrédit personnel
De leur côté, les collectivités ont plusieurs cordes à leur arc : les CCAS pour l'accompagnement et le premier niveau de mise en relation, les crédits municipaux pour le financement.... Mais certaines ont mis en place un dispositif global. C'est le cas du conseil régional de Poitou-Charentes, l'un des plus actifs dans ce domaine. Son intention ? Permettre 2.250 prêts d'ici à fin 2010. Un appel à projets a permis de sélectionner quatre établissements bancaires (Caisse d'épargne, Banque postale, Crédit Agricole, Crédit Mutuel) et plusieurs organismes d'accompagnement. La région prend en charge les intérêts pour arriver à un véritable prêt à 0%. Mais le système se veut vertueux : à la fin du microcrédit, la région reverse au bénéficiaire une subvention égale au montant des intérêts ; en cas d'impayés, le bénéficiaire ne recevra pas cette subvention.
Si le maillage territorial s'est bien renforcé, notamment dans la moitié Nord de l'Hexagone, il reste encore des zones d'ombres dans le Centre, le Sud-Ouest ou le Sud-Est, notamment, où l'offre est encore très parcimonieuse. Par ailleurs, les banques privées, pour qui les prêts ne sont pas suffisamment rentables, entrent dans le dispositif sur la pointe des pieds. La BNP s'est lancée, mais dans les Antilles uniquement. Quant à la Société générale elle ne s'adresse pour l'heure qu'aux 18-24 ans (prêts "Jeunes avenir"). En revanche, l'arrivée de la Banque postale qui est en train d'inventer sa fonction de prêteur (ce qui lui était interdit au moment du lancement du plan de cohésion sociale) est de bon augure. Grâce à son réseau rural, l'éventail de l'offre va nettement s'élargir.
Enfin du côté législatif, deux nouvelles dipositions devraient donner un coup de pouce supplémentaire. Un décret du 14 juin 2009, pris en application de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, vient d'étendre aux fondations la possibilité d'effectuer du microcrédit. Par ailleurs, la réforme en cours du crédit à la consommation propose pour la première fois une définition juridique au microcrédit personnel. Une question récurrente reste en suspens : celle de l'ouverture aux personnes surendettées ou figurant sur les fichiers de la Banque de France. Le Crédit Mutuel et la Caisse d'épargne sont acuellement en train de mener une expérimentation.
Michel Tendil