Microcrédit personnel - Martin Hirsch : "L'ouverture aux fichés ne va pas faire sauter la banque"
Trois mille prêts accordés en trois ans pour cinq à six millions de Français en difficulté. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le microcrédit personnel (ou social) a du mal à décoller depuis le lancement du plan de cohésion sociale en 2005. Dans le cadre du Grenelle de l'insertion, dont les conclusions doivent être remises avant le 27 mai, une journée de travail a été organisée le 23 avril pour lui redonner un élan. Le microcrédit personnel est un outil parmi d'autre pour "réintroduire les personnes en difficulté dans le système financier", a déclaré à cette occasion Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. "Comment aller vers la grande marche si elle est trop élevée ? Il faut des marches intermédiaires." Le microcrédit personnel a été imaginé dans le but de permettre aux ménages exclus des formules de prêts classiques de satisfaire des besoins essentiels : mobilité, confort du logement, soins, etc. Son montant varie de 300 à 3.000 euros. Mais selon l'économiste Georges Gloukoviezoff, rapporteur de la synthèse des travaux du groupe préparatoire à la rencontre, il pourrait être porté à 12.000 euros afin de répondre "aux accidents de la vie" (décès, divorce, chômage, etc.).
Accompagnement
La principale différence par rapport au crédit à la consommation réside dans le suivi. "L'accompagnement est très important, les acteurs locaux auront un rôle à jouer. En se retirant du financement de l'avance remboursable Eden, l'Etat va redéployer ses moyens sur l'accompagnement. Le financement public des associations est également important, a insisté Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des Dépôts. Il y a des marges de progrès considérables. Nous sommes ouverts pour des expérimentations, pour se permettre quelques échecs et aboutir à un système stable sur la durée."
La Caisse des Dépôts a été mandatée par l'Etat pour assurer la gestion du fonds de cohésion sociale (FCS) qui garantit les prêts à hauteur de 50%. Ce qui permet de partager le risque de non-paiement. Un risque finalement peu élevé, puisque le "taux de sinistralité" est ici d'1%, contre 2% pour les autres crédits. Ainsi, au 30 septembre 2007, le FCS comptait-il quatorze banques et établissements financiers partenaires, ainsi que neuf réseaux associatifs nationaux accompagnants d'emprunteurs. Au total, 132 expérimentations locales ont été recensées. Face à une telle mobilisation, les résultats sont "assez décevants", a reconnu Christophe Fourel, directeur général de l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa), chargée par la Caisse des Dépôts de relever les obstacles au développement du microcrédit. Manque d'information, absence de cohérence territoriale, faible implication politique, stigmatisation des personnes précaires, méfiance des travailleurs sociaux à l'égard du crédit, etc. : "On a relevé pas moins d'une douzaine de freins", a-t-il expliqué. La principale difficulté réside dans les relations parfois difficiles entre banques et travailleurs sociaux. La rencontre a parfois donné lieu à des échanges houleux entre leurs représentants. L'un des points d'achoppement est la question du fichier des interdits bancaires. Ces derniers seraient 4,2 millions selon l'Ansa, or ils représentent aujourd'hui 40% des demandes de microcrédits. "Le fichier est un signal qui montre que la personne est en difficulté", a insisté Christophe Fourel. Mais pour le moment, les banques ne semblent pas prêtes à lâcher du lest.
Site internet
Autre point soulevé : la coordination. Dans une ville comme Angers, l'une des plus avancées dans le domaine du microcrédit, pas moins de neuf dispositifs ont été recensés, sans lien les uns avec les autres. Les conseils généraux commencent à se positionner, avec le soutien de l'Ansa. "Il faut un pilote dans l'avion et les départements ont une légitimité, a déclaré Jacky Guérineau, directeur de la solidarité et de la prévention au conseil général de l'Allier. Néanmoins, l'intervention des conseils communaux d'action sociale peut aussi faire de l'intercommunalité un territoire de référence."
Maria Nowak, la présidente de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) a fait part de sa "perplexité" à l'issue de la journée. "S'agit-il de faire un nombre limité de crédits en dehors du marché ou de bâtir un secteur financier ouvert à tous ? On propage l'idée qu'il n'y a pas besoin de remboursements, on confie le pilotage aux conseils généraux dont ce n'est pas le métier. Si on va dans ce sens, on aura quelque chose de très sympathique mais on n'ira pas loin", a-t-elle mis en garde.
Il reste maintenant un mois pour compiler l'ensemble des propositions de ce "mini-Grenelle" du microcrédit et les insérer dans le futur projet de loi. "Il faudra être sûrs lors des débats au Parlement que les mesures d'évaluation existent et que les engagements des banques sont réels et quantifiés", a conclu Martin Hirsch, avant de lancer : "L'ouverture aux fichés ne va pas faire sauter la banque." D'ici là, un site internet (www.france-microcredit.org) a été lancé pour permettre aux intéressés de savoir à qui s'adresser.
Michel Tendil