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Lutte contre l'exclusion - L'Unccas et les associations mobilisent contre l'exclusion bancaire

L'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas), le Secours catholique et la Croix-Rouge publient un "Manifeste pour l'inclusion bancaire en France des populations fragiles". Par ce manifeste, elles entendent "alerter sur l'ampleur des conséquences sociales du processus d'exclusion bancaire". Même s'il reconnaît que "l'accès au compte de dépôt a significativement augmenté" - notamment depuis la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (voir notre article ci-contre du 5 mai 2010) -, ce document très fouillé et très complet rappelle que 5 à 6 millions de personnes ont un "accès limité au compte". L'expression recouvre des personnes qui peuvent détenir un compte bancaire "mais n'ont pas forcément accès au crédit et sont exposées à des frais exorbitants, du fait de leur fragilité", dont notamment les 2,5 millions de personnes inscrites au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers. Elle recouvre aussi les 1,7 million de personnes "interdites bancaires", inscrites au fichier central des chèques.
De nombreux rapports officiels et dispositions juridiques sont venus apporter des améliorations, depuis la création du droit au compte bancaire (1984) jusqu'à la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, en passant par la mise en place du service bancaire de base (1998), le plan d'action pour l'accès de tous aux services bancaires (2006), la mission de généralisation du livret A (2008) ou la charte homologuée d'accessibilité bancaire signée par les établissements financiers (2009). Mais le manifeste considère que ces différents dispositifs "ne répondent que partiellement au problème", faute notamment d'une connaissance suffisante du phénomène. Par ailleurs, il relève que "les pratiques bancaires sont inégales et pèsent encore trop peu dans la lutte contre l'exclusion bancaire".
De façon inattendue, il considère que "les initiatives des établissements bancaires et financiers relèvent davantage, à ce jour, de la responsabilité sociale de l'entreprise que d'une réelle stratégie commerciale et marketing", ce qui limite la couverture territoriale et la mobilisation du réseau. Or les signataires font valoir qu'"un tel défi ne peut être relevé qu'à condition que les banques affichent une volonté politique de considérer ces populations fragiles comme des clients à part entière, en adaptant leur offre globale de produits et services (moyens de paiement, devoir de conseil, tarifs, service d'alerte...)".
Le manifeste pointe aussi les conséquences sociales de l'exclusion bancaire : diminution du "reste à vivre" (des titulaires d'un RSA de 400 euros pouvant être contraints de payer jusqu'à une centaine d'euros de frais bancaires par mois), le non financement de certains besoins ou projets fondamentaux (soins, mobilité, formation...), le "malendettement" (obligation de recourir au crédit renouvelable et à ses pièges), le mal-être personnel et familial notamment face au surendettement...

Une volonté de pragmatisme et de réalisme

Forts de ces analyses et de leur connaissance du terrain, les signataires proposent un certain nombre de solutions, regroupées en plusieurs thématiques. La première d'entre elles vise les étapes préalables nécessaires à l'évolution de l'offre bancaire. Il s'agirait en l'occurrence d'assurer une meilleure transparence des pratiques bancaires à l'égard des clientèles fragiles grâce à un certain nombre d'indicateurs objectifs, de mettre en place un processus de la certification publique des établissements bancaires et financiers, ainsi que des mécanismes d'incitation en direction des établissements satisfaisant aux critères de certification. Le second axe concerne le renforcement de l'accompagnement des publics fragiles sur les questions budgétaires et le surendettement, avec en particulier un recensement et une diffusion des bonnes pratiques et le déploiement de "larges programmes d'éducation budgétaire et financière". Sur la mise en œuvre de la bancarisation des ménages en difficulté, le manifeste préconise la création d'un institut public de collecte de données, d'analyse et de certification, où siègeraient de représentants des pouvoirs publics, des banques et du secteur associatif, ainsi que des chercheurs. Enfin, les signataires proposent de définir "un modèle économique juste et pérenne", à travers le vote d'une loi d'orientation, qui permettrait notamment de faire évoluer le Fonds de cohésion sociale vers un rôle d'outil financier du dispositif.
Dans leur démarche et leurs préconisations, les promoteurs du manifeste affichent une volonté de pragmatisme et de réalisme. Ainsi, "le manifeste ne soutient pas l'idée d'un droit opposable au crédit". Dans le même esprit, les signataires se disent "bien conscients que les obligations pesant sur les banques en matière de capitaux propres, imposées par Bâle III, devront être prises en compte dans la détermination de l'offre bancaire globale".